Open Fire
(1989)
“Why can’t you just give up this kung-fu mumbo-jumbo and, uh,
eat jelly beans like everyone else ?”
Après Bruce Le, Bruce Li, Bruce Lai et Bruce Lei, voici venir Bruce Ly. Derrière ce pseudonyme se cache en fait Henry Yu Yang, même s’il fut à l’occasion utilisé par quelques autres (comme Rey Malonzo, clone philippin du Petit Dragon, dans They Call Him Bruce Lee), un acteur et artiste martial doté d’une carrière plutôt décente du temps où il habitait en Chine, apparaissant notamment dans la célèbre 36e Chambre de Shaolin. Il ne fit que deux films sous ce nom en Occident, à commencer par ce Open Fire à ne pas confondre avec celui de 1994, avec Jeff Wincott. Engagé par quelques producteurs mexicains (dont celui d’un Chiquidrácula que j’évoque uniquement parce que ce titre me fait rire), il se retrouve en tête d’affiche avec David Carradine, alors alcoolique et abonné aux DTV sans-le-sou. L’ironie étant que les deux stars n’apparaissent que sporadiquement tout au long de l’aventure, Ly périssant très vite sans doute en raison de son niveau d’anglais peu élevé, et Carradine se retrouvant cloué au lit pendant une bonne partie du film. Ils sont alors remplacé par les jolies filles de la Panther Squad, une unité d’élite sans rapport avec celle de Sybil Danning mais victime du même traitement: les combattantes sont trop nombreuses et complètement interchangeables puisque dépourvues de la moindre personnalité.
Certaines se distinguent grâce à une combinaison de coupes de cheveux et de visages plus remarquables que d’autres, mais bonne chance pour retenir leurs noms ! Formées par Ly, elles vont servir de garde personnelle à Carradine, ici gouverneur du Wyoming se rendant en Amérique du Sud pour soutenir sa gamine, membre de la Chorale des Enfants pour la Paix dans le Monde. Car le pays est ravagés un “groupuscule de droite” sans nom ni revendications, et dirigé par un type qui garde constamment un aigle sur son bras et ne prononce pas le moindre mot (car la personne qui l’incarne n’est pas un acteur mais le dresseur du rapace). Les vilains kidnappent les enfants, Ly est tué durant l’attaque et le politicien se retrouve alité en raison d’une balle reçue près du cœur, sans que personne ne songe à l’envoyer à l’hôpital. Aux héroïnes de poursuivres les rebelles dans la jungle, trouver leur repaire souterrain et sauver les marmots, ce qui constitue le peu d’intrigue que propose Open Fire dont le scénario semble avoir été retouché (des crédits story et original screenplay par différentes personnes au générique) ou plus probablement jamais complété. Car il est vite apparant que le film a été essentiellement conçu au montage avec la majorité des dialogues ajoutés après-coup en voix off et plusieurs scènes d’action recyclées sous différents angles.
Il serait peu surprenant d’apprendre que le tournage ait été écourté pour une raison ou une autre, entre le budget englouti dans les multiples explosions qui parsèment le métrage et l’inexpérience du réalisateur (Roger Ende, producteur du Hybrid de Fred Olen Ray) dont il s’agit de la première fois derrière la caméra. Et si la première demi-heure fait à peu près illusion en présentant l’histoire et les personnages, tout se casse rapidement la figure tandis que la progression s’enlise au point de faire du surplace, les mêmes séquences se répétant en boucle: les filles se promènent lentement dans la jungle, croisent des ennemis et échangent d’interminables coups de feu, encore et encore sans la moindre variation ou presque. Deux séquences se démarquent vaguement, l’une montrant deux copines être prise dans un filet suspendu, les filles vidant leurs chargeurs à travers les mailles pour massacrer tout ceux qui s’approchent, et l’autre voyant un trio se retrouver coincé dans les marais avec d’un côté des crocodiles agressifs, de l’autres les guerrilleros qui les bombardent. Prenant refuge derrière une branche flottante, les demoiselles patogent en tirant dans tous les coins tandis que les déflagrations sont si puissantes que le marécage entier fini par prendre feu, l’eau y comprit !
