Pledge Night (1990)

ROAD TO HALLOWEEN VI

 

 

Pledge Night

(1990)

 

 

Si l’on se souvient principalement de la Shapiro-Glickenhaus Entertainement comme étant la boite responsable de l’Exterminator avec Robert Ginty, celle-ci n’a pas pondu que des films d’action et possède quelques titres horrifiques dans son catalogue: C.H.U.D., Maniac Cop, Frankenhooker, les suites de Basket CasePledge Night n’est pas le plus connu du lot, slasher tardif développé à la fin des années 80 alors que le genre s’essouffle et qui ne fut pas distribué avant le tout début de la décade suivante. Voilà qui témoigne du manque de confiance des producteurs vis-à-vis de leur rejeton, ce qui est un peu injuste puisque le seul gros problème du film (un manque de gore parfois handicapant) est justement à attribuer au petit budget qu’ils ont eux-mêmes alloués au projet. Ou peut-être est-ce en fait une certaine forme de discrimination puisque, une fois n’est pas coutume, le scénariste se trouve être une femme. Non seulement ça, mais Joyce Snyder provient carrément du milieu de la pornographie !

 

 

Forte de trois décennies dans le cinéma pour adultes, elle a notamment produit et écrit une poignée de hardcore (Public Affairs et les trois Raw Talent) en plus de tenir un magazine spécialisé. Pledge Night semble avoir été sa tentative de rejoindre le côté plus respectable de l’industrie en passant par la petite porte, et le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle était très motivé, injectant un peu de son propre argent dans l’aventure. En compagnie du réalisateur Paul Ziller, un débutant dont il s’agit du premier film (qui gagnera du galon le DTV avec Back in Action, Bloodfist IV et Shootfighter II, avant d’être forcé d’enchainer les films de monstres pour chaînes câblées comme Loch Ness Terror, Troglodyte ou Yeti: Curse of the Snow Demon), elle livre une histoire intéressante puisque tirant à boulets rouges sur le petit cercle très fermé des fraternités, ces clubs réservés à l’élite qui se plait à humilier à l’extrême les petits nouveaux dans des rites de passage douteux. De là à croire qu’elle règle quelques comptes, il n’y a qu’un pas que l’on est tenté de franchir.

 

 

L’intrigue se déroule durant les vacances d’hivers, à l’approche de la redoutée Hell Week (la semaine de l’enfer), période où les bizuts vont devoir endurer une dernière série de tourments avant d’être pleinement intégré, ou renvoyé de la communauté. Chez Phi Epsilon Nu, on s’amuse à leur faire croire qu’un des membres de la confrérie est atteint de démence et capable d’actes de violence, avec une fausse agression au couteau pour mieux les terrifier. Ce que personne ne sait, c’est qu’environ vingt ans plus tôt un jeune homme fut accidentellement tué dans cette maison du temps où une autre fraternité y résidait. Le jeune Sidney Snyder (même nom de famille que la scénariste, coïncidence ?) perdit la vie en plongeant dans une baignoire remplie d’un liquide nauséabond où quelqu’un versa par mégarde de l’acide. Et cette année, Sid compte bien revenir d’entre-les-morts pour se venger de tous ces fils à papa qu’il méprise tant. Sa méthode ? Investir le corps du faux fou de service pour mieux prendre tout le monde par surprise le moment venu…

 

 

Il y a en réalité une raison beaucoup plus profonde à cette vengeance. Car le croquemitaine ne connait théoriquement personne de cette promotion et ne peut pas vraiment prendre sa revanche. Ancien hippie, il possède une haine véritable pour tout ceux de la classe supérieure, qu’ils soient membre d’une confrérie ou désirent juste en faire partie, et entend bien éliminer quiconque se présente à lui comme un symbole de la haute. Et s’il commence par ceux qui sont en charge de Hell Week, il ne montre pas de pitié non plus à l’égard des initiés geignards qui sont prêt à tout pour rejoindre les grands. Lorsqu’il leur met la main dessus, il leur demande toujours de décliner leur identité – un jeu vu précédemment où le bizuts doit répondre qu’il est un moins que rien. En bon mouton, tous répètent ce qu’on leyr a appris, et ceci malgré la menace, ce qui a tendance à faire enrager le monstre qui se débarrasse aussitôt de ces paillassons humains. Le twist final en rajoute encore lorsque le héros se retrouve face à lui.

