Cinq ans après la première lecture, le verdict est le même. Jaws est un livre sombre et dépressif, a l’opposé total du film lumineux de Spielberg.
On pourrait passer de temps a montrer les différences entre les œuvres mais le principal est que dans le livre de Peter Benchley, Amity Island est un lieu froid où personne ne s’aime et où tout le monde à quelque chose a se reprocher. Un univers où le requin, au lieu d’être une menace extraordinaire, est tout a fait à sa place et ne semble être qu’une matérialisation du péché des habitants, de leur comportement charognard.
Très réaliste, le livre nous présente un univers noir où il est difficile de trouver un personnage repère, même en la présence du chef Brody. L’ambiance n’en devient que plus fascinante pour quiconque connaît et apprécie la ville d’Amity des films et l’histoire se suit avec passion, et pas uniquement lors des scènes d’attaques.
Très amusant également de revoir le manque d’informations de l’époque sur les requins, dépeignant un portrait incroyable de ces créatures et expliquant ainsi le pourquoi de la psychose générale qui a suivi la sortie du film. On peut ainsi voir Matt Hooper fantasmer sur la taille “énorme” de la bête et supposer un bref instant qu’il pourrait s’agir d’un Mégalodon préhistorique.
D’autres possibles explications quant au comportement anormal du requin seront vaguement évoquées: l’animal est-il particulièrement intelligent ou s’agit-il du Léviathan venu punir l’Homme sous l’ordre de Dieu ? Ou peut-être la sorcière Amity, morte il y a des siècles et de qui l’île tient son nom, y serait pour quelque chose ? Autant de pistes a peine mentionnées qui fascinent pourtant et donnent envie de s’y pencher.
Mais le tour de force du livre est de faire prendre conscience de l’ampleur du désastre sur l’échelle de toute la ville, et pas juste via les quelques victimes directes. Ici, c’est la population entière qui s’oppose à la fermeture des plages, car Amity est une station balnéaire ne vivant que pour quelques semaines de saison touristique seulement, la présence du requin symbolisant une crise financière immense et un taux de chômage conséquent. Voir la mort de la ville elle-même. Quant au maire, il est directement concerné puisque coincé par des créanciers mafieux. Bref, un monde impitoyable ne survivant que superficiellement, le squale suffisant par sa seule présence à tout faire voler en éclat !
Si Jaws demeure un one-shot qui n’appelle pas à une suite, je suis excité à l’idée de lire Les Dents de la Mer 2, celui-ci semblant être une séquelle au livre plutôt qu’une novélisation du film. De quoi donner envie de lire aussi la novélisation du ridicule opus 4 avec sa malédiction vaudou. Dommage qu’aucun livre du n°3 n’existe. Peut-être pourrais-je me procurer un jour le script initial de Matheson avant retouches ?
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