Hélas la répétition est un problème et Open Fire devient ennuyeux à force de n’en plus finir. Il faudra se raccrocher aux idioties narratives et inépties techniques pour tenir, et heureusement elles sont nombreuses: David Carradine bois pour de vrai dès sa première scène, une musique de suspense s’emballe en jouant 99 Bottles of Beer on the Wall pour faire monter la tension, et les panthères de Bruce Ly méditent parmi les roses et les colibris. Les terroristes en fuite à bord de leurs camions sont contraint de faire demi-tour en pleine course-poursuite car l’équipe n’avait que quelques mètres carrés de terrain pour tout filmer. Les scènes d’action sont presque toutes présentées en un seul plan large, le master shot, car les inserts et autres cadrages n’ont sans doute jamais été tourné, et une captive chante Amazing Grace pour passer le temps, mais seulement hors-champ, la chanson s’interrompant régulièrement lorsque le visage de l’actrice apparaît à l’écran. Quant aux héroïnes, elles tentent comme elles peuvent d’avoir l’air bad ass mais le doublage sur la bande-son leur fait dire les pires âneries. “Is that a snake ?” demande l’une en croisant un gros python. “No, it’s a branch. I think.” répond sa camarade pas très futée.
Pendant ce temps Carradine, dont le personnage est aussi un vétéran du Vietnam, se promène en territoire hostile sans la moindre escorte, affiche ses dog tags telles des médailles en conférence de presse et a tendance à disparaitre comme Batman quand son conseillé à le dos tourné. S’il est à l’article de la mort, il se relève miraculeusement pour secourir sa fille et la blessure ne lui pose plus de problème dès qu’il tient une mitraillette. Mais s’il vient aider les Panthères dans le final, c’est à travers des séquences tournées à part et souvent mal intégrée à l’ensemble, comme dans cette fusillade se déroulant en plein jour où il fait subitement nuit dès qu’il intervient. Le film flirt même avec le surréalisme lorsqu’une bataille est montrée en parallèle du gouverneur endormi et prit de cauchemars, donnant presque l’impression que les défauts du film sont le résultat d’un delirium tremens de David Carradine lui-même. Et pendant ce temps, l’invité-surprise Hugo Stiglitz fait la plante verte, se tenant presque immobile aux côtés de la star de Kung Fu, le regard dans le vague. Son rôle semble avoir été sacrifié au montage car tout indiquait qu’il devait être une sorte de traite à la solde des terroristes, mais en l’état il ne récite qu’une poignée de lignes sans que son personnage ne serve à quoi que ce soit.
Une rumeur, à prendre avec une grosse poignée de sel puisqu’elle trouve son origine sur un commentaire IMDb, veut que les acteurs n’aient même pas été payé. Selon l’internaute, Carradine pensait même que le film avait été annulé, ce qui à vrai dire expliquerait le rendu final. Cela n’empêcha pas le réalisateur, la scénariste et quelques acteurs dont Carradine de se réunir presque dix ans plus tard pour les besoins de Light Speed, un autre DTV terriblement cheap et mal foutu qui réuni également Karen Black, le loup-garou de Monster Squad et un Bruce Li. Le plus triste dans tout ça reste que Open Fire aurait été l’occasion parfaite pour faire marcher la petite Kansas Carradine dans les traces de son père et de son grand-père, et la voir poursuivre une carrière d’actrice pour mauvais films. Si elle traina à l’occasion dans quelques navets (National Lampoon’s Stoned Age) ses apparitions se comptent sur les doigts d’une main et n’ont pas du tout la même ampleur que celles de ses illustres aînés. Dommage.
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