Official Movie Adaptation
Jason Goes to Hell: The Final Friday
(1993)
Dire que Jason va en Enfer est l’opus le plus controversé de sa saga est un euphémisme. Si Jason Takes Manhattan est souvent perçu comme le plus mauvais film de la franchise en raison de sa lenteur de progression, de sa faible violence et de son titre quasiment mensonger, il demeure accepté en tant que tel malgré tout. L’œuvre d’Adam Marcus, en revanche, est presque universellement conspuée pour ses choix scénaristiques qui relègue le tueur au masque de hockey à l’arrière-plan et modifie sa mythologie de telle manière que l’intrigue se connecte très difficilement avec le reste de la série. Même de nos jours, après de multiples séquelles et la disponibilité d’une version uncut restaurant un grand nombre de scènes sanglantes assez incroyables, Jason Goes to Hell: The Final Friday n’est jamais réévalué. Le réalisateur a pourtant bien tenté d’expliquer qu’une version plus complète existe virtuellement, et qu’il ne tient qu’à une opération crowfunding et à la bonne volonté de Sean S. Cunningham pour la concrétiser, mais tout le monde s’en fout.
Tout le monde se fout aussi des propos du metteur en scène qui tenta d’attirer l’attention en affirmant qu’il a connecté les univers de Vendredi 13 et de Evil Dead à la manière du Marvel Cinematic Universe, l’apparition du Necronomicon n’étant pour lui pas qu’un simple easter egg mais la véritable explication quant à la nature surnaturelle de Jason Voorhees. Peine perdu: personne ne veut revisiter ce neuvième volet. Ce qui du coup condamne aussi à l’oubli son adaptation comic book en trois numéros publiée chez Topps. Car la New Line Cinema, venant tout juste d’acquérir les droits du zombie de Crystal Lake, espérait frapper fort avec ce premier “nouveau” Jason, et elle signa un partenariat avec la célèbre compagnie de trading cards pour créer une une ligne de produits dérivés. En résulte un jeu de cartes à collectionner, l’adaptation BD de Jason va en Enfer et même un très sympathique crossover avec Massacre à la Tronçonneuse: Jason vs. Leatherface. Le personnage se retrouva même en guest star de luxe le temps d’une page dans un autre titre de l’éditeur, Satan’s Six, conçu par le légendaire Jack Kirby. Dommage que celui-ci n’ait pas apporté sa contribution pour l’occasion !
Cette version papier de Jason va en Enfer est sans doute le moins intéressant de ces projets et, pour être franc, le moins soigné puisque développé en parallèle du tournage afin que leurs sorties coïncident. Cela signifie donc que certaines scènes mises en boite sur le tard ne figurent pas dans cette adaptation, comme par exemple le fameux passage de la tente, où un couple fornique jusqu’à ce que Jason, très en colère, coupe en deux la demoiselle pour les interrompre ! En revanche plusieurs autres morceaux coupés au montage final se retrouvent ici, dont la fin originale qui implique une forme démoniaque du boogeyman et l’apparition de petits diablotins venu l’envoyer en enfer. Si l’on peut désormais facilement trouver quelques unes de ces scènes coupées sur Internet, voir leur placement précis dans l’histoire reste intéressant, prouvant au moins que la version complète encore invisible du film développe un peu plus ses personnages. Ce script est signé Andy Mangels, écrivain (et hipster exubérant) ayant pondu de nombreux livres sur des séries télés et trainé ses guêtres du côté de DC, Dynamite et Wildstorm.
