Leprechaun: Origins
(2014)
Dire que la campagne marketing de Leprechaun: Origins est un fiasco serait un euphémisme. Résumons les faits: le film est le résultat d’un partenariat entre la WWE et la Lionsgate, au même titre que la suite tardive du plutôt bon See No Evil, avec Kane (le frère de l’Undertaker !), et compte naturellement sur la présence d’un catcheur au sein du casting. Il s’agit ici de Dylan Postl, connu sous le pseudonyme de Hornswoggle dans le ring, un nain cascadeur très rock’n roll et tout à fait sympathique. Si l’annonce d’un nouveau slasher avec le Big Red Monster n’affole pas les foules, il en va autrement avec ce qui se présente comme un Leprechaun sans Warwick Davis. Il faut dire que la mode est, depuis longtemps, aux remakes et reboots de tout poil, et cela commence a fatiguer. Si personne n’est dupe quant à la “qualité” de la série, il faut cependant reconnaitre qu’elle fonctionnait sur un point bien précis: le talent et le charisme de l’interprète principal. Même les épisodes les plus faibles de la saga (à savoir le 4, dans l’espace, et le 5, dans le gettho, pour des questions de budget incroyablement bas) possèdent leurs moments de délire qui suffisent a sauver de l’ennui, et donc du naufrage absolu. Il y avait alors de quoi rester perplexe devant cette décision de remplacer l’unique intérêt de la franchise par un acteur inexpérimenté, mais pire encore était cette optique de vendre le film comme “sérieux” et “terrifiant”. Là encore on peut rapprocher cette décision de la mode actuelle qui est de transformer toute saga fun en quelque chose de sombre et déprimant, en espérant surfer sur le succès de la trilogie du Dark Knight. Les producteurs ont-ils vu les films originaux ? La “menace” ne peut pas être sérieuse, c’est un lutin qui parle en rimes et qui fait des tours de magie ! Même les deux premiers opus, qui sont les seuls a tenter un angle d’approche avec un minimum de gravité, reconnaissent la futilité de l’entreprise et se laissent aller au n’importe quoi.
C’est probablement parce qu’ils ont réalisés la réticence du public que les responsables ont ensuite opté pour le silence radio. Aucune information, aucune photo, aucune annonce pendant plus d’un an, jusqu’à ce qu’enfin une affiche apparaisse. Puis quelques déclarations, quelques photos, et quelques extraits. De longs mois entre chaque et le même constat inlassablement: on n’ose pas nous le vendre, ce nouveau Leprechaun. Pas une description, pas un indice, pas un détail ne valant la peine d’être relevé. Même la WWE n’a pas cru bon de mettre son catcheur en vedette pour attirer l’attention sur lui, le faisant disparaître des grosses émissions (WWE Raw et Smackdown) pour le reléguer dans celle que personne ne regarde (Superstars). Il fallait se contenter de la note d’intention, avec un Leprechaun totalement différent de l’original et plus effrayant. Et subitement, sans prévenir, à quelques semaines avant la sortie du film, un nouveau poster fait sont apparition, révélant alors le visage du monstre. Autant dire qu’à ce moment précis, Leprechaun: Origins a scellé son propre destin. Il existe tout de même un juste milieu entre une absence totale d’information et l’image spoiler qui dévoile ce qu’il ne faut pas. La règle principale du film de monstre est de ne jamais, JAMAIS, montrer sa créature d’entrée de jeu. Les producteurs avaient plus d’un an pour réfléchir à une façon correct d’introduire le nouveau Leprechaun, et après une longue hésitation on décidé qu’ils n’en avaient strictement rien a faire. Et le problème s’est probablement posé durant toute la période de tournage car, comme on le verra par la suite, le farfadet est à peine la star de son propre film. Je crois sincèrement que la succession de Warwick Davis était un piège que personne n’a su résoudre et qui a eu une grave incidence sur la mise en scène et le montage.
