Hell Target
(1987)
A en croire Internet, Hell Target (ヘル ・ターゲット, que certains traduisent par Heru Tagetto sans comprendre qu’il s’agit du titre anglais prononcé avec un fort accent nippon) est un OVA abominable et dépourvu de la moindre qualité. Un jugement sévère que l’on retrouve assez souvent à propos d’oeuvres méconnues, lesquelles ne disposent pas de fanbase pouvant se rebeller. Alors certes dans le cas présent il est indéniable que nous avons affaire à une simple série B produite à moindre coût par une petite compagnie, mais le résultat est loin d’être aussi mauvais qu’on le prétend. Il souffre plutôt d’un manque évident de soin, la faute à un développement sans doute précipité, et d’une durée très limité (50 minutes au compteur, dont cinq de remplissage) et d’un script ne présentant jamais concrètement les choses. Il faut dire que le studio derrière le projet, Nakamura Production, fait habituellement de la sous-traitance pour de plus grosses compagnies (les suites de Broly chez Dragon Ball Z, End et Rebuild of Evangelion), ne s’occupant que d’un ou deux postes grand maximum. Hell Target représente leur unique titre original et développé intégralement.
Et encore puisqu’il semble avoir eu collaboration avec Studio Nue, boite d’animation bien connu des fans de Macross. A la réalisation se place un inconnu dont le CV est totalement vierge, Keito Nakamura, qui avec ce nom s’est sans doute vu offert le poste par principe, même s’il fut apparemment aussi responsable du concept de base. Pas étonnant du coup que la qualité ne soit pas franchement au rendez-vous, même s’il existe honnêtement pire. Et au moins le reste de l’équipe vient un peu relever le niveau: au script, Kenichi Matsuzaki, qui s’est illustré sur Bubblegum Crisis ainsi que différents Gundam et Macross, à la direction artisitique, Shigemi Ikeda, qui a quand même bossé sur Afro Samurai, Gantz, One Punch Man et le premier Urotsukidōji, et au mecha design, Kow Yokoyama, qui oeuvra sur Venus Wars. Question talent on pourrait faire pire donc, mais la plupart se demanderont pourquoi réunir tout ce petit monde pour une simple copie carbone d’Alien. Et cela s’explique tout simplement par l’influence massive qu’eu sa suite, Aliens, alors toute récente et encore bien dans les esprits.
Les Japonais s’en passionnèrent autant que les Occidentaux, et il suffit de regarder la masse de jeux vidéos produits à cette époque pour s’en convaincre. L’animation ne fut pas en reste et à la même époque sortirent d’autres OVA similaires comme Roots Search, qui ajoutait un peu de théologie à l’ensemble, ou Lily C.A.T., qui fusionnait les personnages de Jones le chat et Ash le robot en une seule entité. Hell Target est sans doute le moins bon de cette “trilogie”, mais demeure intéressant dans le sens où il se rapproche plutôt de Forbidden World et de La Galaxie de la Terreur, deux ersatz d’Alien produits par Roger Corman au début des années 80. Comme dans le premier il n’est pas vraiment question d’un extraterrestre mais d’un virus mutant, et comme dans le second la menace prend la forme des craintes et des souvenirs de ses victimes pour mieux les massacrer. Il faudra simplement avaler cette excuse un peu grossière que le microorganisme est doué de télépathie, et que les hallucinations qu’il cause provoquent physiquement la mort, sans que cela ne soit jamais expliqué. Il est aussi ouvertement maléfique et probablement magique.
Ainsi un vaisseau d’exploration se rend sur la planète Inferno II pour une mission de sauvetage, l’équipage précédemment envoyé sur place ayant mystérieusement disparu. Il n’y a bien sûr aucun survivants, et parmi les cadavres le groupe trouve aussi les corps d’insectes géants, qui semblent provenir d’une ruche organique forcément inspirées de celle des Xénomorphes. Les scientifiques réalisent cependant qu’il n’y a aucun extraterrestre sur ce monde, mais plutôt un étrange germe capable de grossir à une cadence impresionnante et d’utiliser des ondes cérébrales pour provoquer toute sorte de visions. Bientôt ils sont attaqués par divers monstres allant du mort-vivant à la George Romero au démon échappé d’un Megami Tensei, en passant par une Valkyrie armée d’une lance qui part à l’assaut d’un tank juchée sur son cheval, avant de se transformer en squelette suite à un tir d’obus reçu en pleine poire ! Un insecte géant comparable à un char d’assaut préfigure un peu Starship Troopers et une créature arachnéenne géante vient faire penser à la grosse bestiole de The Angry Red Planet.
