Monsters
Stressed Environment
(1990)
Quelle bonne surprise que ce Stressed Environment, premier épisode de la dernière saison de Monsters. A priori il n’a rien d’extraordinaire avec son histoire de rats tueurs s’en prenant à quelques laborantins, et pourtant il parvient à faire montre d’une certaine tension grâce à la combinaison d’une histoire intéressante et d’un décor terriblement claustrophobique. Et si le script est bon, c’est parce qu’il s’agit là d’un des tout premiers boulots de Neal Marshall Stevens, plus connu sous le pseudonyme de Benjamin Carr chez Full Moon ! Grand amoureux de monstres à la mythologie détaillée, il fut pratiquement responsable de tous les films produits par Charles Band durant la triste période de la fin des années 90: Head of the Family, Hideous !, The Creeps, Shriek, Sideshow, et hélas Curse of the Puppet Master mais il a des circonstances atténuantes.
En fait l’auteur fut consultant créatif sur la série depuis son tout premier épisode, qu’il écrivit justement, et on lui doit certainement beaucoup dans la qualité des origines des différentes créatures qui y apparaissent. Ici, plutôt que de simplement nous refaire le coup des petits rongeurs enragés, il invente tout une intrigue afin de les rendre plus sournois, plus dangereux et surtout plus originaux, car rarement le sujet de l’intelligence de ces nuisibles n’a été exploité malgré son existence indéniable.
Stressed Environment nous présente le Dr. Elizabeth Porter, autrefois une grande savante spécialisée dans le comportement animal et qui travaillait avec les primates. Malgré son excellente réputation, elle abandonna subitement sa carrière pour s’enfermer dans un petit boulot de laboratoire anecdotique – le traitement des pesticides contre les rats, échelon le plus bas de sa profession qui va lui valoir les moqueries de ses collègues. Pendant douze ans elle va tester différents produits sur ces bestioles avec une équipe réduite, sans jamais faire de remous. Jusqu’au jour où son assistante est tuée par une bestiole durant un examen de routine. Son supérieur vient alors lui rendre visite pour lui annoncer son licenciement, ne pouvant plus justifier son travail car elle n’a jamais obtenu aucun résultat pendant tout ce temps.
Seulement voilà, les circonstances du décès accidentel de leur employée va lever le voile sur les véritables intentions de la scientifique. Car la jeune femme a été tuée des échardes en verre qui lui a été planté en pleine tête, sortes de petits outils ayant été taillés à la manière des silex des hommes de cavernes… mais par des rats ! Totalement invisible depuis plus de trois mois, la dernière génération en date des spécimens de l’équipe a drastiquement évoluée et les cobayes ressemblent désormais à de miniatures guerriers tribales.
En plus de retrouver des lances et autres armes minuscules façonnées par les dents des rongeurs, les savants découvrent qu’ils sont devenues bipèdes et possèdent maintenant des pouces opposables leur permettant de se saisir d’objets comme nous, ainsi qu’un cerveau trois fois plus gros qu’avant. Pire: tous les signes laissent à penser que l’assistante fut victime d’une attaque planifiée. Et alors que la salle de testage a été envahie d’un gaz mortel comme le veut le protocole, il apparait que les monstres ont trouvés un moyen de survivre et qu’ils vont probablement passer à l’offensive !
Dr. Porter explique alors qu’elle n’a jamais abandonnée ses recherches et que son retrait en laboratoire n’était qu’une façon de poursuivre ses expériences sans crainte d’être surveillée par le gouvernement. Créant un environnement contrôlé, elle a progressivement permis l’évolution et le développement d’une nouvelle race qui se révolte désormais après des générations de mauvais traitements. Pour elle c’est une avancée remarquable et elle se refuse à la détruire, pensant que si elle utilise la violence à leur encontre, c’est uniquement parce que c’est ce que l’Homme lui a appris et qu’il reste possible de l’éduquer.
