Gore N°42
Coupes Sombres
(1987)
Écrit pour le cadre de la collection Gore chez Fleuve Noir, Coupes Sombres est un roman qui vient d’un professeur de français qui se cacherait sous pseudonyme de peur d’être reconnu par ses élèves. Jean Viluber, ou parfois Jean‑Christian Viluber, est en fait de Jean‑Pierre Hubert, écrivain de science-fiction et de fantastique ayant aussi œuvré dans le gore avec un autre écrivain, Christian Vilà, leur collaboration s’étant aussi faite sous le pseudo de… Viluber.
Hubert livre ici une histoire profondément dégoûtante, mélangeant sexe, gore et horreur multiforme tendance Lovecraft, mais en beaucoup moins subtile, à laquelle il ajoute une dose de folie sanguinaire humaine. Un mélange détonnant pour un récit grossier qui ne fait pas dans la dentelle, bien loin des classiques de la littérature d’épouvante.
Coupes Sombres narre l’arrivée de deux jeunes femmes, Domie et Kate, à Vinburg, un trou perdu dans la campagne forestière. Souhaitant prolonger leurs vacances, elles se retrouvent un peu serrées financièrement et se tentent à l’auto-stop. Elles sont ramassées par un petit homme salace qui leur semble de plus en plus étrange et entreprenant et qu’elles finissent par fuir. Un camionneur bien plus sympathique vient les embarquer et leur donne un tuyau quant à un logement pour la nuit. Ayant ses entrés chez Placo‑Dem, une entreprise travaillant le bois, il peut les faire rentrer secrètement dans le parking où sont entreposés une série de caravanes vides. Mais la nuit venue, des bruits de lutte se font entendre et les deux jeunes femmes aperçoivent par la fenêtres de leur logis un homme horrible et couvert de cicatrice entrain de les épier, après s’être battu avec quelqu’un. Découvertes par les vigiles, elles manquent se faire violer avant l’arrivée du directeur, qui n’est autre que celui qui avait voulu les prendre en stop. Les embauchant pour quelques jours en guise de réparation, il s’amuse à les bousculer un peu, se montrant très désagréable. Au même moment la Bande du Fleuve, une tribu de voyous vivant non loin, décide d’attaquer Placo‑Dem suite à leurs incessantes luttes avec le “monstre” qui garde le parking des caravanes…
Commençant comme une simple histoire gore mettant en scène deux bandes perturbées, à savoir les employés de Placo‑Dem et les membres de la Bande du Fleuve, Coupes Sombres cache bien son jeu et progresse assez lentement jusqu’à la moitié du récit, se contentant de faire monter la tension et ce malgré des passages déjà bien horribles.
Ainsi la rencontre avec les travailleurs de Placo‑Dem se fait à chaque fois un peu plus oppressante et la sensation qu’une menace se cache en leur sein n’a de cesse d’augmenter. Après le directeur de l’usine, petit pervers fumant une herbe étrange dont les papiers à cigarettes sont couvert de dessins pornographiques et démoniaques, on découvre Billot, colosse attardé mental et bête humaine couverte de cicatrices, dont la principal activité est de chasser tout intrus – généralement les membres de la Bande du Fleuve – s’introduisant dans le parking, leur arrachant une oreille en cas de récidive et allant jusqu’à tuer si l’envie lui prend. Puis les vigiles dit “normaux” , qui se mettent en tête de profiter de la situation pour violer les étrangères et enfin les “employés” de l’usine, même si certains se montrent sympathiques, pour la plupart très étranges, agissant de façon agressive avec les deux jeunes femmes, allant eux aussi jusqu’à vouloir les violer.
En face, la Bande du Fleuve n’est pas en reste. Voyous se livrant à des orgies incessantes et à des actes de pillages chez Placo‑Dem, ils ont des idées de revanches envers Billot. Souhaitant exterminer ce dernier et s’acharner un peu plus sur l’entreprise, ils ouvrent les hostilités en tuant de façon sadique le chef de police local et sombrent progressivement dans la folie. Ayant pris goût au meurtre, certains s’introduisent en cachette dans l’usine pour massacrer des employés tandis que d’autres, surveillant Billot, finiront par tomber sur l’une des deux jeunes femmes s’étant enfuie, la violant et la gardant prisonnière.
