Jack Frost
(1997)
Quand Michael Cooney, spécialiste du thriller et auteur du sympathique Identity, écrit une série B à propos d’un bonhomme de neige homicide, c’est plus par défit qu’autre chose. C’est à la toute fin des années 80 qu’il se met au boulot, pratiquement défié par ses copains avec qui il venait de passer quelques jours à la montagne, construisant un bonhomme à l’allure si flippante qu’il refila des cauchemars à l’une de ses amies. Et avec Terminator 2 se profilant à l’horizon, le scénariste trouva une forte source d’inspiration en la forme du T-1000, un tueur à moitié liquide virtuellement indestructible et capable de s’infiltrer n’importe où. Cette première mouture de Jack Frost se révéla être très différente de la version finale puisque totalement sérieuse et budgétée à 30 millions de dollars, avec rien de moins que Renny Harlin prévu à la réalisation. Mais si celui-ci se retrouva bien avec le script dans les mains quelques temps après la sortie de Cliffhanger, le projet fut aussitôt enterré sans qu’aucunes raisons légitimes ne soient données.
D’après Cooney c’est l’actrice Geena Davis, alors l’épouse du metteur en scène, qui est directement responsable, ayant détesté le script et redirigé l’attention de son mari vers un certain film de pirates qu’elle souhaitait faire à la place. Tant pis pour elle puisque cette décision fit dérailler leurs carrières à tous les deux, et tant pis pour Jack Frost qui resta dans le tiroir de son créateur pendant quelques années supplémentaires, jusqu’à ce qu’une toute petite maison de production finisse par le contacter avec une offre ridiculement basse. Comme il faut bien manger, Cooney accepta et transforma son histoire de manière à l’adapter aux moyens qui lui furent alloué, mais aussi pour coller à l’allure peu crédible du costume de bonhomme de neige, construit pour trois fois rien et qui évoque plus une décoration pour supermarché qu’un monstre terrifiant. Son histoire devient ainsi une comédie horrifique versant plus dans l’humour pachydermique que dans le meurtre sanglant, et pour couronner le tout le scénariste se retrouva catapulté réalisateur faute de pouvoir en embaucher un.
Avec tout ça il aurait été compréhensible que le résultat soit un désastre, et pourtant ! Parce que l’équipe toute entière s’impliqua à fond, faisant au mieux malgré les limitations, le film s’avère sacrément fun et mémorable. Il faut dire qu’une certaine créativité transparait de l’ensemble et jamais le sujet ne semble survolé, Cooney faisant son possible pour exploiter son croquemitaine glacé. L’intrigue s’intéresse donc à Jack Frost (nom repiqué à un personnage de la mythologie de Noël), ici un tueur en série pourchassé par le FBI à travers le pays. C’est le shérif d’une petite ville qui fini par l’arrêter au hasard d’un contrôle, et il se retrouve dans le couloir de la mort avec un passage sur la chaise électrique programmé pour l’année suivante. Mais la nuit de son exécution le convoi pénitentiaire est prit dans un blizzard et percute un camion-citerne, permettant au détenu de s’échapper. Il n’ira pas bien loin cependant puisque le véhicule accidenté va répandre son contenu sur lui, un acide expérimental qui va complètement le liquéfier…
Plutôt que de le tuer le produit va combiner son ADN à son environnement, le transformant en une grosse masse de neige vivante capable de fondre et congeler à volonté. Le résultat d’une expérience gouvernementale visant à assurer la survivance de la race humaine en cas d’holocauste nucléaire. Alors qu’il est poursuivit par un agent secret et le scientifique en charge de l’affaire, Jack Frost retourne dans le petit bled où il s’était fait prendre afin de se venger, prenant la forme d’un bonhomme de neige qui va passer totalement inaperçu dans le paysage. Bientôt le shérif va devoir se rendre à l’évidence, d’autant que son propre fils va être accusé d’un des crimes commis par le meurtrier. Mais comment arrêter une telle créature en plein hivers ? Mâlin, le script utilise à son avantage la nature chimique de la menace pour régler le problème, mais d’ici là le film s’emploie à nous noyer sous une avalanche de gags histoire de passer le temps. On frôle parfois l’indigestion mais le divertissement est assuré par la grande variété des effets comiques.
Jack Frost se change en boule de neige géante pour défoncer une porte, ponctue chacun de ses meurtres de répliques et calembours (“I only axed you for a smoke” dit-il au mec qu’il a tué à la hache, “Don’t eat yellow snow” prévient-il après s’être entièrement introduit dans le corps d’un autre), son invulnérabilité est mise à mal par de simples sèches-cheveux que les héros brandissent comme des Colts dans un western, et il s’agace de la blague resservi trois fois sur la différence entre les bonhommes et les bonnefemmes de neige (c’est les boules de neige !): « Il est temps d’en finir” déclare-t-il dans la VO. “Il est temps de finir ce film” exagère à merveille la VF ! Pendant ce temps le réalisateur se prend pour Scott Spiegel avec des tas de prises vue à la première personne (cadavres, flaques d’eau), la fusion cellulaires du tueur et de la neige est représentrée par un adorable petit dessin animé et le tout est blindé de rajouts ADR venant détourner les rares moments sérieux.
