Dick Miller (1928-2019)

 

Difficile de croire que c’est à l’âge de 90 ans que Richard « Dick » Miller nous quitte. Qui l’aurait pensé si vieux ? Parce qu’il n’a jamais vraiment eu de grand rôle et s’est surtout contenté de petits personnages ici et là, on se l’imagine toujours de la même façon: tel qu’il apparait dans Gremlins, film qui l’a principalement exposé aux yeux du monde. Ça et sa scène dans Terminator où il se fait dézinguer par un Arnold Schwarzenegger alors débutant (“Wrong !” BLAM !). Même chez les cinéphages de série B sa carrière est généralement associée à celle de Joe Dante, qui l’employait aussitôt qu’il le pouvait:  Piranhas, Hurlements, The ʽBurbs, L’Aventure Intérieure, Explorers… C’est oublier que le bonhomme précède longuement cette génération 80s si vénérée et qu’il faut remonter jusqu’en 1955 pour le voir faire ses premiers pas dans le genre ! Il commence chez le légendaire Roger Corman a qui il va rester fidèle avec Apache Woman (où il jouait deux personnages, l’un étant responsable de la mort de l’autre !) avant d’enchainer les titres les plus farfelus: It Conquered the World, Not of This Earth, War of the Satellites, X: The Man With the X-Ray Eyes

 

 

Les plus célèbres, qu’il enchaine coup sur coup, restent évidemment Bucket of Blood (1959), où pour la première fois il incarne cet étrange personnage de Walter Paisley qu’il faut presque percevoir comme le François Pignon de la série B, et La Petite Boutique des Horreurs (l’originale de 1960), où il y bouffe des fleurs comme on se goinfrerait de chips. Via Corman il rencontre l’hilarant et satirique Paul Bartel qui lui offre un rôle minuscule (et invisible) dans son démentiel Death Race 2000 et le ramène dans Cannonball. Pas celui avec Burt Reynolds, celui avec David Carradine. Les deux furent plus tard réunis par un jeune Dante sur le tournage de Piranhas où ils jouent l’un comme l’autre des crapules qui se retrouvent bien embêtés de voir de petits poissons grignoter le casting autour d’eux. Le courant passe et c’est ainsi que le tandem Dante / Miller va perdurer pour toujours. Avec Gremlins il lui offre son rôle le plus connu, celui de l’américain moyen par excellence qui ne jure que par l’automobile de son pays et qui fini ironiquement sous les roues de son propre chasse-neige. Il y retrouve sa partenaire de scène de La Petite Boutique, celle que son personnage draguait alors et qui joue cette fois sa femme. Le couple est si marquant que, malgré sa mort apparente, il revient dans la suite où il est encore une fois au centre d’un passage mémorable: celui où le Gremlin volant est plongé dans du ciment et devient une gargouille sur la façade d’une cathédrale.

 

 

Mais Miller traine ses guêtres un peu partout, chez les petits comme chez le grands. Steven Spielberg (producteur des Gremlins) l’utilise dans 1941, et Martin Scorsese, qui jouait avec lui dans Cannonball, le place dans After Hours. Il tourne plusieurs fois pour Robert Zemeckis, et Tom Hanks, alors jeunot dans The ʽBurbs, l’invite quelques années plus tard pour un épisode de série télé lorsqu’il se tente à la réalisation. On le retrouve partout en fait, s’essayant aussi bien au film d’animation (Batman: Mask of the Phantasm, toujours la meilleure adaptation du Dark Knight à ce jour) qu’au dernier truc à la mode (Urgences, où il joue un “M. Ackerman” qui est probablement une référence à Uncle Forry). On peut même s’amuser à faire le lien entre chacune de ces productions et leurs responsables, tout le monde ayant bossé avec tout le monde à un moment ou un autre en se refourguant l’acteur au passage, comme s’il s’agissait d’une sorte de MST. Et ainsi il retrouve Paul Bartel (et Walter Paisley) encore une fois chez Jim Wynorski dans l’extrêmement divertissant Chopping Mall, où il se fait électrocuter par un robot meurtrier, avant de faire un tour du côté de Fred Olen Ray pour tout un tas de petits films (Armed Response… avec David Carradine) de qualités variables.

 

 

Durant cette incroyable odyssée qui le mena aussi bien sur le plateau de Amityville 1993 que sur la série Les Cauchemars de Freddy, il échoue sur deux gros incontournables: ce sont Night of the Creep, le chef d’œuvre de Fred Dekker et grand classique de l’horreur à la Eighties, et Le Cavalier du Diable, alias Tales From the Crypt: Demon Knight, où il incarne un aimable pochetron qui se retrouve plongé malgré lui dans l’éternelle guerre entre le Bien et le Mal, qui prennent la forme de William Saddler et Billy Zane respectivement. Quel dommage que sa légendaire scène coupée de Flic ou Zombie n’ait toujours pas été exhumée ! En attendant que quelqu’un se penche sur ce problème, on ne pourra que trinquer à la mémoire de ce bon vieux Dick Miller, dit Walter Paisley, vieux routard du cinéma fou comme on l’aime, plein de sang, de seins, de monstres et de situations absurdes. Il nous manquera.

 

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