Friday the 13th
Special
(2005)
“What makes him supernatural ? The hate ? The pain ?
Is it something in him, or is it the place ?”
L’histoire de ce comic-book peut se résumer comme suit: “un couple de jeunes baise aux abords de Crystal Lake et Jason est en chemin pour les tuer, mais il est retardé par un commando para-militaire qui tente de le détruire”. A la fin, Jason se débarrasse de ses agresseurs et revient à ses activités habituelles, massacrant les adolescents en rut. Voyez cela comme une variation autour de la scène d’ouverture de Jason Goes to Hell, la différence étant que les forces spéciales traquant le monstre ne sont pas des agents du FBI cherchant à le punir pour ses crimes mais les hommes de main d’une richissime femme d’affaire qui cherche à faire le ménage sur le terrain familial…
Signé Brian Pulido (ancien président de Chaos! Comics, géniteur de Evil Ernie et Lady Death et parfait représentant de la phase “edgy” et violente des comics indépendants des années 90), ce numéro Special de Friday the 13th est le premier représentant moderne de la franchise dans l’industrie de la BD américaine. Les dernières tentatives remontent à dix ans plus tôt avec, chez Topps Comics, l’adaptation de Jason Goes to Hell, l’excellent Jason vs. Leatherface dont on ne dira jamais assez de bien (la preuve, j’en ai aussi fait une vidéo) et une anecdotique apparition dans le bordélique Satan’s Six.
Vers 2003, fort du succès de Freddy vs. Jason et du remake de Massacre à la Tronçonneuse (géré par Platinum Dunes mais leur appartenant légalement), la New Line Cinema tente de capitaliser sur ces nouvelles représentations de ses monstres et fonde New Line Cinema’s House of Horror, un label qui regroupe Freddy Krueger, Leatherface, Jason Voorhees et même l’Über Jason de Jason X en une licence à exploiter. Cela engendrera la création d’une série de livres propres à chacun, allant de la novélisation (Freddy vs. Jason, Massacre à la Tronçonneuse 2003 et Jason X) aux romans inédits (Freddy, Jason et Über Jason), ainsi qu’une série de comics chez un Avatar Press alors fleurissant et ne pouvant pas encore se reposer sur Crossed, son titre phare.
L’éditeur, justement spécialisé dans les histoires d’horreur ultra sanglantes et très permissives, tente justement sa chance avec les univers cinématographiques et regroupe ces franchises avec quelques autres titres: RoboCop, La Mutante, 2001 Maniacs et La Nuit des Morts-Vivants, évidemment sous la tutelle de ce filou de John Russo. De quoi attirer l’œil durant les conventions horrifiques et toucher divers fans forcément curieux même lorsqu’il ne sont pas versés dans le média de la bande-dessinées.
Comme déjà expliqué ici et là, Avatar Press va traiter le trio infernal de la même manière, publiant d’abord un one-shot “Special” pour chacun d’eux – sorte de mise en bouche afin d’attirer le lectorat et poser les bases de chaque série, avant de développer un arc en trois numéros pour chaque personnage (Paranoid pour Freddy, Bloodbath pour Jason et The Grind pour Leatherface). Tout cela finira avec un dernier one-shot propre à chacun (mais s’intitulant Fearbook dans chaque cas, ce qui est plutôt confus) et un court recueil nommé New Line Cinema’s Tales of Horror. Jason X est un cas un peu à part et là n’est pas le sujet.
Toujours est-il que si le Special de The Texas Chainsaw Massacre est totalement indépendant de The Grind et de Fearbook, permettant une lecture sans ordre particulier, ceux de Freddy et Jason servent de prologue à leur mini-série. Pas obligatoire, mais quand même recommandée pour une meilleure lecture de leur run général dans cette compagnie. Ici par exemple, il y a un élément très important qui reviendra par la suite dans Bloodbath et Fearkbook: le tueur au masque de hockey n’est pas réputé immortel pour rien et possède en fait de fortes capacités de régénération ! Une explosion de grenade qui laisse un trou impressionnant dans son thorax se rebouche ainsi progressivement.
Cela viendra jouer un rôle important dans les numéros suivant et le lecteur peut alors enchainer la trilogie Special / Bloodbath / Fearbook comme les différents chapitre d’une seule et même histoire. Mais puisque le titre du présent livre n’est pas Friday the 13th #0 et qu’il est sorti en kiosque comme un one-shot déconnecté de la série principale, c’est de cette manière que nous allons l’aborder.
L’intrigue fait ici directement suite aux évènements de Freddy vs. Jason et découle de la destruction du nouveau Camp Crystal Lake qui explose durant la confrontation entre les deux icônes. Il apparait que ce complexe était l’œuvre de Laura et Miles, les riches enfants du constructeur original de Camp Crystal Lake. Homme généreux qui pensait faire le Bien, celui-ci fut anéanti par l’affaire Voorhees et les différents meurtres qui secouèrent la région. Et si l’un refuse de croire en l’existence d’un zombie assassin tuant tout ceux qui rôde autour du lac, l’autre considère Jason comme directement responsable de la mort de son paternel. Les pertes financières et matérielles forment la goutte d’eau qui fait déborder le vase, et un mois plus tard la jeune femme organise une opération secrète afin de traquer et détruire le mort-vivant. La nature surnaturelle de la cible est cependant gardée secrète, de peur de ne pouvoir engager qui que ce soit pour le travail.
