Métal Hurlant Chronicles
King’s Crown
(2012)
Métal Hurlant, quand on est novice, c’est un sacré bazar pour s’y retrouver. Il y a d’abord Métal Hurlant le magasine d’origine, créé par le génial Jean-Pierre Jeunet et 100% français même si l’américain Richard Corben y était parfois démarché pour faire quelques illustrations. Y sont publiées des histoires parfois très courtes, parfois plus longue et à suivre sur plusieurs mois, toutes réalisées par une nouvelle génération d’artistes qui ne rentrait pas dans le moule et le politiquement correct de la bonne société française d’alors (presque cinquante ans plus tard rien n’a changé). La résultat est si bon que la revue est littéralement copiée aux États-Unis sous le titre de Heavy Metal. Le concept est exactement le même à la différence que les illustrateurs et scénaristes viennent de là-bas, et que le style parait sensiblement différent du fait du choc des cultures.
Puis vient le film d’animation Heavy Metal, purement américain mais traduit chez nous par Métal Hurlant, qui connaitra une pseudo suite rompant avec le traditionnel format d’anthologie. Outre quelques jeux vidéos, la “franchisation” s’arrête là, Métal Hurlant / Heavy Metal restant au format papier dans leur pays respectif avec plusieurs annulations et résurrections selon les époques.
Puis en 2012 débarque sans prévenir Métal Hurlant Chronicles, tentative d’adapter l’univers français sous le format série télé, tout en s’adressant ouvertement à un publique américain dans le style général. La confusion commence avec le titre qui mélange français et anglais, le “é” de Métal apparaissant ou disparaissant selon les sites Internet et les communiqués de presses. Si le projet est bien d’origine française, il est tourné en langue anglaise et des acteurs des deux pays se retrouvent parfois réuni au sein d’un même épisode, comme dans Le Serment d’Anya où Rutger Hauer côtoient notre Greg le Millionnaire national. Ça ne s’invente pas. Du coup même les titres des épisodes disparaissent, étant sans doute valides dans les deux langues…
Et pour en rajouter une couche, le point de départ de la série montrant un astéroïde surnommé “Métal Hurlant” traverser l’espace et le temps en provoquant les histoires par ses “hurlements”, ses ondes de choc, est en fait totalement pompé sur une anthologie titrée Astéroïde Hurlant, publié chez Les Humanoïdes Associés (la boite fondée par Dionnet) en 2006 sous la forme d’un one shot indépendant et ne se référant pas directement à Métal Hurlant malgré les similitudes. Ouf !
Bref, tout ça pour dire que ce premier épisode, King’s Crown (ou La Couronne du Roi), est adapté du magazine français Métal Hurlant #142, d’après l’histoire du même nom signée… Richard Corben et Jim Alexander, respectivement un américain et un écossais. Le scénario est lui signé par deux français, Guillaume Lubrano et Justine Veillot, les concepteurs de Métal Hurlant Chronicles, et c’est le premier qui réalise cet épisode qui ouvre en grand les festivités puisque réunissant les stars de films d’action modernes Scott Adkins, Michael Jai White et le regretté Darren Shahlavi ! Un trio qui s’affronte effectivement sur le ring dans un univers rétro-futuriste féodale, afin de gagner la couronne d’un royaume dangereusement affaibli par le précédent monarque.
Celui-ci, un petit tyran, est mourant. Lorsqu’il ne passe pas son temps à profiter de son harem ou à se goinfrer de victuailles, il se gave de drogue et vampirise son peuple, transformant ce qui était un paradis technologique en un enfer féodal. Pour choisir son successeur, il organise un grand tournoi où les combattants doivent lutter jusqu’à la mort…
Parmi eux, le brave Guillam, qui déplore l’état du royaume et se bat pour amener une ère de paix et de reconstruction. S’il est un grand guerrier, il va cependant devoir faire face à de redoutables adversaires comme Adam, qui désire simplement imposer sa domination, et Teague, l’un des nombreux bâtards du souverain, désireux de venger son triste passé. Amitié et rivalité vont fleurir sur le champ de bataille et seul l’un d’entre eux va survivre pour être couronné. Mais celui-ci va au devant d’une bien mauvaise surprise qui sera sûrement éventée par celui qui à l’habitude de ce type d’intrigue. Un mauvais seigneur qui réuni les hommes les plus forts du royaume pour lui succéder ?
C’était déjà le sujet de Deathstalker et de quelques autres, et ici la conclusion va faire sombrer le court métrage dans l’horreur absolue puisque le twist est digne d’un bon vieux EC Comics façon Weird Science ou Weird Fantasy. Simple, simpliste même, mais avec une histoire de base s’étalant sur seulement douze pages, voilà qui est parfait pour remplir les vingt minutes réglementaires de Métal Hurlant Chronicles qui n’a plus qu’à aligner les combats pour gagner du temps.
Et là dessus il n’y a rien à dire puisque le casting est composé des trois plus grands performeurs du genre qui s’en donnent visiblement à cœur joie, même si les restrictions budgétaires et le calendrier de tournage les empêchent de livrer quelque chose de véritablement spectaculaire. S’ils y sont très bons et que les voir tous ensemble est déjà un sacré plaisir, le duel Adkins / White ne vaut pas celui de Undisputed 2, et Shahlavi se montrait bien plus impressionnant dans Ip Man 2. Heureusement la caméra reste fixée au sol, évitant l’horrible shakycam incompréhensible comme c’était la mode alors avec les films de Jason Bourne ou les suites de Taken. Le metteur en scène semble plutôt s’inspirer du style de Zack Snyder avec ses nombreux ralentis et ses images ultra soignés. Tant et si bien que King’s Crown pourrait en fait être un spin-off de Sucker Punch, et on ne ferait pas la différence !
Car se mélangent tournois médiévaux où les guerriers utilisent épées, haches et lances anciennes, tandis que des gardes mécaniques surveillent leurs combats et que des robots volants viennent les interroger comme s’ils étaient des candidats de télé-réalité. La scène du banquet est à ce titre plutôt amusante puisqu’elle évoque tout aussi bien Game of Thrones que Secret Story.
Visuellement riche, le petit film tente vraiment de nous vendre l’imagerie de Métal Hurlant, reprenant parfois à l’identique certains designs de Corben, s’ouvrant sur un magnifique duel sous la pluie et présentant les habituelles pin-ups sous la forme d’esclaves sexuelles peu vêtues. Michael Jai White coupe un Mécha en deux d’un seul coup d’épée tandis que toute l’histoire se déroule dans un château flottant dans les airs tandis que le météore trace son sillon dans le ciel. Bien sûr l’abus de CGI et les emprunts au réalisateur de 300 vieillissent plutôt vite, et seulement six ans plus tard il est permis d’évoquer une certaine ringardise dans ce choix artistique. Certains seront immédiatement rebutés, d’autre accepteront cette façon de faire étant donné l’origine “comics” du projet, mais heureusement Métal Hurlant Chronicles n’est pas aussi laid qu’un The Spirit.
Entre la conclusion horrifique, les performances physiques des acteurs et cette volonté évidente de donner vie à l’univers de Heavy Metal – notons par exemple la musique électro de Jesper Kyd, compositeur de jeu vidéo qui a déjà tapé dans le genre avec Sub-Terrania sur Mega Drive – tirent clairement ce premier essai vers le haut malgré ses quelques scories.
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