(2007)
On ne présente plus la Asylum, cette petite boite ayant faite sa renommée en produisant à la chaine des mockbusters inspirés des grands succès du moment, jouant sur les titres ou les concepts afin de pigeonner l’ignorant ou simplement d’amuser la galerie. Alors que Sharknado 4 est en projet et que tout le buzz autour de la compagnie commence à retomber, il est amusant de revenir un peu en arrière à une époque où tout le monde ignorait son existence. Elle est en fait distributrice de films depuis le tout début des années 90, et si en 2007 sortait Transmorphers, l’œuvre qui va véritablement attirer l’attention, la première production des studios remonte à dix ans plus tôt, avec le d’ailleurs très bon Killers.
Sorti en même temps que le détournement de Transformers, ce Freakshow est passé totalement inaperçu et très peu sont au courant de son existence. Plutôt amusant en un sens, car la situation semble être un petit commentaire sur le Cinéma moderne: le film de Michael Bay agite les foules et sa parodie génère un phénomène de société, mais la reprise d’un des plus grands classiques de tous les temps est immédiatement oublié, comme s’il n’avait plus aucune place à l’époque contemporaine. Car oui, Freakshow n’est autre qu’un remake de Freaks, la monstrueuse parade de Tod Browning. Une version alternative où le noir et blanc classieux d’autrefois est remplacé par une image digitale absolument immonde, où la naïveté du traitement cède la place à un regard cruel et dépressif, et où toute l’horreur de la situation nous est balancée à la gueule à grand renfort d’effets gores, là où l’original évitait soigneusement de s’appesantir dessus avant de nous choquer avec une ultime image pourtant pas bien graphique.
Avec Asylum aux commandes, il est évident que ce remake n’est pas subtile et préfère de s’aventurer sur le territoire de la série B grand-guignolesque, mais même en l’état le résultat laisse pour le moins perplexe. Précédemment, c’est la Full Moon qui avait tenté le même exercice, accouchant de Sideshow. Une version absolument pas fidèle de Freaks où le nain Phil Fondacaro faisait office de savant fou, fabriquant ses monstres à l’aide d’une machine, ou bien pour soigner, ou bien pour punir, et trouvant ses sujets parmi les visiteurs d’un cirque itinérant. Un concept bien ancré dans l’univers de Charles Band et à des années-lumières du sujet de base, mais diablement fun et divertissant, les “reprises” passant plus pour des hommages rigolos.
Ici les responsables sont revenus à la source de base et décrivent l’univers crédibles d’une petite communauté de forains, vivant de leurs performances et voyageant sans cesse. Mais là où Browning humanisait totalement ses “créatures” afin de prouver qu’ils étaient innocents malgré leur apparence surprenante, cette nouvelle version se montre beaucoup plus méchante. Ici les Freaks sont bien humains, mais cela n’en fait pas des anges pour autant. Le chef de file se montre particulièrement autoritaire et désagréable, le train de vie de ses performeurs n’a rien d’une partie de plaisir et lorsque la troupe est poussée à bout, tous basculent bien vite dans la folie meurtrière, n’hésitant pas à verser dans des actes de barbaries qui, finalement, font d’eux de véritables monstres.
L’intrigue reprend globalement la trame de Freaks en modifiant et rajoutant quelques détails, puisque c’est ici tout un groupe de truands qui vient comploter contre les forains. Des travailleurs qui s’installent dans le cirque afin de gagner quelques dollars, qui ne se mêlent pas aux autres et qui ont un background criminel avéré. Lorsqu’ils réalisent que leur employeur cache un héritage colossal, ils prévoient de le dérober. Mais s’ils optent pour la violence, la femme du groupe préfère jouer les veuve noires et entreprend de séduire sa proie, afin de se marier avec lui puis de l’assassiner pour hériter du tout. La belle parvient facilement à ses fins mais les autres ne sont pas dupe…
Le reste du film joue exactement comme on le pense. Les tensions montent, la demoiselle parvient à se marier avec sa victime malgré les réticences des Freaks, puis la vérité éclate au grand jour et la troupe fini par se venger. Même la célèbre scène du “One of Us” est incluse, la chanson étant remplacée par le partage d’un bol dans lequel chacun boit. Dégoûtée de devoir passer après quelques consanguins bien moches, la jeune mariée fini naturellement pas céder et insulte l’ensemble de la communauté.