Deux camps opposés où sont chacune retenue en otage les deux femmes. Le livre atteint la moitié de son volume et l’histoire explose soudainement, sans que l’on s’y attende. S’il est clairement fait état de la brutalité de la Bande du Fleuve, Placo‑Dem restait encore assez limité dans sa folie et son agressivité jusque là (Billot excepté). Puis soudainement, après un accident provoquant la mort d’un employé et la découverte d’une ancienne relique, tout s’accélère. Il se trouve que le directeur de l’usine et la plupart des travailleurs sont les membres d’une secte vénérant Wanga, l’esprit du bois selon certaines croyances vaudous, et pensent que le réveil de ce dernier est imminent. Nous découvrons alors que les employés sont des cannibales possédant tout un stock de plats particuliers et nauséeux dans le self-service (tendance pénis en sauce). Les humiliations de la jeune prisonnière deviennent bien plus odieuses, subissant des sévices sexuels et découvrant avec stupeur que ses tortionnaires s’entretuent selon une sorte de rituel assez proche du jeu, où le corps humain subit le même traitement que le bois.
Alors que la Bande du Fleuve tuent brutalement quelques employés tout en se pavanant dans des orgies sauvages, et que les membres de Placo‑Dem se mutilent et se massacrent dans d’inventifs dépeçages, l’horreur fait pleinement son apparition. Car il s’avère que Wanga existe bel et bien, et que cette nuit même est celle de son réveil comme l’a prédit la secte Nous avons alors droit à une entité végétale, mélange de terre et de diverses espèces de plantes des marais, se mouvant un peu partout autour des deux camps, assimilant le corps humains pour mieux les intégrer à son existence collective. Wanga sait que son réveil n’est que de courte durée et désire se reproduire et se répandre un maximum avant de disparaître.
Le récit nous montre ensuite une série d’évènements complètement fous où les corps des morts reviennent à la vie en se mélangeant avec les plantes, créant des êtres monstrueux et sans formes précises, violant tout ceux qui passent à leur portée, fusionnant avec leur chair et se multipliant sans cesse. Et tandis que le chef de la Bande du Fleuve décide de s’allier avec la jeune femme qu’il avait capturé afin de rester en vie, Placo‑Dem poursuit ses jeux déments, dont une partie de ballon avec des tronçonneuses…
Inutile d’aller plus loin, Coupes Sombres ne se raconte pas vraiment. L’histoire accumule les passages sanglants via des meurtres sauvages, mais c’est plus l’horreur de la situation en elle-même qui transparait du livre, que ce soit à cause de la folie totale des protagonistes et de l’improbable divinité dont les descriptions sont parfois vraiment impressionnante. De même pour le côté répulsif du livre, avec ces nombreux sévices sexuels qui finalement dominent les séquences gores et fait se partouzer humains et végétaux, mélangeant semence et sève puante dans des actes extrêmement brutaux et dégoûtant. On pourrait d’ailleurs penser à certains mangas et animes Hentai dans l’idée, bien qu’ici cela soit finalement différent puisqu’il n’y a pas uniquement le concept de viol, mais aussi de terreur pure avec l’amalgame des corps. Un Society végétal hardcore en somme.
Le final laisse le lecteur dans le même état second que les héroïnes. Le récit s’est tellement vite emporté pour se terminer aussi soudainement qu’on ne peut qu’être qu’abasourdis devant un tel déploiement d’immondices. S’il est très rapide à lire, Coupes Sombres se pose là comme œuvre trash et gore, mêlant horreur et sexe avec autant de simplicité que d’efficacité.
belle chronique pour un livre que j’adore!
Tu as parfaitement bien résumé l’ambiance et la folie qui règne dans ce bouquin peu avare en scènes bien gerbantes. Viluber avait tapé très fort avec ce premier roman paru chez Gore. Dommage que le second ne soit pas de la même trempe.
Un grand merci pour ce commentaire, et ravi de voir que je ne suis pas le seul a avoir trouvé Coupes Sombres aussi… Grandiose !