Constantine (1.10)

Constantine
Ep.1.10

Quid Pro Quo

 

 

Un Chas-centric cette semaine avec Quid Pro Quo, qui lève totalement le voile sur la nature d’immortel du personnage, l’un des aspects les plus intrigant de Constantine (bien que jamais vraiment exploré). Plutôt que de finalement repomper Highlander et de réinventer le personnage, la série choisit un angle différent, proche d’une story-arc qui aurait commencée avant même le tout premier épisode du show et qui trouvera sa conclusion d’une façon ou d’une autre d’ici une ou deux saisons (si elles voient le jour, naturellement). En fait on pourrait même imaginer cette intrigue être exploitée dans les comics un jour ou l’autre, surtout depuis que DC a décidé de conclure Hellblazer et de relancer les aventures du sorcier sous le titre beaucoup plus simple de… Constantine.
L’origine de ce pouvoir surnaturel apparaît même tellement simple et improbable qu’elle en devient géniale. Un soir de beuverie, John Constantine, totalement bourré, lance un sort de protection sur son ami afin de s’assurer qu’il n’ait pas d’accident lorsqu’il rentrera chez lui. Un charme qui ne devrait pas fonctionner en toute logique, car il s’agit d’un mythe. Créée par Merlin l’Enchanteur, il s’agissait d’une magie visant à protéger les chevaliers de la Table Ronde: si l’un d’entre-eux venait à périr en bataille, il absorberait alors la vie des personnes se trouvant autour de lui. Et contre toute attente, l’exorciste a réussi à refaire le rituel sans même s’en rendre compte ! Lorsqu’un incendie accidentel ravage le night-club où Chas passait sa soirée, il décède avec les autres clients, puis ressuscite sans garder la moindre égratignure. Non seulement ça, mais il possède maintenant en lui l’âme des autres victimes: 47 pour être précis. Et a chaque fois que Chas “meurt”, il perd définitivement l’une de ces vies en échange d’une résurrection.

 

 

Il est difficile de dire si ce nombre a été pensé depuis le début, avec peut-être une idée précise du moment où Chas redeviendra “normal” avec une seule et unique vie, ou si la scénariste l’a sélectionnée au pif en voyant large afin d’y intégrer les quelques décès survenant dans les épisodes précédents. Cependant le concept est intéressant et à le mérite de se démarquer suffisamment de la mythologie de Duncan McLeod (ou même du Docteur) pour remporter toute notre attention. Ce pouvoir est d’ailleurs le cœur de l’épisode, non pas à cause de son utilisation, mais parce que l’antagoniste représente ici le pendant négatif du chauffeur de taxi.
L’intrigue, qui se concentre sur la vie de famille de Chas (que quelques épisodes précédents définissaient comme chaotique), montre comment sa fille Geraldine tombe victime d’un sortilège lancé par un mystérieux mage. Il lui vole son âme, ce qui la plonge dans un profond coma et, si le processus est réversible, il ne reste que très peu de temps avant que l’esprit en lui-même ne soit perdu à jamais. Pour autant, l’enfant n’est pas la seule victime de ce phénomène et de nombreux autres habitants du coin sont ainsi “moissonnés” par le responsable. Celui-ci n’est autre que Felix Faust, un vieux sorcier qui n’a de cesse d’explorer les arcanes magiques les plus sombres. Il vient tout juste de découvrir comment utiliser les âmes humaines pour alimenter ses pouvoirs et, tel Shang Tsung, se gave comme une oie au point de devenir terriblement puissant. Tellement en fait, que John Constantine lui-même dit ne pas être de taille à l’affronter.

 

 