 

 

Contrairement à ses pairs, le protagoniste ne provient pas d’un milieu aisé et doit faire face au désarroi de sa mère, une ancienne hippie qui elle aussi à la fraternité en horreur. C’est elle qui lui raconte l’histoire de Sidney, et lorsque l’on découvre que le jeune homme n’a jamais connu son père, mort avant sa naissance, il n’est pas compliqué de comprendre la vérité sur ses origines. Dernier survivant, il n’hésite pas à affronter le mort-vivant pour sauver son amie d’enfance (membre d’une sororité voisine mais elle aussi d’origine modeste), lui annonçant sans peur son nom de famille lorsque l’habituelle question lui est posé. Le meurtrier réalise aussitôt qu’il est son fils et rend les armes, annonçant au garçon qu’il n’était revenu que pour le protéger, avant de disparaitre. Beaucoup de substance dans ce Pledge Night donc, qui prend d’ailleurs tout son temps avant de céder à l’aspect slasher du scénario. Car il faut attendre au moins 45 minutes pour que les meurtres commencent, durant lesquelles nous est présenté le quotidien du bizutage.

 

 

Il y a la « course à la cerise » où il faut effectuer un parcours avec le fruit entre les fesses, que le perdant devra manger. Une punition d’autant plus malsaine que s’ensuit tout un jeu de dévotion où il faut se porter volontaire pour échapper au triste sort. Quiconque est prêt à aider ses frère durant la pire des épreuves est en fait récompensé, tandis que même un gagnant peut se retrouver à endurer le supplice à la place des autres s’il ne fait pas montre d’esprit d’équipe. Un pauvre type se retrouve les yeux bandés à devoir manger un étron au fond des chiottes (sans savoir qu’il s’agit d’un faux), un autre est couvert de miel puis de cafards et de vers de terre qu’il doit avaler malgré sa phobie… Une soirée avec quelques filles devient humiliante lorsqu’un fil attaché à leur sexe doit dépasser de leur col, les victimes devant laisser les curieuses tirer dessus. Et surtout il y a la scène du marquage au fer rouge, sans doute la plus réussie du lot niveau sadisme et dérapage.

 

 

Les jeunes hommes doivent se présenter à quatre pattes, fesses à l’air et yeux bandés, près d’un feu de cheminé où repose un fer pour animaux. L’idée est de tester leur courage et voir s’ils sont prêt à être marqué à vie pour leur fraternité, même s’il s’agit d’une « plaisanterie » où un morceau de glace est posé contre la peau au dernier moment. Mais après une première séance nous dévoilant la supercherie, la tension monte lorsqu’un autre candidat arrive et que le « fou » de service (possédé par Sid à ce stade) commence à faire du zèle au point de réellement brûler le postérieur du bizut en éclatant de rire ! Sans doute la séquence la plus surprenante et efficace du film, même si elle ne porte malheureusement pas plus à conséquence par la suite. Au moins cela permet de poser la menace, et il faut avouer que si « Acid Sid » et son visage ravagé comme celui de Freddy Krueger est très sympathique, c’est finalement sa version humaine qui est la plus dérangeante, avec ses rires hystériques incessants et ses grands yeux écarquillés.

