The Hole
(2009)
“The hole has been here since the world’s first scream.”
Pauvre Joe Dante. Lui qui était autrefois l’un des grands noms du Fantastique, et dont la filmographie était connue par cœur de tous les fans du cinéma de Genre, le voilà presque oublié de tous. Plus personne ne fait attention à lui depuis la petite déception que fut Small Soldiers en 1998, et sa carrière de réalisateur s’est arrêtée nette après Les Looney Tunes Passent à l’Action en 2003. Après ça, plus rien hormis quelques projets de petites ampleurs: l’expérience Masters of Horror – très réussie – par deux fois, un segment pour le film à sketches Trapped Ashes et un épisode des Experts: Manhattan. Au moins a t-il trouvé un peu de réconfort dans Trailers From Hell, une sympathique websérie le ramenant à ses premiers amours: les bandes-annonces de films d’exploitation. Il y présentait tout un tas de bandes déjantées, invitant quelques célébrités de l’industrie pour disserter sur le sujet. Lorsque le projet The Hole lui tombe dans les mains, il n’a pas tourné de véritables films depuis plus de six ans…
Tout comme Small Soldiers, The Hole est un film fantastique s’adressant à un jeune public, ce qui semble en faire d’emblée un titre mineur dans la carrière de son metteur en scène. Mais cela ne veut pas dire que le résultat soit mauvais, d’autant que le sujet évoque une sorte de Ça pour enfant, avec cette entité abstraite qui prend la forme des peurs intimes de quelques gamins pour mieux les engloutir. Et avec Joe Dante aux manettes, cela rappel fortement la sympathique série Eerie, Indiana dont il était responsable dans les années 90. Une bonne nouvelle, même si le script de Mark L. Smith (auteur des Motel, du remake de Martyrs et du très récompensé The Revenant avec Leonardo DiCaprio) est loin d’être aussi fou et imaginatif, livrant une histoire aux thèmes somme toute basiques et maintes fois rabâchés. Logique pour un film destiné à la jeunesse sans doute, et a vrai dire toute l’attention portée à The Hole reposait sur autre chose: la 3D, alors ressuscitée par James Cameron avec Avatar la même année.
Honnêtement cet élément est sans doute le moins important du film, au point d’être à peine remarquable dans la version plate. Si l’on retrouve quelques effets faciles tout droit sorti des années 80 (une balle de baseball lancée vers l’écran), la technologie n’apporte pas grand chose à l’ensemble et sert surtout à renforcer le danger que représente le “trou” de l’histoire, à la profondeur insondable. Des rayons de lumière balayent ses ténèbres, atteignant directement le spectateur, des objets tombant dans la fosse semblent sortir de l’écran… c’est plutôt mince et seuls les fanatiques du procédé y trouveront leur compte. On lui préfèrera amplement l’habituelle patte du réalisateur qui ne perd jamais une occasion de faire des clins d’œil à la bonne vieille série B d’autrefois: ici Gorgo passe à la télé tandis qu’une vieille usine à gants porte le nom de Orlac. Le final, qui plonge ses protagonistes dans le monde à l’intérieur de l’abîme, vient quant à lui faire écho à l’expressionnisme allemand et à son architecture torturée.
L’intrigue reproduit la bonne vieille formule d’Explorers et autres films de sales mômes partant à l’aventure, bien avant que Stranger Things ne se l’approprie. Ici une mère célibataire et ses deux fils emménagent dans la petite ville tranquille de Bensonville après avoir vécu un temps dans une grande métropole. Si le plus jeune, Lucas, s’en accommode, son frère Dane peine à accepter la situation car la famille ne s’installe de toute façon jamais bien longtemps. Il faut dire que leur père, un alcoolique violent incarcéré depuis des années, à tendance à retrouver leur trace et leur envoyer du courrier, ce qui rend assez instable leur vie de famille. Heureusement l’adolescent craque bien vite pour sa jolie voisine Julie, sympathique et intéressée par leur cas, et surtout un mystère incroyable leur tombe sur les bras: ils découvrent à la cave une trappe cadenassée qui donne sur un étrange trou sans fond dans le sol. Un gouffre surnaturel où la lumière disparait et qui abrite une force invisible.
Dane et Lucas apprennent alors que l’ancien propriétaire de la maison est devenu fou et vit désormais en ermite dans une usine abandonnée, prétendant que les ténèbres cachées dans l’excavation sont maléfiques et qu’elles attaquent quiconque a posé les yeux sur elles. Une transposition littérale de la citation de Nietzsche en quelque sorte: “Si tu regardes au fond de l’abîme, sache que l’abîme aussi regarde au fond de toi”. Car le Mal tapis dans l’ombre observe en retour ceux qui regardent dans le trou afin de trouver leurs peurs les plus profondes pour les matérialiser. Ainsi Lucas, qui a peur des clowns, est harcelé par un sinistre pantin grimé en auguste, Julie est hantée par le spectre d’une fillette, en fait sa meilleure amie morte dans un horrible accident lorsqu’elles étaient petites, et Dane va se confronter à une version grotesque de son père, en forme d’un géant monstrueux.
