L’Épée de Dracula (Dracula III: Legacy, 2005)

Lost (and found) in the 5th Dimension

Épisode 1

 

L’ÉPÉE DE DRACULA

Dracula III: Legacy (2005)

 

 

Dracula 2000 n’était pas un bon film. Parmi ses nombreux défauts, citons cette idée stupide de faire du célèbre vampire rien de moins que Judas lui-même, ainsi que le manque de charisme étonnant de Gérard Butler dans le rôle-titre, qui sera battu de justesse par Dominic Purcell dans Blade: Trinity quelques temps plus tard. Sans surprise, ses deux suites DTV, tournées avec un casting complètement différent et pour un budget bien moins confortable, ne sont pas terrible non plus.
Dracula II: Ascension semble être le scénario d’un film de vampire indépendant qui aurait été transformé pour l’occasion, sa vedette apparaissant quasi muette et en retrait durant toute l’histoire et ceci afin de conclure sur un twist prévisible et un cliffhanger. Le changement d’interprète ne convainc guère, pas plus que celui de sa couleur de cheveux (boire du sang vous rajeuni, mais vous transforme aussi de brun ténébreux à blondinet peroxydé), et le point de départ est justement très tiré par ceux-ci: Dracula 2000 se terminait sur l’image du vampire réduit à un tas de cendres, brûlé en plein soleil avec un coup de pouce du Divin, ses restes étant alors enfermés et surveillés par la fille de Van Helsing pour prévenir de toute résurrection. Ici, les scénaristes laissent sous-entendre que le corps de Dracula est intact, quoique carbonisé, et que les résidus récupérés par l’héroïne sont ceux de quelqu’un d’autre ! Et alors qu’un chasseur de vampire mandaté par le Vatican apprend la supercherie, la Miss est absente du film, peut-être bien inconsciente des évènements. Au temps pour le lien télépathique qui est censé l’unir au buveur de sang…

 

 

Mais qu’espérez-vous ? Tout ceci est écrit et réalisé par Joel Soisson et Patrick Lussier, dont les carrières respectives sont globalement médiocres, penchant plus souvent dans le mauvais que le bon. Et ils récidivent avec Dracula III: Legacy, qui lui remonte un peu le niveau grâce à son atmosphère et ses décors roumains authentiques. L’idée est ici de montrer un Dracula désormais libéré de toutes contraintes, revenant à son pays d’origine pour reprendre ses vieilles habitudes. Les héros du film précédent sont à ses trousses et, si l’aventure ressemble surtout à un road movie bavard, il y a quelque chose d’intéressant dans cette ambiance post-apocalyptique, avec ce petit village désert et ravagé par des hordes de vampires. Les forces de l’OTAN bloquent l’accès à la région, l’isolant après avoir subit quelques revers avec les Nosferatus, tandis que leurs adversaires d’autrefois, des partisans d’une guerre civile, jouent les collabo en traquant la population survivante pour les déporter dans le château du Maitre vampire.
Et celui-ci de se gaver comme un porc, utilisant certains corps comme des poches de sang qu’il suspend au-dessus de son trôle et auxquels il se relie par intraveineuse. Une idée repompée sur Underworld, sorti quelques années plus tôt, où Bill Nighy, momifié par des siècles de sommeil, se “branche” à des tuyaux pour absorber massivement le précieux liquide. Seulement là où Underworld était visuellement soigné et tapait presque dans du Hellraiser avec cette scène, ici il faut plutôt deviner le concept à travers quelques plans furtifs et un décors jamais totalement établi.
Reste cependant ce thème de la réjuvénation, ou régénération, via la consommation de sang de façon inorthodoxe, et celui-ci se retranscrit également par un tout petit détail dont je voudrais parler, généralement totalement ignoré lors des chroniques du film: l’épée de Dracula.

 

 

