Lost (and found) in the 5th Dimension
Épisode 13
DREAM JASON
Friday the 13th Part V: A New Beginning (1985)
Tout récemment, le jeu vidéo / hommage Friday the 13th vient d’offrir un petit cadeau à ses joueurs en la présence d’un tout nouveau Jason exclusif ainsi qu’une map qui lui est relative. Je ne parle pas du Über Jason de Jason X (et qui sera disponible avec une environnement futuriste reprenant le vaisseau spatial du film), annoncé il y a quelque temps et que les fans n’en peuvent plus d’attendre, mais de Roy Burns. Le fameux copycat de Vendredi 13, Chapitre 5, remplaçant le tueur au masque de hockey alors tué dans l’opus précédent et pas encore officiellement un mort-vivant indestructible. Voilà une surprise inattendu car totalement gratuite (à cette époque de microtransactions et de loot boxes, c’est pratiquement un miracle) et surtout jusqu’ici improbable tant ce faux Jason ne remporte pas l’adhésion de tout le monde. Aussi il faut s’attendre à quelques reproches, et parmi eux il y a ceux qui râlent car le gameplay n’est pas différent (Roy n’est qu’un skin avec de nouvelles armes et ne se montre pas plus vulnérable que son illustre modèle), ceux qui reprochent au modèle de Tommy Jarvis de ne pas avoir été modifié pour l’occasion (vu la dévotion chrétienne très prononcé chez l’acteur qui l’incarnait, il est tout simplement impossible de le convaincre de participer à l’aventure) et bien sûr ceux qui cumulent plus de 800 heures de jeu sans jamais avoir vu le moindre Vendredi 13 et qui ne comprennent donc pas pourquoi fut sélectionné le “faux” Jason de ce film à la place du vrai…
Beaucoup doivent rouler des yeux et les conversations audio, chat room et autres forums débordent d’explications concernant le film et la série en général. Il est presque improbable, en 2018, d’avoir à répéter les faits, de préciser que Jason n’a jamais été un zombie surnaturel avant le 6ème épisode, qu’il fut tué pour de bon à la fin du Chapitre Final et que l’idée était de ramener la saga vers ses racines: un whodunit réaliste et mystérieux bien loin des épisodes 2-4, où c’est la folie qui mène le coupable au crime. Un peu comme Halloween III en son temps, le public bouda cette nouvelle direction, peu satisfait de ne pas retrouver le tueur iconique ayant donné sa réputation à la saga. Et tant pis si cet opus se montre comme l’un des plus nihiliste de la saga avec son héros tragique qui sombre du côté obscur plutôt que de surmonter ses démons, et quelques meurtres brutaux et mémorables (ce visage broyé à la lanière de cuir contre le tronc d’arbre). Les spectateurs veulent Jason ou ce n’est pas Vendredi 13, et peu leur importe si le scénario reste vrai à la franchise en se concentrant sur une atmosphère teintée de folie et d’onirisme – outre la célèbre conclusion du premier film, rappelons-nous de l’étrange cauchemar de Marcie à propos d’une tempête de sang, et des épilogues de Part 2 et 3 où les héroïnes deviennent folles après avoir vécu de terrifiantes hallucinations. Sans parler du plan final de Part 4 montrant déjà Tommy porter en lui les graines du Mal…
Et d’ailleurs, à bien y réfléchir… Il se trouve que, et si !, Jason Voorhees est bel et bien présent dans ce Chapitre 5. Contrairement à ce que tout le monde pense, une incarnation du personnage fait son apparition plus d’une fois dans le film, et ce dès l’introduction ! Bien sûr il ne s’agit techniquement pas d’un “vrai” Jason, qui est mort depuis plusieurs années déjà lorsque l’histoire commence, mais il existe toujours à travers les épisodes psychotiques de Tommy, qui souffre de stress post-traumatique et continue de voir l’assassin dans des visions. L’exemple le plus marquant reste la scène qui ouvre le film et ramène Corey Feldman, interprète du personnage dans l’opus