Celui-ci a dû abattre un sacré boulot de synthétisation sur ces trois numéros, sacrifiant quelques séquences bien trop longues pour cause d’ambiance et de suspense et les réduisant au strict minimum afin de permettre à l’histoire d’avancer sans temps mort. Difficile de critiquer puisque ce Jason Goes to Hell n’a pas d’autre prétention que d’être in tie in promotionnel, et cela permet parfois de rétablir un certain équilibre vis-à-vis du film comme durant le combat final entre Steven et Jason. Interminable à l’écran, il est ici expédié en une seule planche et enchaine très rapidement avec la suite des évènements. Il faut reconnaitre que cela va presque trop vite dans certains cas, et la scène d’autopsie en souffre un peu puisque le légiste y dévore aussitôt le cœur du zombie, sans raisons apparentes, plutôt que de réagir sous le coup d’une hypnose maléfique. Au rayon différences et bizarreries, on peut relever la faute d’orthographe récurrente sur le nom de famille de Jason, ici écrit “Vorhees” au lieu de Voorhees (à la décharge de l’auteur, cette erreur se trouve aussi dans le film), et un clin d’œil à Halloween passe à la trappe pour la même raison puisque les Myers deviennent les “Meyers”.
Durant l’introduction c’est ici la fausse victime déshabillée qui déclenche l’assaut du FBI, dégainant un Magnum gigantesque malgré qu’elle ne porte sur elle qu’une simple serviette, et lorsque le mort-vivant s’échappe de la morgue, la télévision rappelle qu’il a déjà été déclaré mort huit fois auparavant en guise de clin d’œil à sa longue filmographie, allant jusqu’à mentionner sa baignade dans les déchets radioactifs de New York. Le problème du corps original laissé derrière est évoqué au détour d’une réplique précisant que les fédéraux ont incinéré la dépouille, et si le passé de Creighton Duke ne nous est toujours pas dévoilé, on apprend que l’un des serial killer qu’il a capturé par le passé se nomme The Idaho Skin Stretcher. La raison pour laquelle il se retrouve en cellule vient cette fois du fait qu’il tente de voler le corps de Diane, entrant par effraction dans le commissariat sans réaliser que le présentateur télé Robert Campbell l’a dérobé avant lui pour son émission, et la défunte n’est d’ailleurs pas la demi-sœur du croquemitaine mais la fille d’une Ann Voorhees inconnue au bataillon, rendant ses liens de sang avec l’antagoniste un peu plus flous. Sans doute un reste du scénario original d’Adam Marcus où l’histoire tournait autour d’Elias Voorhees, le frère maléfique de Jason…
Une scène supplémentaire montre Vicki, la copine serveuse de l’héroïne qui garde son bébé, passer un peu de temps avec son petit ami avant que celui-ci ne soit tué par un Campbell possédé lui brisant le crâne contre un évier. Les références à Creepshow (la caisse) et Evil Dead (le Necronomicon) sont absentes du livre, mais l’apparition surprise de Freddy Krueger est conservée à l’identique. La dernière partie présente un Jason monstrueux de taille normale plutôt que la larve minuscule visible dans le montage final, les personnages l’attrapant à bras-le-corps pour se débattre avec lui lorsqu’il attaque. La séquence reste globalement la même et la créature n’y fait malheureusement rien de particulier. Enfin ce sont de petits démons qui viennent entrainer le tueur au masque de hockey en enfer plutôt que ces grandes mains de pierre visible dans le film. En résumé, rien de tout ça ne viendra changer l’avis du fan de base et Jason Goes to Hell n’en ressort pas vraiment grandit. Certes les protagonistes y sont mieux établit, mais l’histoire que l’on connait demeure exactement la même et tout ce qui pose problème avec.
Ce comic book n’intéressera donc que les collectionneurs ou les rares personnes capables d’apprécier ce neuvième opus, et quand bien même, il ne faut pas s’attendre à un objet de grande qualité. L’artiste embauchée, Cynthia Martin est certes une baroudeuse de l’industrie qui s’est illustrée aussi bien chez Marvel que chez DC en passant par Dark Horse, Eclipse ou encore AC Comics, et son long run sur Star Wars est louable, mais son trait reste assez quelconque, trahissant sans aucun doute un travail de commande effectué au vitesse. Au moins ses arrière-plans sont plutôt fouillés et ses personnages extrêmement ressemblants aux acteurs, ce qui est loin d’être négligeable. Elle semble beaucoup s’amuser à reprendre le détail des miroirs renvoyant la véritable image de Jason à la Code: Quantum, et la destruction du tueur par le FBI lui donne l’occasion de s’éclater un peu puisqu’elle nous offre une explosion de corps terriblement gore lorsque l’obus le frappe, ses entrailles et vertèbres giclant aux quatre coins de la page ! Ses collègues, Allen Nunis à l’encrage et Evelyn Stein aux couleurs, l’accompagnent sans se faire remarquer.