Les mutants vont bientôt couper le courant, piégeant les scientifiques dans le laboratoire dont les portes se verrouilles automatiquement en cas de problème. Comprenant qu’ils cherchent à s’échappe, et que leur propagation dans la nature serait un désastre, les partenaires du Dr. Porter vont chercher un moyen de se débarrasser d’eux une bonne fois pour toute, au grand dam de leur créatrice qui espère trouver une solution pacifique…
La conclusion, bien que prévisible, demeure un bon moment car s’éloignant des traditionnelles attaques de méchants rongeurs aux canines acérés. Plutôt que de dévorer leurs proies, les rats vont leur faire la guerre littéralement, les attaquants à l’aide de petites lances mais aussi de catapultes et de balistes construites avec les moyens du bord ! On découvre que cela fait des semaines qu’ils subtilisent couteaux et fourchettes dans leur chambre de test en forme de cuisine, volant même les pièges pour recycler le bois, le métal et le verre en petits engins de mort. Pouvant grimper partout, ils se faufilent dans les hauteurs pour dévisser les appareils installés au plafond et les faire tomber sur leur adversaire. Et surtout ils savent exactement comment s’enfuir, prévoyant de tuer tout le monde et d’attendre l’arrivée de l’équipe de sauvetage pour passer le sas de sécurité.
Brillant, d’autant que le scénariste s’amuse à montrer comment ils s’y sont prit pour sculpter leurs armes, survivre aux pesticides en bloquant l’injecteur de morceaux de tissus ou détruire les panneaux électriques en coupant les câbles. S’il avait eu le budget, Neal Stevens les auraient sans doute montré entrain d’assembler leurs équipement et se préparer à la bataille à la manière des tribus primitives. On peut quand même voir les bêtes en action via de superbes mais trop courtes animations en stop-motion: un gros rat armée d’un pique frappe la main qui le retient prisonnier, le chef de la tribu apparait avec un collier fait de tous petits os (sans doute ceux de ses congénères morts) et l’ultime confrontation avec le Dr. Porter le montre carrément doué de parole, prononçant son nom pour retenir son attention.
La meilleur scène – SPOILER – voit la scientifique renoncer aux armes à ce moment là, considérant qu’elle peut leur apprendre autre chose que l’agression. Son geste est considéré par le chef qui l’imite, abandonnant sa lance… pour mieux faire signe à ses camarades de tirer sur elle aussitôt qu’elle baisse sa garde ! Mourante, elle ne peut que murmurer “How human you are”, faisant écho à ce qu’un collègue lui disait à propos d’éviter la guerre entre leurs espèces: cela fait plus de 2000 que l’humanité se détruit sans jamais être parvenu à s’entendre, aussi le conflit était inévitable.
S’il est facile de se moquer de Stressed Environment à cause de ses rats à tronches de crocodile, de son petit budget et de son histoire absurde (bref tout ce que fera l’amateur de “nanar” qui n’a plus aucune suspension d’incrédulité et se marre d’un rien), il y a là beaucoup de créativité et une envie véritable de donner vie à ces petites bêtes poilus. L’épisode surpasse Micro Minds, épisode au sujet similaire de la saison précédente, et donne envie de voir une version plus poussée montrant pleinement l’organisation de la révolte des rats. Charles Band étant un grand amateur de créatures de petites tailles, nul doute que c’est ce petit film qui le convaincra d’engager le scénariste pour son compte.
Mais il ne faudrait pas non plus négliger la réalisation, plutôt dynamique pour du Monsters et un poil plus moderne que d’habitude. Le responsable, Jeffrey Wolf, est avant tout monteur mais se montre plus original que beaucoup de ses collègues habitués au côté plan-plan du format télévisuel. Il tente le travelling contrarié (le fameux Vertigo Effect), soigne ses cadrages, ouvre son épisode sur le striptease d’une laborantine qui dévoile sa culotte et un quart de sein et opte pour une musique qui rajoute des riffs de guitare électrique au synthé habituel. Il faut dire que nous entrons dans les années 90, qui se montrent un peu plus permissive qu’autrefois, et cela se sent bien.
Un dernier mot peut-être pour l’actrice principale, Carol Lynley, comédienne “à l’ancienne” qui est presque trop bonne pour une production pareille. Vu dans L’Aventure du Poséidon et surtout The Night Stalker, elle a cette classe et ce professionnalisme qu’on les dames du vieil Hollywood, se donnant à fond dans ce rôle d’une savante folle mais encore humaine qui va défendre ses monstres mais pleurer la mort de ses collègues. Elle évoque un peu l’antagoniste de Carnosaur, autre femme scientifique aux idées mégalo et jouée avec conviction par son interprète, mais en moins nihiliste. Oui marrez-vous, bien sûr que nous ne parlons que de série B, mais il y a là un bien plus gros effort que d’ordinaire pour incarner ce type de personnage et le résultat dépasse de loin les prestations en mode “pilote automatique” avec lesquelles ont se retrouve à longueur de temps. Voilà qui est donc fort appréciable et mérite d’être souligné.
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