Encore un mois passe et tandis que Jason erre dans la forêt, désormais pleinement remis de son combat contre Freddy, les soldats passent à l’action. Cette fois-ci cependant, Jason ne reste pas à terre malgré les grenades et les coups de feu à répétition et s’en prend aux assaillant qui ne comprennent pas du tout la situation. Bien vite le commando est décimé de façon grotesque et cela ne laisse plus que Laura et le chef de brigade, à bord d’un hélicoptère de combat surarmé, pour venir à bout du tueur. Pendant ce temps là, quelque part, un couple tente de s’envoyer en l’air, sans arrêt interrompu par les bruits étranges qu’ils entendent. Ils pourraient partir mais, après tout, cela n’est peut-être que le tonnerre, ou un petit animal…
Ce postulat ultra simple permet au scénariste de faire court, d’éviter la multiplication de personnages, la construction du suspense et surtout de ne pas répéter ce qui a été fait un millier de fois auparavant. Les enjeux sont net et précis, et absolument pas traités comme réalistes. Un petit orage suffit pour camoufler l’équipement militaire lourd de l’escouade, le couple de jeunes venu s’éclater ne s’offusque finalement même pas d’apercevoir un vrai cadavre, décidant même de continuer à s’envoyer en l’air après s’être enfui un peu plus loin: “That guy is screwed !” s’exclame la jeune femme. “At least somebody is” répond son compagnon d’un air dépité puisque devant interrompre sa partie de jambe en l’air !
De son côté, Jason conserve non seulement son apparence de géant de Freddy vs. Jason, mais garde aussi sa force d’Obélix comiquement exagérée, permettant à Brian Pulido de s’en donner à cœur joie dans les débordements sanglants. Immortel et guérissant presque instantanément, le croquemitaine survit aux grenades et aux décharges de M60, avançant sous le feu de l’ennemi sans s’arrêter. Un véritable tank humain provoquant des dégâts considérable: il coupe un soldat en deux avec son propre fusil, arrache le cœur d’un autre à main nue (référence à Friday the 13th Part VII) et décapite quelqu’un d’un coup de poing, la tête rebondissant dans les arbres (ici à Friday the 13th Part VIII). Un idiot se positionne sur une balançoire ? Il frappe l’autre extrémité, propulsant le gars dans les airs comme une fusée. Le meilleur reste celui qui se fait frapper en haut du crâne, lequel s’enfonçant alors dans le corps pour ressortir par son entrejambe. Magnifique.
Pour autant, l’écrivain et son illustrateur (Mike Wolver, grand régulier d’Avatar Press et un de leurs meilleurs talents) aime aussi iconiser le personnage, lui donner une stature impressionnante et totalement bad-ass. Jason tourne le dos à une explosion titanesque, écoute le discours haineux de Laura sans broncher, et au final lance sa machette dans un arbre afin de faire tomber sur elle la carcasse de l’hélicoptère en équilibre, les pales encore en action la découpant en rondelles…
Friday the 13th – Special ne pouvait pas mieux décrire la vision d’Avatar Press du personnage. Du pur fun décérébré qui amuse la galerie par ses débordements gores, ses personnages crétins ainsi que sa nudité exacerbée et ultra vulgaire, préfigurant un peu le reboot de 2009 par Platinum Dunes qui est totalement raccord avec ce qui ce trouve ici. C’est gratuit, immature et cela fera rouler des yeux, mais c’est exactement l’esprit que l’on retrouve chez ces fans qui parcourent les États-Unis à la recherche des conventions où trainent Kane Hodder, Marcus Nispel, Brian Pulido et Avatar Press.
Il va sans dire que ceux qui ne peuvent adhérer à ce côté rock’n’roll un rien ahuri feront mieux de se pencher vers les publications WildStorm, qui récupéra la licence par la suite. Celles-ci conservent le même aspect grand-guignolesque dans les meurtres commis par Jason, mais calmeront leurs pulsions adolescentes au profit d’intrigues véritablement travaillées et très prenantes (paticulièrement le trio Pamela’s Tale / How I Spent my Summer Vacation / Bad Land). Les autres pourront se précipiter sans retenue sur Bloodbath, suite directe de ce Special que l’on doit au même duo et dont je vous parlerai prochainement.
D’ici là je vous laisse avec les dix (!) couvertures alternatives existantes pour ce court one-shot. Regular, Gore, Terror, Hauting, Wrap, Painted, No Escape, Blood-red ou Prism Foil, Surprise Limited Edition… elles sont toutes là !
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