ROAD TO HALLOWEEN VIII
Halloween #1
Halloween: Behind the Mask
(2000)
Avertissement: vous ne trouverez jamais ce comic book sous le titre de Halloween: Behind the Mask. Il ne figure ni sur la couverture, ni dans les pages, et personne ne l’utilise lorsqu’il s’agit de référencer ou chroniquer la BD sur Internet. Pourquoi alors le marquer en en-tête de cet article ? Parce qu’il s’agit bel et bien du titre officiel de cette histoire, telle que les auteurs l’ont conçu. Seulement pour le savoir il fallait se reporter au synopsis officiel de l’éditeur Chaos! Comics écrit pour faire la promotion du livre, que ce soit dans les pages de leurs propres revues, dans le catalogue de Diamond Comic Distributors ou ce ashcan désormais rare et hors de prix nommé Untold Tales of Halloween. Le plus drôle dans tout ça c’est que l’appelation Halloween #1 que tout le monde reprend n’est pas correct non plus malgré sa présence sur le livre puisqu’il s’agit d’un one shot, et que l’on devrait logiquement le nommer Halloween, tout court. Car sinon cela signifie que ses suites devraient aussi s’appeler Halloween II #1 et Halloween III #1, ce qui, vous en conviendrez, est totalement stupide.
Cela n’empêcha pas Chaos! d’ajouter ces mentions “numéro 1” sur chaque reliure malgré tout comme pour me prouver tort, aussi vous pouvez appeler ce livre comme vous le voulez, cela n’a pas la moindre importance. Pas plus que la mention collector’s item classic imprimée en gros sur la jaquette, car vingt ans plus tard je peux vous garantir qu’une copie d’Halloween #1 n’a absolument rien de collector pour qui que ce soit. Ce qui est important c’est qu’il s’agit de l’adaptation du traitement d’un Halloween 8 qui n’a jamais vu le jour, datant d’avant que Halloween: Resurrection ne soit mis en chantier. Car à la sortie d’Halloween: 20 Ans Après, quelques fans de la saga se montrèrent mécontent de l’aspect reboot du film qui effaçait les opus 4 à 6 de la chronologie (tout en leur piquant quelques scènes ici et là). Kevin Williamson lui-même, dans son traitement à lui, avait écrit une scène où Laurie Strode apprenait la mort de sa fille suite aux évènements d’Halloween 6 et se mettait à vomir en comprenant qu’elle avait été tuée par Michael Myers. Un lien qui disparu à force de réécritures et de nouveaux scénaristes.
Auteur du lui-même controversé sixième opus, Daniel Farrands fut à l’époque contacté par les producteurs pour trouver les bases d’une suite éventuelle, et il s’associa au scénariste de comics Phil Nutman (Clive Barker’s Hellraiser chez Epic Comics) pour pondre un petit quelque chose qui ne fut jamais développé au-delà du simple résumé. Leur histoire ramenait Tommy Doyle, ici associé à sa copine d’enfance Lindsey, et les deux y fouillaient dans les archives de feu Dr. Loomis pour en apprendre un peu plus sur le meurtrier. Le film aurait donc autant fait office de séquelle que de préquelle, levant le voile sur l’enfance de Myers du temps de son incarcération à Smith’s Grove. Dans le présent celui-ci revenait attaquer les héros sans explication apparente quant à sa résurrection, jusqu’au twist final où l’on découvrait que la personne derrière le masque n’est autre que Laurie Strode, devenue folle et désormais dans le même état maléfique que son frère. Une idée qui prend racine dans la conclusion d’Halloween 4, justement plagiée par H20, et le concept abandonnée qui devait montrer une petite Jamie maudite comme son oncle…
Halloween 8 passa par plusieurs traitements avant de prendre sa triste forme finale, et seuls quelques flashbacks sur l’enfance de Michael Myers ont survécu, bien que sévèrement altérés. C’est là où les connections de Phil Nutman entrent en jeux, celui-ci ayant fini par rejoindre Chaos! Comics pour bosser sur des personnages comme Evil Ernie et Lady Death. C’est sans doute par son intermédiaire que la boite récupéra la licence en 2000 pour un projet très gimmick: sortir un seul numéro par an à chaque fête d’Halloween pour créer l’évènement et laisser le temps à d’éventuelles films de voir le jour, ce qui permettrait d’adapter leurs scénarii en fonction. Nutman se retrouva aux rennes du projet et utilisa le traitement rejeté comme source d’inspiration, ramenant Farrands pour l’occasion – du moins pour cette première publication. Leur nouvelle version s’intéresse toujours à Tommy, qui pense avoir tué The Shape et semble vouloir écrire un livre sur le sujet. Se rendant aux archives du comté, il obtient le journal du Dr. Loomis, écrit du temps où il était le pédopsychiatre de Michael Myers, et le ramène chez lui pour l’étudier.