 

 

Il convient de saluer l’acteur Arthur Lundquist, vu dans quelques zéderies comme Regenerated Man ou Alien Agenda, pour cette double performance de faux maniaque devenu vrai psychopathe. C’est lui qui ouvre les hostilités, tuant d’abord de manière réaliste avant d’escalader dans l’absurdité. Il poignarde un compagnon dans le dos à l’aide de tournevis et de ciseaux, s’esclaffant à forte voix pour couvrir ses cris, électrocute une demoiselle en jetant une radio dans son bain, puis ravage la gorge d’une autre à l’aide d’un batteur à œuf électrique. Son dernier méfait est d’enfoncer une bombinette dans le fondement d’un camarade en une parodie du jeu de la cerise. Le véritable Sidney prend ensuite sa place, émergeant de son corps tel Alien dans une scène très sympathique mais manquant sacrément de gore. En fait tous les meurtres manquent de violence, se déroulant souvent hors-champ. Un sacré problème tout juste rattrapé par l’effort des maquilleurs de nous montrer au moins le résultat de ce carnage.

 

 

Un type se fait arracher les couilles alors qu’il est aux toilettes, la main du croquemitaine émergeant de la cuvette comme si elle se croyait dans le poster Ghoulies. Un autre se fait briser le cou à 180° à la façon de L’Exorciste et un troisième voit son estomac exploser comme un ballon, libérant les insectes qu’il avait mangé un peu plus tôt. Blessé d’un coup d’épée, le zombie retire sa propre colonne vertébrale pour étrangler l’assaillant, puis plonge la tête d’un type dans la plaie béante afin de le dissoudre. Enfin il éclate le crâne d’un pauvre gus contre un mur, d’où s’écoule ensuite toute sa cervelle. Autant de mises à mort intéressantes ui perdent en impact du fait qu’elles ne sont jamais vraiment montrée à l’écran. Alors l’antagoniste tente de se rattraper en déshabillant gratuitement une donzelle avant de la tuer, faisant de même avec l’héroïne inconsciente qu’il se prépare visiblement à la violer avant que ne débarque son prétendant. Reste aussi son visage difforme à la Toxic Avenger et le fait que son corps émet constamment de la vapeur chimique à cause de l’acide.

 

 

On pourra apprécier le fait que la créature  se téléporte à volonté à la manière d’un fantôme et qu’elle n’hésite pas à prendre une épée médiévale pour partir à l’assaut de ses ennemis. Sabre qu’on lui plante bien profond dans la gorge, une fois neutralisé par un extincteur dont la neige carbonique le paralyse. Autant de petites choses qui prouvent la créativité de Joyce Snyder, franchement généreuse avec son public. Citons aussi ce paysage enneigé qui couvre le manoir de la fraternité, esthétiquement plaisant, et la musique métalleuse signée Anthrax qui explose les enceintes dès que Acid Sid passe à l’action. En clin d’œil sympa, son chanteur d’alors, Joey Belladonna, fait une (très) courte apparition dans le rôle du jeune Sidney hippie des années 60. Il y a aussi cette étrange scène à trois plutôt embarrassante entre deux bizuts et une jeune femme, sans doute un rappel de la scénariste à son passé porno, mais qui n’a rien d’érotique dans sa maladresse.

 

 

Quoiqu’il en soit Pledge Night a bien plus à proposer que nombre de slashers produit à la même époque, et s’il avait pu sortir courant 1988/1989 comme cela aurait dû être le cas, et s’il avait pu se montrer un peu plus sanglant, il se serait sans doute taillé une petite réputation malgré la concurrence. Hélas le film semble destiné à rester dans les limbes malgré ses qualités indéniables, et sa créatrice n’a pas refait surface avant 2015 pour la publication de son livre Mistress Pussycat, où elle explique s’être réfugiée dans le milieu du BDSM où elle serait devenu une sacré dominatrice. Espérons que la récente ressortie en Blu-ray lui donne un second souffle, car il le mérite amplement.

 

One comment to Pledge Night (1990)

  • Yohann Breard Yohann Breard  says:

    Vu en vo, j’avais bien aimé.

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