Mais attention, si Martin se charge des numéros 1 et 3 de cette mini-série, le second est lui réalisé par un artiste alors totalement débutant, Bobby Rubio. Si son graphisme s’améliora rapidement par la suite, avec une prestation tout à fait acceptable sur Godzilla: King of the Monsters chez Dark Horse, il est ici d’une qualité bien inférieur a celui de sa partenaire malgré un petit côté à la Kevin O’Neill prometteur. Chez lui tout est simplifié à l’extrême, les personnage perdant leur ressemblance avec leur équivalent cinéma et les décors n’existent pratiquement plus ! Ils sont parfois même remplacé par de simples cases colorées histoire de gagner du temps, et la scène de la prison devient un cauchemar visuel tant la seule chose que l’on en retient, se sont les barreaux ! Ici une mégère arme son pistolet comme un fusil à pompe, et là le transfert de corps donne l’impression de voir deux scatologues se partager un étron ! Autant dire que cela ruine tout l’impact de l’une des meilleures scènes du film, lorsqu’un flic libéré de l’emprise du mort-vivant se met à fondre en accéléré…
Pour se rattraper l’éditeur fait ce qu’il peut pour appâter le lecteur. Topps nous refourgue évidemment ses cartes à collectionner, très à la mode à l’époque, avec pas moins de trois exemplaires par numéros. Il surf également sur la folie “collector” avec une couverture qui brille dans le noir pour le #1. Y figure un avertissement amusant venant supplier l’acheteur de ne pas ranger cette BD avec le reste de sa collection puisque Jason Goes to Hell est tellement “hot” qu’il pourrait bien y foutre le feu ! Aussi un article en deux parties, Behind the Mask: Directing Hell et Behind the Mask: Jason Revealed vient faire un peu de promo. Dans le premier nous y apprenons notamment que Sean Cunningham demanda à Adam Marcus de “trouver un moyen de rendre ces films stupides un peu plus intéressant” lorsqu’il lui confia les rennes de cette séquelle, et que le concept premier était d’expliquer comment Jason parvient à se régénérer de films en films. Le réalisateur y précise déjà qu’il existe plusieurs montages de Jason va en Enfer, entre la version cinéma censurée, la version télé elle-aussi légère en violence mais avec de nouvelles scènes autrefois retirées pour des questions de rythme, et une director’s cut contenant tout ce que la MPAA lui demanda de couper.
Le second texte retrace brièvement la carrière de Kane Hodder qui explique que KNB tenta de renouer avec le look décomposé du septième opus et confie ses craintes de voir son rôle se réduire à de simples apparitions. L’écrivain conclu son papier en éventant le secret de l’apparition de Freddy Krueger dans l’épilogue, se demandant si Freddy vs. Jason finira par voir le jour à l’avenir. Rien de tout ça ne viendra changer l’avis de qui que ce soit, mais il faut admettre qu’il y a là un côté rétro assez charmant dans toute cette entreprise, particulièrement pour une production horrifique des plus modestes. Il fallut d’ailleurs attendre une dizaine d’année – avec Freddy vs. Jason, justement – pour revoir le moindre produits dérivés en tie in de ce genre. De nos jours, vu le bourbier judiciaire interminable dans lequel s’est empêtré notre tueur masqué, il ne faut plus trop espérer grand chose et c’est bien dommage. Comme quoi, c’est bien vrai ce que l’on dit: seul le box office peut décider du sort des boogeymen du cinéma d’horreur, et pour le coup Jason Voorhees est bel et bien en enfer…
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