Ce qu’il ignore c’est que le croquemitaine est toujours vivant et sur ses talons. Et alors que Tommy découvre le sombre passé de l’assassin, celui-ci pénètre dans sa demeure dans l’intention de le tuer… Un point de départ mis entre parenthèse dans ce numéro qui se focalise principalement sur la lente réalisation de Loomis que son jeune patient est le Mal absolu. Simple médecin travaillant sous la direction d’un odieux Dr. Carpenter (!), il le prend en charge à une époque où les centres n’étaient pas adaptés à l’enfance et confinaient leurs malades comme des détenus. Non pas que les autres gamins internés soient des anges, certains étant des psychopathes et d’autres ayant déjà tué, mais le manque d’humanité de l’établissement froisse le soignant qui voit Michael se replier sur lui-même au point de ne plus réagir lors de leurs séances. Mais bientôt il va devoir se rendre à l’évidence que quelque chose cloche avec le gamin, des incidents sans cesse plus violents se répétant autour de lui. Au fil des années le psychiatre va réaliser que Myers n’est qu’un monstre qu’il lui faut à tout prix garder enfermé, et il paiera le prix fort pour ne pas avoir compris plus tôt…
Avant toutes choses, pour ceux qui craignent de voir l’image du personnage être égratiné à force de séquelles et par ce passage par la case comics, soyez rassuré. Oubliez les délires à base de magie celtique, de liens familiaux compliqués et de dérives slashersques sans inspirations. Ici l’intrigue revient aux fondamentaux et n’explique rien, ne rajoute rien ni ne déforme rien. Michael Myers est Michael Myers, avec toute la subtilitée surnaturelle qui le caractérisait dans le premier film, et en fait cette BD établit clairement qu’il était déjà devenu The Shape depuis le début. Peut importe qu’il soit un môme ou qu’il ne porte pas le masque, il demeure la même créature dépourvue d’émotions que l’on connait. Il n’est pas intimidé par la petite brute qui le prend en grippe à son arrivée et demeure dans un état quasi catatonique la plupart du temps, même s’il agit quand directement provoqué: il poignarde un agresseur dans l’oeil avec un stylo, ébouillante un gamin en déréglant le ballon d’eau des douches et tue une fillette s’étant moquée de lui lors d’un blackout.
Une escalade dans la violence qui s’opère sur plusieurs années, même si le livre fonce à toute allure en raison de ses quelques pages et ne laisse pas le temps d’absorber cette évolution. C’est d’autant plus dommage que la frustration de Loomis augmente aussi vite sans qu’on le voit intéragir avec Myers, se retrouvant coincé dans un poste d’observateur les trois quart du temps (comme dans les films vous me direz, mais c’était l’occasion de l’impliquer un peu plus). C’est sans doute pour lui donner un petit quelque chose à faire que le script lui offre une romance assez idiote avec l’une de ses collègues, laquelle sort de nulle part et semble n’exister que pour amener à un événement tragique et ajouter un conflit personnel entre le docteur et son patient. Un événement qui pour le coup ne se raccroche jamais à ce que l’on voit à l’écran, sauf peut-être dans Halloween 5 où le psychiatre se transformait en un véritable Capitaine Achab prêt à tout pour arrêter le croquemitaine. On imagine sans mal que si cet Halloween 8 avait vu le jour, ces scènes auraient été plus développées et avec un jeune acteur dans le rôle du médecin.
L’artiste, David Brewer, lui donne ici la même apparence qu’avait Donald Pleasence dans les deux premiers opus malgré qu’il se passe plus d’une décade entre ces périodes, et à vrai dire il ne fait aucun effort pour représenter les années 60 et 70 et les différenciers de l’époque contemporaine. Tout est dessiné de la même façon, avec ce look très 90s que l’on retrouvait un peu partout à l’époque, mais il ne fallait pas s’attendre à mieux vu la compagnie (Chaos! n’était qu’une petite boite) et cela reste acceptable pour peu que l’on ne soit pas allergique au style. Naturellement Tommy Doyle ne ressemble en rien à Paul Rudd et dans l’ensemble les autres personnages ont l’air plutôt génériques, mais les protagonistes sont plus soignés que les autres. Plus embêtant est la façon dont la revue fut éditée, sans titre officiel, sans page de crédits et sans informations concernant ses origines de séquelle abandonnée, ce qui aurait sans doute attiré d’avantages de fans. La banalité des couvertures alternatives n’a sûrement pas aidée non plus malgré des surnoms prometteurs (chromium mega-premium, premium glow in the dark limitée à 6666 exemplaires).
L’histoire, fragmentées en trois parties, a connu une parution plutôt bordélique, avec ce premier numéro sorti en Novembre 2000 (les dates de publications ne correspondant jamais vraiment à l’apparition physique des livres en boutiques, la BD fut sans doute présente en rayon dès Octobre). Si le troisième et dernier volume fut bien disponible en Novembre 2001, le second fut avancé en Avril de cette même année. La raison vient probablement des difficultés financières que rencontrait la boite à l’époque, laquelle fini par mettre la clé sous la porte en 2002. Un coup de malchance pour la franchise qui était comme frappée comme par une malédiction à ce sujet en ces temps là: après l’abominable Halloween: Resurrection la franchise entra en hibernation jusqu’aux reboots de Rob Zombie qui furent loin de faire l’unanimité. Quant au pendant comics de la saga, il rencontra les mêmes problèmes après que la licence ait atterrie chez Devil’s Due Publishing en 2008, alors en pleine restructuration, ce qui mena à l’abandon du pourtant sympathique Halloween: The First Death of Laurie Strode juste avant son dernier numéro…
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