S’il n’était pas très compliqué de goupiller une suite pour See No Evil, tout dans Leprechaun: Origins montre qu’il s’agit d’un projet monté en vitesse pour valider le deal entre les deux compagnies productrices. Le scénario a été pondu par un débutant dont il s’agit du tout premier travail, le réalisateur ne possède qu’une poignée de téléfilms a son actif, et même le titre semble avoir été improvisé pour attirer l’attention du spectateur. Il laisse sous-entendre qu’il s’agit d’une préquelle à la série originale, alors que ce n’est pas le cas, et il n’a aucun rapport avec l’intrigue puisqu’il n’est aucunement question d’expliquer l’histoire du gnome Irlandais ! Aussi étrange que cela puisse paraître, le film paraît même hésiter entre être un remake, ou être un reboot. L’intrigue, inédite, va clairement dans cette dernière direction mais on retrouve ici et là quelques éléments clairement empruntés au premier opus: une cave sombre, un vieil Irlandais qui (peut-être) exploite la créature, et jusqu’à l’intérieur des maisons abandonnés où se retrouvent piégés les protagonistes (la disposition du mobilier fait écho a celle où sont enfermés les héros du Leprechaun de 1993). Et jusqu’à la réplique culte, la délirante “Fuck you, Lucky Charms” que lançait un petit garçon armé d’un lance-pierre, avant d’envoyer un trèfle à quatre feuilles dans la bouche du farfadet ! Malheureusement ici c’est une héroïne essoufflée qui lance la tirade, avant de donner un coup de machette à la créature dans une séquence qui évoque fortement Freddy vs. Jason (et déjà honteusement reprise dans le remake des Griffes de la Nuit). Autant dire que l’impact en est gravement diminué. Sans être de véritables problèmes en soient, ces petites reprises indiquent que le scénariste n’avait pas une idée bien claire de ce que devait être le film et on peut supposer que les premiers jets se rapprochaient beaucoup plus de l’œuvre originale. Et s’il ne s’agissait que de quelques clins d’œils, autant dire que ce n’est pas probant.
Le point de départ était pourtant intéressant et nous ramène en Irlande, terre natale du petit monstre. Nous y suivons l’habituel groupe de jeunes venu faire la fête, lesquels se voient offrir l’opportunité d’explorer une région mystique: Les Pierres des Dieux, berceau de la civilisation Celte. Une zone évidemment absente de toutes les cartes et des discours touristiques puisqu’il s’agit d’un secret bien gardé par les habitants du coin. Mais c’est parce que l’une d’entre eux prépare son diplôme d’historienne qu’un brave gaillard vend la mèche, proposant de les emmener dans les parages et leur offrant même de quoi passer la nuit, dans une maison abandonnée en pleine cambrousse. A partir de là, tout le potentiel d’un tel sujet s’effondre pour laisser place a une situation que vous aurez déjà deviné. Il y avait de quoi mettre en place une nouvelle mythologie intéressante, mais c’est oublier que la tâche a été confiée à un scénariste qui n’a encore jamais rien écrit de sa vie avant cela ! Résultat Leprechaun: Origins nous resserre la même tambouille que l’on se goinfre dans toutes les productions horrifiques type Evil Dead et n’apporte strictement rien de plus. Rien qu’au début du mois, le Animal de Brett Simmons racontait la même chose. Alors évidemment, un Leprechaun vorace traîne dans les parages et il apparaît bien vite que la petite visite promise n’était qu’un piège destiné à attirer les jeunes gens pour les livrer en pâture au monstre. La raison, vaguement évoquée, semble être que les résidents du village voisins ont autrefois volés l’or du lutin et se sont attirés sa colère. Afin de protéger les leurs, quelques membres de la communauté ont décidés d’envoyer régulièrement à la mort des étrangers de passage, les enfermant dans une maison isolée et appâtant le farfadet avec un objet en or, présumablement pour qu’il pense avoir affaire aux véritables voleurs…