Seulement ici les évènements sont vus et corrigés à la sauce gore. L’excès est de mise et la trahison de la voleuse n’est pas le seul facteur qui va déclencher le courroux des monstres: une toute jeune fille attardée mentale est témoin d’un vol de nourriture par deux des Outsiders et se fait alors sauvagement assassiner. Le tueur laisse éclater sa haine et mutile la gamine, épluchant son corps jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’une bouillie ! C’est alors une explosion de violence qui s’ensuit. La troupe passe à l’attaque et dégomme furieusement leurs ennemis: un type se fait pulvériser le crâne d’un coup de masse par le Hercule de service, un autre est lardé de coups de couteau par l’ensemble des Freaks, et le chef de bande se fait littéralement dévorer par sa partenaire sexuelle, une belle Jungle Girl qui l’attire dans son lit avant de lui arracher la gorge à coup de dents. Mais le pire des sorts est naturellement réserver à la femme. On se souvient tous de la conclusion de Freaks, la belle Cléopâtre se retrouvant transformée en femme-poule. Une hideuse mutilation dont on ne voyait rien mais qui faisait froid dans le dos. Freakshow, lui, verse dans le torture porn et nous montre pratiquement tout de l’opération qui est faite sur ce corps humain…
Dans une séquence tout droit sortie d’un roman Gore de chez Fleuve Noir, la victime est lentement découpée en morceaux, puis écorchée vive. Ses pieds, sa langue, une paupière… Sa peau lui est retirée, ses seins arrachés, et au final il ne reste d’elle qu’une forme hideuse, répugnante. Un vers de terre humain. La créature n’est visible qu’à la toute dernière image du film, le monteur choisissant de couper bien vite lorsqu’elle apparait, mais elle marque quand même un peu. Tout comme dans Freaks, et plus récemment comme dans Tusk ou les Human Centipede, l’idée même reste terrifiante, en dépit de l’exécution (souvent ratée).
Nous dirons cela de positif, à propos de Freakshow: l’horreur de la situation demeure intacte et l’univers dépeint dans le film est particulièrement glauque. Peut-être un peu trop puisqu’il n’y absolument aucun personnage pouvant servir de repère, ou juste atténuer un peu l’ambiance générale. Chacun se rend coupable d’actes odieux et personnes n’est innocent. Les Outsiders sont une bande de brutes sans foi ni loi, torturant une gamine dans un accès de rage et prévoyant de voler et de tuer leur hôte. Les Freaks vivent sans joie, dans la peur constante de l’Étranger, et semblent un peu trop heureux de pouvoir tuer et torturer leurs adversaires. Forcément on fini par ne plus trop savoir sur quel pied danser et cela peut engendrer le rejet chez certains spectateurs. C’est quand même un effort louable et bravo aux acteurs qui sont tous parfait dans leur rôle, que ce soit les forains, véritables “monstres” de foire comme dans le film de Browning, ou les autres.
Mais pour tout le reste, ce n’est vraiment pas bon. Le budget minuscule se ressent, non pas sur le décors (du vrai matériel de cirque prêté au film) mais sur l’aspect technique. L’image n’est pas terrible, peu aidé par un pressage DVD bon marché, les effets gore, bien que parfois très effectif, restent limités et loin de valoir ceux de KNB et le montage est tout bonnement atroce. Un soucis qui est l’une des plus grandes plaies du cinéma DTV moderne, je n’arrête pas de le dire. Lorsque le récit ne traine pas en longueur, les images inutiles sur le décors se multiplient, sans doute afin de gonfler artificiellement la durée du film (78 minutes sans les génériques). Certaines séquences paraissent anormalement raccordées, ou raccourcies. Les scènes sanglantes notamment, qui s’arrêtent brusquement comme s’ils manquaient quelques plans supplémentaires. Peut-être pour camoufler la légèreté des effets spéciaux, allez savoir…
Petite production oubliée, Freakshow ne plaira pas à grande monde et certainement pas aux cinéphiles. Ne tenant même pas la comparaison avec son aîné, tout simplement l’un des meilleurs films jamais réalisé depuis la création du cinéma, ce DTV n’est qu’un produit exécuté de la façon la plus mécanique possible. Pas d’argent, pas de préparation, pas de volonté créative particulière. Et c’est dommage car il avait pour lui quelques atouts (les décors et performeurs véritables, une ambiance poisseuse et pessimiste) qui aurait pu lui permettre d’offrir un spectacle de meilleur qualité, mais ils ne sont jamais assez mis en valeur pour que le film en tire un quelconque bénéfice.
Pour ne pas finir sur une mauvaise note, mentionnons quand même la présence de Christopher Adamson dans le rôle principal, acteur à trogne qui a trainé aussi bien dans de petites productions que des blockbusters: il était le maître vampire du Razor Blade Smile de Jake West et on le retrouve sur Evil Aliens, Le Phare de l’Angoisse ou encore The Last Horror Movie, mais il jouait aussi l’un des hommes-poissons des Pirates des Caraïbes et le mutant-cyborg Mean Machine dans Judge Dredd ! Un second couteau qui mérite carrément d’être un peu plus reconnu.
PS. Non, Freakshow n’a jamais été banni dans 43 pays. En fait je doute même qu’il ait été distribué dans plus de quatre ou cinq.
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