Tentacles (1977)

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Tentacles

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Avant que la sharksploitation ne deviennent la mode incontrôlable que l’on maintenant, on parlait plutôt de jawsploitation. C’était globalement la même chose, sauf que l’idée était d’imiter Les Dents de la Mer en général plutôt que de se focaliser sur le requin. Les titres qui entraient dans cette catégorie avaient tendance à recopier la formule de Steven Spielberg en modifiant simplement la menace, allant parfois jusqu’à quitter les plages pour s’installer ailleurs, comme Grizzly et son gigantesque plantigrade. Évidemment des tas de monstres marins firent surface à leurs tours, du banc de piranhas à l’orque épaulard en passant par le crocodile et bien sûr la pieuvre, comme c’est le cas dans ce Tentacules sorti en 1977, tout juste un an avant Les Dents de la Mer, 2ème Partie sur lequel il comptait capitaliser. Production avant tout italienne malgré un tournage délocalisé en Californie et une distribution assurée par l’American International Pictures de Samuel Z. Arkoff, le film plonge tête la première cinéma Bis, et pour cause.

 

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Car le script est en partie écrit par Tito Carpi, scénariste prolifique à qui l’on doit entre autre les intrigues d’Alien, la Créature des Abysses, Atlantis Interceptors, Les Aventuriers du Cobra d’Or, Les Guerriers du Bronx 2 et Les Nouveaux Barbares. Un véritable expert ici secondé par un Jérôme Max qui n’a rien à déclarer et Steven W. Carabatsos, qui a pondu Le Dernier Vol de l’Arche de Noé pour Disney. Quant à la mise en scène c’est Ovidio G. Assonitis qui s’y colle (sous le pseudo assez cool d’Oliver Hellman), producteur d’Au Pays de l’Exorcisme et réalisateur de Beyond the Door. Un véritable combattant du cinéma d’exploitation qui bossa tant avec ses compatriotes (Umberto Lenzi avec Man From the Deep River, qui lança le fameux cannibal boom rital), que la Cannon (il remplaça Menahem Golan après sa défection), et même la Shaw Brothers du temps où il fut simple distributeur pour l’Extrême-Orient. Sans surprise il embaucha quelques vieilles gloires d’autrefois pour donner un peu plus de cachet à son petit budget.

 

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Ce sont Shelley Winters (L’Aventure du Poséidon, La Nuit du Chasseur), John Huston (Chinatown, aussi réalisateur du Faucon Maltais et de Moby Dick) et surtout un Henry Fonda vieillissant qui ne tourna qu’une poignée de scènes qu’il passe assis ou au téléphone afin de ne pas trop se fatiguer. De bons atouts qui savent y faire sans avoir à se forcer, bien pratique pour attirer les foules mêmes s’ils restent malgré tout en retrait. La véritable star c’est le désormais oublié Bo Derek, qui a eu quelques grands moments dans sa carrière (La Horde Sauvage, Midnight Express) avant de sombrer dans la série B (Mutant, Uncle Sam, Une Nuit en Enfer 2) sans espoir de reconnaissance. Il incarne ici un océanographe dépressif qui va enquêter sur les méfaits du poulpe géant avant de se lancer à sa poursuite après qu’il ait bouffé sa femme. Un rôle qui devait à l’origine revenir à Yul Brynner avant qu’il ne décline, et on peut facilement imaginer à quel point Tentacules aurait profité de la présence du grand chauve tant son remplaçant semble s’ennuyer ici.