Outre le fait que tout ce stratagème semble grossièrement repompé sur celui de The Cabin in the Woods, il est surtout particulièrement stupide. Si le Leprechaun est un être doué d’intelligence, il paraît invraisemblable qu’il soit dupé de cette façon depuis tant d’années. S’il s’agit d’un monstre bestial plus proche de l’animal que de la créature magique (ce qui semble être le cas), il est étrange que personne n’ai trouvé un moyen plus simple de se débarrasser de lui. Malgré sa force physique impressionnante, il est clairement montré qu’il craint les attaques physiques, et un vieil homme parvient même à le tenir a distance d’un coup de fusil. Quant à savoir pourquoi un monstre sauvage tient a récupérer l’or (qu’en fait-il, où le stock t-il ?) et jusqu’où les habitants sont-ils complices dans la mise à mort d’innocents, nous n’obtiendrons aucune réponse. Ce qui en ressort, c’est que les responsables voulaient juste faire un petit film d’horreur vite fait bien fait, probablement confortés par l’idée que la plupart des spectateurs ne trouveraient rien à redire car, après tout, ce n’est qu’un Leprechaun et il ne sert a rien d’en attendre une bonne histoire. Personnellement je suis surtout surpris de voir à quel point tout cela évoque cet autre film de Leprechaun sans Warwick Davis. Celui produit par SyFy Channel en 2012 sous le titre de Leprechaun’s Revenge (et renommé Red Clover en DVD, il y a peu). Comme ici, il était question d’une créature quasi animale, sauvage, et s’attaquant physiquement à ses proies grâce à sa force prodigieuse. L’intrigue tournait autour d’un village qui fit sa prospérité sur le dos de la créature, l’ayant capturé et obligé a utiliser sa “chance” magique pour eux à force de mauvais traitement. Devenu fou, le monstre finissait par se rebeller contre ses tortionnaires tout en s’en prenant à quelques innocents passant par là. Les similarités sont flagrantes et peu avantageuses pour Leprechaun: Origins, qui apparaît clairement comme le film inférieur. Red Clover avait pour lui de ne pas appartenir à la série originale et de proposer une vision radicalement différente du farfadet et de sa légende. Le monstre lui-même avait un design atypique mais intéressant, évoquant aussi bien le Faune du Labyrinthe de Pan que ce bon vieux Baphomet. Malgré des contraintes de budget, le téléfilm se hissait au-dessus de la moyenne de ce genre de productions et se montrait plutôt généreux dans ses péripéties.
Ici c’est tout le contraire. Malgré un budget certainement supérieur, le film est désespérément creux et il n’y a rien a en retenir. D’une part, la note d’intention qui était de rendre ce nouveau Leprechaun effrayant prouve être une idée stupide, et au final tout ceci se prend beaucoup trop au sérieux. L’intrigue est vierge de toutes trouvailles, préférant se concentrer avant tout sur les incessants allez-retour de ses protagonistes entre différents lieux, quant à la surprise finale supposément inattendue, elle s’anticipe très vite dès lors qu’on réalise que le lutin semble pouvoir se téléporter d’un endroit a l’autre. Et si Leprechaun: Origins est vide en substance, ce n’est guère mieux sur la forme ! Privés de magie, les meurtres auraient dû être terriblement violent pour composer mais se déroulent pratiquement tous hors-champ. Exactement comme la vedette en fait, qui reste invisible pendant presque tout le film. Comme je l’évoquais plus haut, réinventer totalement le gnome à dû être un dilemme difficile à résoudre et cela jusqu’au dernier moment. S’il semble logique de ne pas montrer la bestiole dès le départ (et ça malgré la campagne publicitaire qui à finalement décidée de nous l’exposer en gros plan), il apparaît bien vite que le réalisateur ne tient pas à s’attarder dessus. La faute peut-être à une décision des studios, peut-être au look banal et totalement oubliable du monstre, allez savoir, mais visiblement tous les moyens sont bons pour en montrer le moins possible. Chacune de ses apparitions est charcutée par un montage rapide, épileptique presque, usant et abusant du flou et de l’effet shakycam pour décadrer. Globalement nous n’apercevront que des morceaux du Leprechaun: une patte, des dents, un œil. Jamais glorifié, jamais mis en scène, il n’est pour ainsi dire jamais montré de plein-pied et il faudra vraiment utiliser l’arrêt sur image pour le visualiser. Et autant dire que le jeu n’en vaux pas la chandelle: conçu par des artisans sans imagination, le farfadet n’est désormais qu’une pâle imitation des Crawlers de The Descent, en plus moche.