Comme lorsque le shérif tente d’expliquer que son fils n’a pas pu décapiter un autre garçon lors d’une altercation car la victime était plus grande que lui – “Plus maintenant” balance quelqu’un hors champ. Ou ces bruitages à caractères sexuels derrière les portes d’un hotel lorsque le héros est poursuivit par le tueur et tente de se cacher dans les chambres occupées. Jack Frost se la joue même Où est Charlie ? à travers le personnage de Idiot, un figurant qui revient régulièrement faire n’importe quoi dans l’arrière-plan et que le générique de fin lui-même nous demande de compter les apparitions. Quant à l’intrigue, elle est en fait raconté par un vilain grand-père à sa petite fille le soir de Noël, laquelle va vite tenter de l’arrêter en comprenant que tout ça n’est pas de son âge mais sans y parvenir. Bref, l’angle parodique n’aura échappé à personne et il se fait aussi ressentir sur la partie “horreur” du film, mais celui-ci ne verse pas dans la caricature extrême façon Scary Movie pour autant et il est totalement permis d’apprécier l’oeuvre maléfique du bonhomme de neige comme dans une série B traditionnelle.
Car Jack Frost est un salopard de la pire espèce capable de briser la nuque d’un flic en plein transfert malgré ses chaines. Quand on lui souffle de la fumée de cigarette au visage, il prend une grande inspiration et peut deviner si elle est avec filtre, et selon des rumeurs il aurait recyclé le corps de ses victimes dans des tartes à la viande façon Sweeney Todd. Une fois transformé il massacre près d’une dizaine de personnes, ce qui n’est pas un record mais demeure tout à fait respectable d’autant que la plupart des mises à mort n’ont pas lieu hors champ. Il se plante au milieu de la route avec un panneau Stop pour surprendre un flic en voiture puis prend le volant pour l’écraser alors qu’il cherche une pelle à neige dans le coffre. Il fait tomber un sale gosse de façon à ce qu’il soit décapité par une luge en pleine lancée et crucifie une pauvre dame à son sapin de Noël, l’étranglant avec la guirlande électrique, lui éclatant le visage dans la boite à boules et lui perçant le crâne avec l’étoile (et la police d’embarquer tout l’arbre plutôt que de décrocher le corps).
Un vieillard est retrouvé congelé sur son fauteuil à bascule qu’un enquêteur s’amuse à bouger du pied, un papa en deuil se retrouve avec le manche d’une hache enfoncé bien profond en travers de la gorge (la mort de Jake Busey dans Identity y fait directement référence) et Frost se fait pousser des dents de glace pour croquer la tête d’un pseudo Man in Black. Il cloue un crétin à une porte par lancé de stalactites et contrôle un cadavre comme une marionnette après s’être infiltré à l’intérieur sous forme liquide, se vomissant une fois découvert. Il viol même une jeune Shannon Elizabeth en se glissant dans sa baignoire ! “Looks like Christmas came a little early this year” commente le malandrin tandis que le générique interpelle le spectateur en lui demandant où se trouve la carotte lui servant de nez durant la scène. Du pur bonheur auquel il faut rajouter quelques idées folles comme lorsque l’antagoniste se reconstitue façon Picasso après une explosion ou quand il subit d’horribles brûlures chimiques au contact d’un antigel, avec un petit effet spécial signé Screaming Mad George.
Bien sûr tout n’est pas parfait pour autant, et si Michael Cooney passe son temps à évoquer le petit budget de l’entreprise dans ses interviews ce n’est pas pour rien. On ne voit pas le crash du convoi ou l’explosion du commissariat, le montage devant contourner le problème avec quelques trouvailles visuelles. Le concours de bonhommes de neige qui devait sans doute être important dans le script original se limite ici à quelques mètres carrés avec trois sculptures et disparaît aussi vite qu’il est introduit. De la neige fondu est filmée à l’envers pour simuler la régénération du monstre, et la poudreuse qui est censée envahir la ville est clairement fausse avec des tapis de coton blanc placés un peu partout pour faire illusion. Jack Frost est terriblement cheap, on ne pourra pas le dire autrement. Malgré tout cela passe quand même grâce à la dévotion de toute l’équipe qui s’est donnée à fond pour booster les valeurs de production du film et rendre la bonne ambiance communicative.