A ce bestiaire varié s’ajoute la touche de gore extrême bien à la mode en ces temps (soldat zombie au visage fondu, tête explosant en un geyser de sang sous l’impact d’une balle, type dissous jusqu’à l’os après avoir été aspergé par un carburant corrosif) et même un brin d’horreur gothique à l’ancienne, avec le fantôme de ce vieux capitaine apparaissant en plein blizzard et ces milliers de spectres flottant dans l’espace pour rejoindre la Terre. Pensez ce que vous voulez de la qualité de l’écriture, effectivement mauvaise, mais au moins on ne s’ennuit pas une seconde. Le fan d’Alien pourra également compter sur de nombreuses références comme l’atterrisage de la navette sur Inferno II, copié presque au plan près sur celui de LV-426, l’équipage en hypersommeil qui revient à lui et partage un repas autour d’une table, et même la séquence de Ripley en petite culotte qui enfile sa combinaison spatiale, ici jouée à l’envers lorsqu’une jolie blonde se retrouve coincée par une carcasse et doit se déshabiller (sans conséquences en atmosphère inhospitalière !) pour se libérer. Et si tout ça ne suffit pas, sachez qu’à la fin le vaisseau spatial des héros se transforme en canon laser géant.
Naturellement Hell Target contrebalance toutes ces bonnes choses avec de nombreux problèmes: chara design affreusement générique, personnages inexistants, scénario confus et nonsensique… Une jeune fille dont la grand-mère était une sorcière utilise un talisman pour repouser une divinité cosmique, un type explorant seul une zone suspecte se demande où sont les toilettes car il n’aimerait pas mourir avant d’avoir pissé d’abord, et le groupe plaisante sur le statut de célibataire de certains d’entre eux en toute insouciance alors que la situation est tendue. Mais c’est la dernière partie qui nous réserve la scène la plus hallucinante, lorsque seul un couple de survivants se retrouve submergé par les forces du Mal: le protagoniste calme sa partenaire hystérique en l’embrassant sans prévenir. La scène suivante ils font tranquillement l’amour sans la moindre interruption de la part des monstres ! “T’es calmée ?” demande alors le mec à sa copine… On frise la parodie, et le plus fou c’est que l’intrigue part ensuite dans la direction opposée avec un épilogue nihiliste et déprimant.
Détail anecdotique mais à mentionner tout de même, la musique de fin chantée en espagnol. Un fait rare au Japon, où les langues étrangères sont particulièrement mal maitrisées. L’artiste vocale est crédité sous le nom de Rosa Bianca, et s’il est possible qu’une Occidentale ait été engagée pour l’occasion, cela demeure un fait relativement rare dans le milieu de l’animation nippone. Sympathique morceau qui plus est. Pas de quoi sauver Hell Target non plus, hélas, et l’oeuvre demeure toujours inédite en format DVD. Les copies trouvables en lignes sont toutes issues de VHS dégradées, et si écumer Internet laisse entrevoir l’existence de meilleurs alternatives (un Internaute nommé Macross2012 aurait une source VHD de qualité supérieur), celles-ci demeurent introuvables pour le moment. Voilà qui n’est pas pour arranger la réputation cet OVA, mais au moins les amateurs de séries B obscures y trouveront leur compte, ayant là un équivalent de ces Bisseries de vidéoclub cantonnées malgré elles au support magnétique faute d’originalité, mais suffisament charmantes pour retenir l’attention malgré tout.
GALERIE
Merci
Je ne connaissais pas
Merci à toi de réagir ! 😉