 

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Il faut dire que le sérieux mortuaire dans lequel s’engage l’intrigue ne doit pas aider, surtout quand les comédiens doivent prononcer certaines répliques qui flirtent avec le grotesque. Comme lorsque héros déclare sincèrement comprendre les deux orques dont il s’occupe dans un parc aquatique lorsqu’ils poussent leurs petits cris. Même Les Dents de la Mer avait une ambiance plus détendue, et le résultat évoque parfois plus un film catastrophe fataliste où l’on aurait remplacé le désastre naturel par un monstre de kaiju eiga. L’histoire, classique, raconte comment les résidents de la ville côtière de Solana Beach disparaissent mystérieusement, qu’ils soient dans l’eau, sur leurs bateaux ou même sur les digues. On ne retrouve d’eux que des squelettes totalement dépouillés (que l’on ne voit jamais, était-ce si dur d’en acheter un au surplus médical du coin ?) et la police n’a aucune idée de ce qui se passe. Tandis qu’un journaliste s’intéresse aux agissements de la société Trojan, constructeur de tunnels sous-marin, un biologiste va identifier le problème.

 

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C’est un gigantesque céphalopode qui est devenu fou, la faute à un équipement expérimental utilisant des ultrasons trop puissants qui endommagent la faune aquatique. Ayant goutté au sang humain, la bête chasse maintenant l’Homme, utilisant ses tentacules pour détruire les navires et attraper ses proies dont elle aspire toute la matière organique. Lorsque la femme du scientifique devient l’une des victimes, celui-ci va mettre au point un plan audacieux pour la venger… et pour une fois dans ce type de film, il ne s’agit pas de simples explosifs. C’est la seule idée un temps soit peu originale du projet d’ailleurs, le protagoniste, dresseur, envoyant ses baleines tueuses à l’assaut du monstre dans une séquence qui n’aurait pas dépareillée dans un Godzilla. Difficile de dire si c’est de là que Les Dents de la Mer 3D tira son concept des gentils dauphins, et impossible de ne pas faire le parallèle avec Orca sorti la même année, mais en tout cas cela fait son effet et permet à l’oeuvre de sortir plus facilement du lot.

 

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Car du reste les évènements reprennent à la lettre ceux de son célèbre modèle, à peine modifié pour l’occasion. Du protagoniste qui n’ose plus s’approcher de l’eau suite à un accident de plongé (Brody et sa peur de la noyade), à la mort d’un jeune garçon avec la réaction de sa mère désamparée (Alex Kintner), en passant par le cadavre en piteux état venant faire un jump scare (Ben Gardner) et jusqu’à la découverte d’un navire en charpie durant la nuit (Gardner là encore). La tête du poulpe fend les eaux comme le ferait l’aileron d’un requin et on retrouve même la course de voiliers des Dents de la Mer 2, qui avait déjà dû être annoncée à travers des documents promotionels à l’époque. Quant au méchant maire, il est remplacé par le patron de Trojan, capitaliste prêt à tout pour rencontrer le succès. Sauf que Henry Fonda étant très affaiblit, ce rôle est plus ou moins réattribué au vice-président de la boite qui prend des décisions sans son aval. Du rafistolage de dernière minute assez voyant puisque cette sous-intrigue est finalement abandonnée en cours de route.

 

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Heureusement le réalisateur se rattrape avec une mise en scène distinguée et des idées sympathiques, telle la scène d’ouverture avec ce bébé laissé sans surveillance par son idiote de mère et la disparition subtile qui s’ensuit, faite avec un bus passant devant la caméra pour ne rien montrer de trop grotesque. Les victimes sont décrites comme ayant été totalement liquéfiée, cartilage et moëlle des os inclus, et la bête n’hésite pas à cracher un nuage d’encre pour aveugler les plongeurs et les happer. De gros tentacules en caoutchouc s’enroulent autour des corps de jolies demoiselles, et si l’absence de gore se fait cruellement ressentir il y a ce moment où les jambes d’une victime flottent à la surface de l’eau un bref instant avant de disparaître, un peu comme si la pieuvre se baladait en masticant doucement sa proie. Un chercheur est attaqué dans une cloche de plongée exiguë qui rappelle la cage anti-requin des Dents de la Mer, et il y a tout un tas de petites maquettes adorables pour simuler la destruction des embarcations.