Des petites guirlandes faite dans des bandes “police line do not cross” à la carotte un rien brûlée après que Frost ait échappé d’un incendie, en passant par la voix nasillarde cartoonesque du tueur (changée en une grosse voix caverneuse cartoonesque dans la VF à meilleur effet), le film fourmille de petits choses bien pensés, bien réalisés ou juste sympathiques qui permettent de donner l’impression que le budget fut bien plus confortable qu’il ne le fut réellement. La simple idée de penser aux givres sur les vitres témoigne d’un soucis du détail souvent négligé autre part, et les slashers hivernaux ne pensent pas toujours à maximiser leurs décorations de Noël comme ici. Et si ces éléments n’intéresseront pas le public de base, ils ont le mérite d’exister et d’améliorer l’expérience de ceux qui sauront les repérer. Du reste le casting lui-même semble s’amuser et leurs personnages, pourtant pas bien creusés, finissent par devenir plus appréciables que ceux croisés habituellement dans ce type de série B.
Que ce soit le commerçant opportuniste toujours prompt à annoncer des ristournes, la secrétaire du shérif qui évoque un rien Janine de Ghostbusters ou l’agent secret arrogant qui s’exaspère des mœurs campagnardes des villageois, presque tout le monde à son petit truc qui le fait sortir du lot. Certains sont moins intéressants que d’autres et quelqu’uns peuvent même taper sur le système (mention spécial au fils du héros, sans doute très jeune dans le script mais joué par un jeune ado qui semble parfois attardé mental vu ses réactions) mais d’autres parviennent à convaincre immédiatement comme Scott MacDonald dans le rôle de Jack Frost, acteur au look intéressant mais essentiellement casté pour sa voix et qui se spécialisa justement dans le doublage quelques temps plus tard. A ses côtés on pourra reconnaître le visage familier de Christopher Allport dans le rôle du shérif, peu célèbre mais croisé dans tous les séries télé du monde, et un Stephen Mendel au parcour hétéroclite (Le Beau-Père 3, Tygra, la Glace et le Feu, Scanner Cop II) dans celui de l’Agent Manners.
Deux ans avant son striptease dans American Pie, la jolie Shannon Elizabeth ne montre pas ses seins mais gagne notre respect en acceptant de se faire déflorer par un bonhomme de neige monstrueux, et histoire de le citer, le rondouillard F. William Parker (Lost Highway, Revenge of the Nerds) joue le sidekick encombrant qui aurait mérité de passer l’arme à gauche. Une belle brochette qui revint partiellement dans la suite quelques années plus tard, Jack Frost 2: Revenge of the Mutant Killer Snowman, laquelle est ainsi intitulée pour bien prévenir le spectateur qu’il s’agit d’une séquelle de ce Jack Frost de 1997 et non pas du Jack Frost de 1998 avec Kevin Costner. Un film fantastique au point de départ similaire où un défunt se réincarne en bonhomme de neige, mais qui dérive dans la bluette sentimentale. Le producteur de ce pseudo copieur ? Celui-là même qui devait à l’origine financer la version originale du slasher avec Renny Harlin ! Cette même année le réalisateur finlandais et Geena Davis divorcèrent. Comme on dit, la vengeance est un plat qui se mange froid, alors faut-il s’étonner que Jack Frost ait obtenu la sienne ?
Comme pour Uncle Sam à la même époque, la VHS du film fut conçue
avec un visuel holographique pour attirer l’attention du spectateur.
Armé et dangereux ! ÇA VA SECOUER !!! Oh ça fait… FROID !!!
Raaah, il faut finir ce film. Made in America !
Hmm, on dirait que Noël est un p’tit peu en avance cette année.
Eh ben c’est pas cet enfoiré d’nounours ! Il vaut mieux laisser choir…
Tu veux que j’te dise ? C’est pas bon d’fumer trop de hasch.
Le cornet d’glace le plus chiant du monde. J’vois ta maison d’iciiiiiiiiii !!!
Oooh, holala, est-ce que quelqu’un a relevé le numéro de ce camion ?
Eh regardez les mecs, jsuis un Picasso ! T-t-t-t-t. T’as mangez trop d’glace.
Oh, il faut que j’me souvienne d’envoyer des fleurs à cette petite…
Eh, mon pote. T’aurais pas un clope ? Oh bonjour mon petit, comment tu t’appelles ?
Un film qu’une amie m’avait offert en VHS à l’époque de sa commercialisation. Alors dans mon souvenir, contrairement à la poitrine (énorme) de ma copine, ça n’avait franchement aucun intérêt… mais c’est l’intention qui compte, n’est-ce pas ?
Je te souhaite une excellente année 2023, plein de motivation, plein d’articles, plein de visiteurs, et donc plein de succès avec ton admirable site, franchement unique en son genre.
A.R
Ah ben c’est sûr que si t’as une copine à gros seins juste à côté de toi, ça peut distraire un peu. Mais si t’es célibataire comme moi et que tu prétends que Shannon Elizabeth est ta petite amie, je te jure que le film est beaucoup plus fun ! Bonne année à toi également et merci pour ces voeux de bonheur qui ne se réaliseront jamais. Comme tu dis c’est l’intention qui compte et j’apprécie.
Ah la bonne bataille au sèche-cheveux 🤣🤣🤣
Héhéhé !
Shannon Elizabeth dans sa baignoire avec une carotte qui flotte entre ces cuisses 🤣🤣🤣