Hannibal (Ep. 1.01)

 

Hannibal
Ep. 1.01

Apéritif

 

Je dois confesser que j’entretiens un rapport très étrange avec la figure d’Hannibal Lecter, le célèbre cannibale des romans de Thomas Harris. Un personnage qui est généralement perçu comme un des grands monstres du cinéma, notamment grâce au succès du Silence des Agneaux, et que les fans du genre rangent sans problème au côté de Freddy, Jason, Michael ou Leatherface. Étrangement, je n’ai jamais ressentie la moindre terreur ou fascination pour le personnage, mais plutôt un certain agacement en raison de ce qu’il est devenu: une victime de son succès.
Une figure du Mal que tout le monde semble ne vouloir imaginer que sous les traits d’Anthony Hopkins et dont on reprend sans arrêt la fameuse réplique de “déguster ton foie avec un bon chianti” avec un léger amusement. Personnellement je trouve cela ridicule et ça ne m’aide guère à percevoir Lecter comme un personnage inquiétant. Pire, si Hopkins a en quelque sorte façonné le personnage en dur depuis son interprétation dans Le Silence des Agneaux, il n’a eu de cesse de sombrer dans l’auto-parodie en cabotinant par la suite. Un piège fatal dont l’acteur semble ne jamais se relever, puisqu’il continue maintenant de jouer ses autres rôles de la même manière !
Celui qui était censé être un être diabolique mais doué d’une intelligence supérieur ne semble plus qu’être un clown grimaçant à la manière de Freddy Krueger. Triste. De ce fait, le Hannibal de Ridley Scott et le remake Dragon Rouge me laisse de marbre, voir provoque mon rejet. Et si Le Sixième Sens et Le Silence des Agneaux se laissent suivre, je n’ai jamais vraiment trouvé particulièrement d’attrait à Lecter et à son univers. Tout au plus Hannibal Rising m’a intéressé dans son approche (pas de Hopkins et le personnage est catapulté à une époque plus rétro), mais le livre lui-même n’était pas particulièrement bon (tout écrit au présent !) et assez routinier dans la genèse du personnage.

 

 

Sans aller dire que je n’aime pas Hannibal Lecter, je crois que je peux clairement dire que je n’aime pas le Lecter de Hopkins et la vision caricaturale que tout le monde en a. Puis vient la série Hannibal, qui commence tout juste son run et qui porte le concept un peu casse-gueule de créer une préquelle au Silence des Agneaux, en réadaptant encore une fois l’histoire de Dragon Rouge.
Soyons franc, en l’état le projet n’avait absolument rien pour m’exciter et je m’attendais même à ce que l’acteur choisis pour incarner le cannibale ne se contente de faire une mauvaise imitation de la version Hopkins. Et puis je découvre que c’est Mads Mikkelsen qui l’incarne, un acteur hautement charismatique malheureusement pas assez exposé au grand public. Voilà peut-être la clé de ma motivation, d’autant que la série n’agit pas tant comme un simple remake et souhaite proposer quelque chose d’autre. Une intrigue construite sur le long terme, commençant par la rencontre entre Lecter et l’Agent Will Graham, pour se poursuivre sur leurs relations très particulière. Apparemment, l’histoire de Dragon Rouge ne serait prévue que pour la quatrième saison (si la série survie jusque là) et pourrait même utiliser d’autres personnages comme Clarice Starling dans un prochain futur. Osé, surprenant et de quoi me lancer dans l’aventure, même s’il faut maintenant espérer qu’Hannibal ne soit pas annulé avant tout ça. A l’heure où j’écris ses lignes, seul deux épisodes ont été diffusé sur les 13 prévu pour cette première saison (j’ai un peu de retard) et il paraît évident qu’une certaine concurrence avec Bates Motel (rien à voir la série avorté de 1987), qui ramène rien de moins que Norman Bates et sa mère, risque d’avoir lieu.

 

 

Quoiqu’il en soit, me voici pour cet épisode pilote où nous (re)faisons la connaissance de Will Graham, un profiler. Il est ici représenté comme un homme extrêmement sensible en raison de son don qui lui donne une incroyable empathie pour les sujets qu’il analyse. Peu sociable et le regard fuyant, il est capable de “remonter le temps” lorsqu’il se trouve sur une scène de crime, pour mieux s’imaginer le meurtre comme s’il l’avait lui-même commis. Un talent qui le laisse évidemment dans un état pitoyable mais qui attire l’attention de Jack Crawford (Laurence Fishburne), un grand ponte du FBI qui lui demande de l’aider à attraper un tueur en série. Un cannibale qui enlève de très jeunes femmes, toutes semblables, pour leur dévorer le foie. Hannibal Lecter ? Pas du tout puisque celui-ci est lui aussi réquisitionné par Crawford. Non pas pour l’enquête, mais pour garder un œil sur Graham, jugé trop instable. Les deux hommes vont alors se retrouver à travailler ensemble sur cette enquête et, on l’imagine, les suivantes, ce qui va les amener progressivement à un jeu de manipulation mental qui explosera bien plus tard avec l’arrestation de Lecter et les évènements de Dragon Rouge.

 

 

Bilan, un épisode pilote doté d’une intrigue finalement très classique pour une série policière, mais qui prend ses distances avec tout ce qui a été fait auparavant dans l’univers d’Hannibal Lecter. Graham est ici montré comme une personne craintive et fuyant le contact émotionnel autant que possible, vivant reclus avec ses chiens. La possibilité d’évolution est grande et au fil des saisons, le profiler pourrait tout autant aller de l’avant et s’affirmer, ou au contraire se détacher et se perdre mentalement. Un protagoniste prometteur qui semble pour le moment être le véritable personnage principal d’Hannibal.
Lecter est quant à lui beaucoup plus effacé, peut-être pour ne pas banaliser d’emblée le personnage, et il faut attendre la deuxième moitié de l’épisode pour qu’il soit introduit. Mads Mikkelsen adopte une approche radicalement différente de ses prédécesseurs, intériorisant ses émotions et faisant d’Hannibal Lecter un homme froid et terriblement observateur. Il n’a pas grand chose à faire pour le moment pour que l’on puisse encore juger sa prestation, mais j’aime le contraste avec la version grand-guignolesque d’Anthony Hopkins. Car, enfin, l’homme calculateur paraît crédible, prenant son temps pour analyser ses proies et pesant ses mots plutôt que d’être théâtral. Une manière peut-être de souligner que le cannibalisme n’est chez lui qu’un trait de caractère et pas son identité. Ce qui est effrayant chez Lecter, c’est sa capacité à pouvoir entrer dans votre tête et de vous façonner à son image s’il le désire, pas le simple fait qu’il peut vous tuer et manger votre foie.

 

 

Entre les deux hommes se trouve Jack Crawford, interprété en toute sobriété par Laurence Fishburne, mais il n’y a pas grand chose à en dire car l’acteur se contente de rejouer son personnage des Experts. C’est pareil en ce qui concerne la réalisation de l’épisode, que l’on doit à David Slade (30 Jours de Nuit) encore que le réalisateur apporte certains visuels inquiétant, qu’il s’agisse des rêveries démentes de Graham ou des macabres découvertes de la police. L’une d’elle d’ailleurs évoque le Massacre à la Tronçonneuse de Tobe Hopper, lors de la découverte d’un corps empalé par des cornes de cerf dans un champ, sous fond de musique atmosphérique.

J’espère retrouver ce type d’imagerie cauchemardesque par la suite…

 

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