Le vampire est campé par un Rutger Hauer cabotin qui n’intervient que dans les vingt-cinq dernières minutes du film (sur 1h30), pour ce qui n’est basiquement qu’une seule grande scène. De façon amusante, celui-ci se montre plus vieux et lent que ses incarnations précédentes, lesquelles étaient censées être en mauvais état, alors qu’il est ici pleinement restauré. Quoiqu’il en soit, l’idée de récupérer du sang en grande quantité se perpétue à travers son arme, qui se trouve être esthétiquement intéressante.
Ainsi la lame est crantée, et pas qu’un peu, ce qui est fait pour provoquer de sales blessures, de quoi arracher les chairs et mutiler la victime pour faire jaillir son sang en forte quantité. Et tout au bout du pommeau finement sculpté (au passage, admirons les têtes de dragons utilisés pour la garde et rappelant la signification du nom “Dracula”) se trouve un petit globe en verre, où est collecté le sang versé au combat. Une fiole qui, on l’imagine, se détache, afin que Dracula puisse savourer sa victoire au sens propre, comme s’il avait un verre perpétuellement à portée de main !
C’est à peine remarquable en fait, puisque la boule colorée peut parfois être confondue avec une décoration de type bijou, mais quiconque étudie bien les images se rendra compte de la vraie nature de cet élément.
Celui-ci n’est, hélas, jamais amené, souligné, ou même mis en valeur. Il faut dire que Dracula perd très vite son combat, ce qui la fout mal pour un ancien seigneur de guerre, mais que voulez-vous… Joel Soisson au scénario, hein. Il faut alors se contenter de quelques gros plans sur l’objet et du concept même, pour véritablement se rendre compte que durant la production du film, quelqu’un, quelque part, s’est soucié un minimum de cet univers et aura voulu le soigner un tant soit peu. Du détail ? Peut-être, mais ce sont parfois les petites choses qui font sortir le tout du lot, lui apporte son identité, son charme et son caractère.

 

 

Comme nous parlons de Dracula III et qu’aucune suite n’a vu le jour, c’est bien sûr peine perdue, mais c’était quand même bien essayé. D’ailleurs le créateur de cette belle épée ne s’est pas arrêté là et on peut constater que la lame n’est pas forgée dans du métal. L’arme est faite d’un seul bloc dans une matière blanche, ce qui est suffisamment original pour détonner de la photographie plutôt terne du film. Mon premier réflexe fut de penser que l’épée était en os: une épée d’os et de sang, voilà quelque chose qui correspond totalement à Dracula ! Qui plus est, le vampire est ici interprété par Hauer, qui fut la source d’inspiration du célèbre Lestat à Anne Rise, il n’était donc que justice que cette incarnation (théoriquement) bad ass soit munie d’un accessoire tout aussi remarquable.
Hélas, la vérité est moins rock’n roll puisqu’il s’agit en fait d’un simple bois. De l’albâtre pour être précis, d’où la couleur unique de cette arme. Ceci c’est Gary Tunnicliffe, responsable des effets spéciaux du film, qui l’affirme sur un bonus DVD du film. Et s’il fut un bon penseur et designer pour donner un peu de vie à un film jusqu’ici plutôt plat, il est quand même permis de questionner son choix puisque le bois n’est pas une matière permettant de faire beaucoup de dégâts sanguinaires…
Étant amoureux de son concept, je mâche mes mots. Mais certains chroniqueurs moins passionnés que moi ne lui pardonneront pas. Comme le mec de 30 Days of Plight, qui dira simplement ceci: “You can watch the sword flop like a semi-flaccid dick on close-up shots. It’s bad. The design of the sword is bad. This movie is kind of bad.”, se référant donc aux nombreux plans où la lame, faite de mousse ou de latex, apparait toute molle et se pliant au moindre impact.

 

 

Encore une fois, le film est un DTV de fond de tiroir réalisé par Lussier en Europe de l’Est. C’était à prévoir, et beaucoup moins dérangeant que les problèmes de rythme qui plombent l’ensemble du film. Quitte à se concentrer sur des petites choses anodines, autant chercher le positif plutôt que le négatif, non ? Mais peu importe. Moi non plus je ne peux pas défendre Dracula III qui, effectivement, ne vol pas très haut. Tout ce que je peux dire, c’est que au moins ce n’est pas Dracula II. Ou Vampires 3: The Turning, pour rester dans le même genre.
Au moins celui-ci a une orgie de femmes vampires nues qui, défoncées, se lèchent à n’en plus finir, un figurant qui parle très mal français (“Des dents, des grandes dents, tu comprends ?!”), un suceur de sang sur échasses et déguisé en bouffon, assisté d’une vampiresse acrobate qui même coupée en deux trouve le moyen d’être agressive, et une apparition éclaire de Roy Scheider en prêtre barbu. C’est pas si mal. La preuve, c’est que rien qu’en vous parlant d’un détail aussi con qu’une fiole au bout d’une épée en plastique, j’arrive à vous raconter tout ça ! Le film ne valant pas tellement une chronique, à moins de faire une rétrospective de la trilogie pour être complet, j’ai trouvé qu’en dire quelques mots de façon détournée était une solution plutôt acceptable. Ça change des articles habituels et met en valeur quelques petites trouvailles qui, autrement, auraient été effacées au profit de l’ensemble.
Voilà sans doute une façon de faire à laquelle je vais m’essayer pour cette nouvelle année.

 

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