précédent, pour une courte apparition. Sans revenir sur les changements effectués en raison de l’indisponibilité de l’acteur (cette même année il joua dans Les Goonies) et l’impact négatif que cela a eu sur le résultat final (ce coin de cimetière construit en vitesse dans le jardin de l’acteur est franchement risible), cette première apparition a le mérite de préfigurer Jason Lives et tout l’avenir de la saga en seulement quelques secondes: le jeune garçon est témoin d’une scène un peu poussive où la sépulture de Jason est profanée par quelques voyous caricaturaux. Jason est mort mais, surprise, il se relève aussitôt son cercueil ouvert ! Il porte toujours son masque et sa machette, massacre illico les pilleurs de tombe avec une aisance qui tient plus du cartoon qu’autre chose, et le voilà qui s’avance ensuite vers Tommy pour en finir…
Il s’agit ni plus ni moins que du brouillon de sa véritable résurrection qui aura lieue dans le prochain film. On y retrouve la tombe, le cimetière balayée par la pluie, le corps rongé par les vers et la simplicité avec laquelle le monstre revient à la vie, tuant aussitôt qu’il ouvre les yeux comme un espèce d’automate. Plus amusant encore, son apparence est véritablement à mi-chemin entre sa version humaine de Part 2–3 (la tenue verte, le crâne chauve pas si déformé) et sa version mort-vivante (le costume, sale, apparait presque noir, et le personnage n’étant pas réel, il se tient parfaitement immobile comme il a tendance à le faire après son retour à la vie) moins les applications de maquillage sur son épiderme. Après deux autres apparitions anecdotiques (à travers un miroir et en bas d’une fenêtre) qui servent surtout à remettre en doute l’innocence de Tommy et souligner le fait qu’il est mentalement instable, Dream Jason revient à la toute fin du film pour une ultime séquence lourde de conséquences. Car s’il apparait que le coupable est mort, tué non pas par le héros mais par la Final Girl et un petit garçon, seuls survivants du bain de sang orchestré par Roy, l’histoire est loin d’être fini. Le titre de ce cinquième volet étant A New Beginning, l’idée était effectivement d’utiliser ces évènements comme un tremplin pour la série, une excuse pour établir celui qui deviendra le véritable tueur des prochains Vendredi 13.
L’idée était là dès la conclusion de Part 4 et certains pourront dire que ce Chapitre 5 ne sert pas à grand chose si ce n’est qu’il nous ramène au même point avec un Tommy adulte, et donc un peu plus crédible comme meurtrier. C’est vraiment ignorer cette dernière confrontation entre les deux adversaires et surtout la façon dont leur “différent” est résolu. Dans sa conclusion, le film s’engage sur l’habituel jump scare final en forme de cauchemar. Ici le protagoniste, placé à l’hôpital pour se remettre de ses blessures, reçoit une visite de l’héroïne et… la tue d’un coup de machette ! Il sombre dans la démence en s’esclaffant et le spectateur se gratte la tête en se demandant comment il a bien pu cacher cette lame dans son lit. La scène est volontairement exagérée et bien vite notre malade se réveille. Le but était de montrer que le jeune homme lui-même craint de basculer dans la folie, et justement Jason réapparait à ce moment là. Et a priori tout se passe bien: il se maitrise, fixe l’apparition sans craquer, dominant sa peur. Et le fantôme de disparaitre alors, comme s’il n’avait plus d’emprise sur l’esprit perturbé du garçon. Tout semble présager un retour à la normale pour Tommy, qui aurait enfin reprit le contrôle de sa vie et décidé de ne plus être une victime. Seulement voilà, l’instant d’après il se relève, fouille dans ses affaires où il retrouve le masque de Roy qu’il a sûrement récupéré à l’insu de tous (poussif, certes) et l’observe longuement.