Comme on s’en doute nos héros vont devoir faire face à leurs craintes afin de survivre et régler quelques problèmes personnels par la même occasion. Encore que dans le cas du plus jeune cela reste discutable puisqu’il ne fait que se battre physiquement avec le petit monstre et rien ne vient prouver qu’il a surmonté sa coulrophobie au bout du compte. Sa mésaventure nous ramène inévitablement à Gremlins et Small Soldiers du fait de la petite taille de la marionnette, et les scènes où l’enfant se retrouve enfermé avec lui dans la cave comptent parmi les plus divertissantes du film. Le clown lui-même a un côté Chucky, en moins vulgaire, dans sa façon d’agir et de parler. Il tente de noyer Lucas dans une piscine, le bombarde de bouteilles en verre et fini par l’attaquer au corps-à-corps en l’insultant pour un combat similaire à celui du chat et du gnome dans Cat’s Eye. Rien de tout cela n’est original, mais cela reste assurément efficace et on peut juste regretter cette occasion manquée de nous offrir un affrontement entre le monstre et le Chihuahua des voisins.
Plus atmosphérique est l’affaire de Julie, qui retrouve son amie d’enfance ayant fait une chute mortelle dans un parc d’attraction. A peine une menace, et surtout l’occasion de montrer quelques visuels effrayants comme lorsque l’héroïne regarde sous une porte pour apercevoir les pieds sales de la revenante tandis qu’un filet de sang s’écoule au sol, ou l’apparition d’un policier en apparence à normal jusqu’à ce qu’il se retourne, dévoilant l’arrière de son crâne fracassé avec cervelle apparente. Si cette sous-intrigue n’a guère plus d’importance qu’un épisode de Fais-moi Peur ou Ghost Whisperer, il entretient suffisamment le mystère pour intriguer et le fantôme a une intéressante façon de se déplacer, bougeant de manière saccadée comme s’il y avait un problème de framerate dans son animation. L’épreuve de Dan intervient elle un peu trop tard dans le film pour vraiment fonctionner, forçant presque son chemin dans la narration.
Jusqu’au bout le personnage est épargné par le “trou” et se contente d’enquêter sur ce qui arrive, sa peur ne prenant pleinement forme qu’après que Dane et Julie aient résolu les leurs. Dès lors la menace que représente l’entité parait bien moindre et la dernière partie offre surtout l’impression d’être là pour donner quelque chose d’un peu plus spectaculaire au public. Terrifié par son géniteur qui avait pour habitude de le battre, l’adolescent doit plonger dans le trou afin de poursuivre le monstre qui a kidnappé Lucas et l’affronter sur son propre terrain. Joe Dante nous présente un monde de cauchemars issu du Cabinet du Dr. Caligari, où tout semble déformé. Un esthétisme qui se rapproche parfois dangereusement de celui de Tim Burton au point de nous faire penser à l’au-delà de Beetlejuice, mais cela reste créatif: un des garçons doit escalader une étagère s’étirant indéfiniment en hauteur et le décors s’effondre progressivement à mesure que le héros gagne confiance en lui.
Au final The Hole ressemble à une version luxueuse de Chair de Poule, où les protagonistes ne sont jamais réellement en danger et ou l’horreur parait assez gentillette, mais dont les idées restent assez plaisantes. Comme cet œil inquisiteur qui apparait à la télévision comme pour espionner les jeunes héros qui lui tourne le dos, ce gant qui se retrouve mystérieusement à la main d’un protagoniste après sa visite à l’usine Orlac, ou la subtilité avec laquelle est montrée la disparition du petit chien qui avait lui aussi regardé dans les ténèbres. La relation entre les deux frangins parait crédible, les enfants se frappant et s’insultant à longueur de temps, Dick Miller fait son apparition obligatoire et Joe Dante fait plusieurs fois apparaitre Julie en bikini juste pour le fun. Tout le monde devrait donc pouvoir y trouver son bonheur même si nous sommes loin de la folie d’autrefois, ce qui explique finalement très bien pourquoi personne n’évoque jamais le film. D’ailleurs malgré de bonnes critiques, la chose sombra vite dans l’oublie et là encore Joe Dante se retrouva à attendre longtemps avant de pouvoir tourner à nouveau, enchainant les épisodes de séries télés et livrant son Burying the Ex pas moins de cinq ans plus tard…
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