Et c’est bien dommage car, comme toute production WWE, ce long-métrage est techniquement compétent, soigné et dispose de plutôt bons maquillages gore malgré tout. A ce titre notons LA seule bonne idée du film: torturer une jolie jeune femme en lui arrachant uns à uns ses piercings dorés ! Si les protagonistes sont inintéressant, les acteurs s’en sortent plutôt bien par rapport a d’autres productions de ce calibre. Mention spéciale pour Brendan Fletcher, lequel doit sûrement bien s’amuser de se faire éventrer dans un Leprechaun, et au méconnu Teach Grant, acteur de série télé qui livre une performance incroyable et dévoile un personnage prisonnier d’une situation complexe qui aurait rendu le film beaucoup plus intéressant s’il avait adopté son point de vue. Malheureusement le scénario choisi de s’en séparer sitôt son conflit intérieur résolu, et il disparaît du film sans que l’on ne sache ce qu’il advient de lui. Bravo. Quant a Hornswoggle, on ne peut même pas critiquer sa prestation puisqu’il est pour ainsi dire inexistant. Il n’est finalement qu’un corps caché sous une combinaison en latex, son rôle se limitant à pousser quelques grognements et à sautiller. Comme à la WWE diront les mauvaises langues. Sa présence n’était donc pas indispensable et n’importe qui aurait pu faire l’affaire – même, osons le dire, un acteur qui ne serait pas nain. Preuve s’il en est qu’il n’était pas vraiment question de remplacer Warwick Davis pour revitaliser la franchise, et que ce Leprechaun: Origins n’est qu’une vaste blague conçue pour valider un contrat. S’il fallait ajouter une dernière pièce au dossier, mentionnons que si la durée du film n’excède pas les 90 minutes de base, le générique de fin prend presque un quart d’heure à lui tout seul. Un stratagème visant a gonfler artificiellement la durée du film pour justifier son exploitation. Si je suis habitué à ce genre de chose chez de petits filous comme Charles Band et David DeCoteau, j’avoue avoir été désagréablement surpris par cette découverte qui donne un peu l’impression de se faire enfler.
Espérons maintenant que la Lionsgate va rectifier le tir et permettre à un véritable nouveau Leprechaun de voir le jour. Warwick Davis est partant et a lui-même déclaré qu’il espère qu’un tel projet se mette en place rapidement car il ne rajeunit pas. L’idée est d’ailleurs toute trouvée puisque Darren Lynn Bousman, le réalisateur des Saw II, III et IV et de Repo ! The Genetic Opera, a depuis longtemps une histoire en tête: projeter notre lutin préféré dans l’Ouest Sauvage, à l’époque de la ruée vers l’or ! D’ici là, cette embarrassante parenthèse dans la saga à au moins le mérite de provoquer une sortie Blu-ray des autres films, ce qui va permettre de redécouvrir certains opus sous de biens meilleures conditions que dans les éditions bas de gammes où ils sont sorti. Gageons que l’autre film du deal WWE / Lionsgate, See No Evil 2, sera bien plus intéressant et honnête, mais avec les sœurs Soska aux commandes c’est d’emblée prometteur.
Et pour finir, je vous laisse sur ce message trouvé dans la section “trivia” de la page IMDB de Leprechaun: Origins et qui en dit long sur la réception du film par le public…
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