 

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Citons cette visite des fonds marins assez onirique où les explorateurs rencontrent aussi bien une épave de scooter abandonnée qu’une sorte de “forêt” de poissons morts, inexplicablement figés à l’horizontal, et si cela ne vous suffit pas sachez que l’on croise aussi un marin à la jambe de bois, un sosie de Winslow Leach qui se fait pratiquement violer par sa copine obèse et que Shelley Winters se promène avec un chapeau mexicain comiquement large sur la tête sans aucune raison. Et puis il y a les effets spéciaux relatifs au kraken, délicieusement rétros et variés: réplique taille réelle pour les gros plans (qui aurait coûtée près d’un million de dollars et coulée comme une pierre lors du tournage), stock shots animalier, véritables pieuvres placées sur des miniatures et même de la rétroprojection pour une scène nocturne assez démentielle où l’on peut voir la bête charger frontalement un bâteau avant d’émerger toutes tentacules dehors pour achever l’unique survivant de la collision. Finalement seule la compétition de voiles vient assombrire le tableau, étrangement monté à coups d’arrêts sur image et d’accélérations.

 

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Un montage borderline expérimental présenté en parallèle d’un public riant des blagues d’un présentateur et sans prises de son lorsque les navigateurs chavirent à cause du céphalopode venant à leur rencontre. Étrange, mais on en gardera quand même ces plans de bateaux renversés et complètement vides qui offrent au film une atmosphère légèrement cauchemardesque, au même titre que la lutte sous-marine finale entre l’océanographe et le monstre, avec une ambiance sonore complètement assourdie à l’exception de quelques bruitages amplifiés à l’extrême pour souligner leur importance. La musique lyrique lors du sauvetage par les orques frôle le ridicule par contre. La faute au compositeur, Stelvio Cipiani, qui recycle en fait une partie du thème musical du Grand Kidnapping pour l’occasion. Un travail à la hauteur du doublage de la version anglaise, traitée par-dessus la jambe. Non pas que cela porta préjudice à Tentacules qui aurait engrossé près de trois millions de dollars pour un budget d’environ 750.000.

 

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Pas surprenant alors d’apprendre que l’équipe retenta sa chance avec la jawsploitation et / ou la sharksploitation après ça. Tito Carpi écrivit les scripts du Chasseur de Monstres avec Franco Nero et de La Nuit des Requins, tous deux avec des squales mangeurs d’hommes, et Ovidio G. Assonitis remplaça James Cameron sur le très Bis Piranha 2: Les Tueurs Volants où le rejoignit Stelvio Cipiani, qui s’occupa également du score du Grand Alligatore de Sergio Martino. Samuel Z. Arkoff, bizarrement, décida quant à lui d’en rester là malgré un succès conséquent qui aurait pu l’inspirer, et s’il continua de produire de nombreuses séries B aussi diverses que variées, jamais le moindre monstre marin n’y pointa le bout de son museau, de sa nageoire ou de son tentacule. Surprenant.

 

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GALERIE

 

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Possible effet de maquillage remplacé au dernier moment par un mannequin.

3 comments to Tentacles (1977)

  • Blue Espectro (Daniel) Blue Espectro (Daniel)  says:

    Le film aurait pû être bien meilleur si le céphalopode c’était donné la peine de boulotter Shelley Winters (haha). Un rip-off de Jaws longuet et peu passionnant. Sinon, le meilleur film signé Ovidio G. Assonitis n’est pas à chercher du côté des Piranha 2 et consorts, mais du côté de l’excellent Madhouse.

    • Adrien Vaillant Adrien Vaillant  says:

      Il dévore sa jolie soeur quand même, ce qui m’a chagriné un peu comme elle porte bien le maillot de bain ! Et puis la conclusion avec les deux orques qui interviennent était bonne sur le papier: dommage que ce soit via stock footage d’animaux et pas avec des animatroniques, ça nous aurait fait un mini kaiju aquatique.

  • Blue Espectro (Daniel) Blue Espectro (Daniel)  says:

    Tu as entièrement raison de dire que le final avait un énorme potentiel… Fait amusant : on trouve un petit clin d’œil dans Jaws 3 lorsque le méga requin se fait brièvement attaqué par deux dauphins (et c’est tout autant mal foutu !).

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