Quand la Final Girl vient réellement lui rendre visite, on peut le voir porter la chose, couteau à la main, se rapprochant doucement d’elle pour commettre l’irréparable… Ainsi, Tommy devient Jason sur le plan psychique, en absorbant volontairement ce fantôme du passé pour ne faire qu’un avec lui, pour ne plus avoir peur de lui. Un aspect psychologique très intéressant et faisant écho à la folie originale de Pamela Voorhees dans le premier film, dont la personnalité se dédoublait pour laisser place à une version homicide de son petit garçon ; voir la réplique “Kill her, mommy, kill her” dont le compositeur s’inspira pour créer le célèbre thème “Ki ki ki, Ma ma ma”. Dans ce Chapitre 5, l’oreille attentive remarquera un subtile changement en “Ki ki ki, Ta ta ta”, supposément pour “Kill, Tommy”. Certes, cet effacement de la personnalité du protagoniste au profit de celle de Jason était bien plus visible dans l’introduction originale prévu pour le film, lorsque Corey Feldman devait faire partie du film. On devait y voir le petit garçon être prit en charge par les Autorités immédiatement après les évènements de Part 4 et placé dans un centre hospitalier. Là, il devait être prit d’un accès de rage, s’attaquant au personnel pour rejoindre la morgue où se trouve le corps de Jason. La séquence se trouvait n’être qu’un cauchemar, montrant alors le cadavre se relever pour tuer Tommy.
On peut y trouver une symbolique dans cette mort “psychique” du personnage, là où le souvenir de Jason demeure au niveau de l’inconscient. Cet aspect psychologique, pourtant très intéressant, sera évidemment ignoré par tout le monde et la franchise prendra une direction bien plus simple à partir de Part 6. Et si je suis le premier à dire que j’aime Jason et que Vendredi 13 parait difficilement concevable sans la présence du mort-vivant hydrocéphale, j’avoue beaucoup aimer ce “What if” qui ramène à l’ambiance si particulière des premiers opus et particulièrement de l’original, où Jason n’était qu’un concept naissant dans coin sombre de la psyché humaine pour mieux la tordre et la corrompre. Et donc voilà. Qu’on le veuille ou non, Jason est bien présent dans ce Chapitre 5. Pas à travers une manifestation physique dans le sens traditionnel du terme, mais d’une incarnation tant mentale que visuelle. Elle fut d’ailleurs interprété par Tom Morga, le même type derrière le masque aux triangles bleus de Roy Burns (mais qui n’est pas l’acteur incarnant Roy en civil). Le bonhomme ne prend pas nécessairement la peine de jouer les deux individus différemment et, par soucis de praticité, il porte la même fausse tête chauve derrière le masque.
Il y a cependant de subtiles différences comme les symboles sur le masque, les tenues (chemise verte sombre pour Jason, bleu de travail pour Roy) ainsi que la présence de blessures sanglantes à la tête de pour l’un – un rappel de ses terribles blessures subit dans Part 3 et 4, là où le copycat est au meilleur de sa forme. Enfin, si le copieur s’amuse avec un arsenal extrêmement varié durant tout le film, l’autre ne se trimballe généralement qu’avec une grande hache, moins sa machette et un poinçon durant l’intro. Dommage que, à défaut d’engendrer une franchise totalement différente, ce Dream Jason n’ait pas eu droit à la moindre figurine jusque là. Pas plus qu’une apparition dans Friday the 13th: The Game, qui ne se risquera sans doute pas à le modéliser. Trop différent, trop bizarre, trop peu connu. Mais pourtant si fascinant car justement unique et montrant un potentiel intéressant pour de futurs histoires… Imaginez un Jekyll et Hyde version Vendredi 13, et une relation façon Fight Club entre Tommy et Jason !
Super article, il était temps de réévaluer comme il se devait ce cinquième épisode.
Ah je te remercie grandement 🙂
Et oui à la revoyure, si l’on met de côté la franchise comme on la connait, il est pas mal du tout. Je crois qu’il morfle juste de passer juste après Part 4.