Afin de sauver l’âme de la petite, Chas et Constantine accepte d’aider Faust à résoudre un certain problème, en échange de quoi il promet d’épargner Géraldine. Il se trouve que l’activité du sorcier n’est pas sans avoir attiré l’attention d’un certain démon, une créature bestiale nommée Karabasan qui s’attaque aux âmes volées avant même que Faust ne puisse les récupérer. Une nuisance qui le prive de sa source de pouvoir et dont il doit s’occuper. Seulement il est beaucoup plus simple de laisser cette tâche difficile être accomplie par un autre, n’est-ce pas ? C’est là qu’entre en jeu l’ambivalence que représentent Chas et Faust. Le premier s’est retrouvé accidentellement investi des âmes d’innocents qui lui confèrent un pouvoir extraordinaire mais qu’il n’a jamais demandé. C’est pour cela qu’il aide Constantine sans relâche, afin que chacune de ces vies puisse compter pour quelque chose, que le sacrifice d’une seule de ces âmes soit utile autant que possible à la vie d’autrui. Faust, à l’inverse, s’approprie les âmes volontairement afin de servir ses propres intérêts. Et quand bien même son pouvoir s’en retrouve décuplé, il préfère envoyer un autre s’occuper d’une tâche difficile qui le regarde, sans se soucier de sa sécurité.
Le thème de l’épisode illustre donc la fameuse déclaration de l’Oncle Ben, “Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités”, et repose sur la notion de sacrifice de soi pour une cause plus grande. Avec toutes les difficultés que cela représente, évidemment, puisqu’une partie de l’épisode consiste à mettre en avant les problèmes de couple de Chas. Nous savions déjà que sa femme s’était séparée de lui et nous apprenons, en effet, qu’il a fait passer sa vie héroïque avant ses devoirs de père et d’époux, ce qui a fini par détruire son mariage en plus de décevoir sa fillette, lassée par ses absences répétées. Pour autant le jeu en vaut la chandelle et la conclusion, hautement moralisateur, voit son ex-femme prendre conscience de l’importance de ses actions. La dernière scène la montre désormais compréhensive et, le suppose t-on, lui a sûrement tout pardonné.

 

 

Chas est un personnage qui, bien que n’ayant jamais eu un temps de présence particulièrement grand jusqu’à maintenant, avait toujours su paraître sympathique grâce au charme de son interprète, Charles Halford. C’est l’occasion pour lui de briller un peu et il le fait très bien, jusqu’au final où il est prêt à se sacrifier totalement pour sauver sa fille, en troquant son âme contre la trentaine qu’il possède en lui. Et en plus il retrouve ici son taxi, abandonné depuis le pilote pour cause de réparation !
De leurs côtés Constantine et Zed n’ont pas énormément de chose à faire, se contentant de guider le véritable héros ou de suivre la progression de l’affaire en apportant leur aide ici et là. Avec la fin imminente de la saison, la scénariste prend quand même le temps de leur offrir une petite scène en fin d’épisode, jouant encore une fois sur la notion de confiance (un élément présent depuis le début du show) qui, bien que mise à rude épreuve, semble bel et bien tenir. Étant entrée en contact avec le monde spirituel, Zed en reviendra avec un message pour John, de la part de sa mère, laquelle déclare qu’il ne doit pas se sentir responsable de sa mort.
Le Monster of the Week, quant à lui, est pour ainsi dire totalement accessoire même s’il s’inspire encore une fois d’une mythologie peu connue mais fascinante. En Turquie, le nom Karabasan signifie Cauchemar et peut correspondre à une sorte de croquemitaine. C’est le nom donné à une vision effrayante, un fantôme ou une créature surnaturelle pouvant tuer à travers l’âme d’une personne endormie. Une chimère qui prend ici la forme d’un gros fauve invisible façon Predator. Un design pas terrible car à peine perceptible, mais tout ce qui peut s’éloigner des apparitions spectrales et possessions à travers corps humains est bon a prendre. Il serait toutefois bien de pouvoir retrouver un jour un démon du niveau de Nergal, dans le pilote, mais peut-être la série va t-elle claquer tout son budget sur une ou deux créature seulement pour le season finale

 

 

Ici et là interviennent tout de même quelques éléments surnaturels des plus plaisants, comme ce laboratoire “à l’ancienne” de Faust, qui se cache dans un entrepôt abandonné et invisible, bourré à craquer de squelettes, de choses empaillée ou enfermées dans des bocaux de formol, et jusqu’à une tête coupée et momifiée dont le sorcier s’applique à coudre les yeux. Un médium parano, travaillant dans une boutique de surplus militaire, voit sa séance être parasité par Faust qui le possède et le brûle vif sous les yeux de nos héros. Constantine nous présente un nouveau gadget magique bien utile, qui n’est autre que le ligament du talon d’Achille, et ceux qui suivent Hellblazer pourront même entendre Chas évoquer le légendaire Roi Singe, ce qui pourrait être (ou pas !) une référence à Slag le chimpanzé. Un familier qui, dans les comics, est responsable pour avoir mis à mal la vie du chauffeur de taxi…
Felix Faust lui-même vaut le coup d’œil rien que pour son interprète, l’acteur vétéran Mark Margolis (Scarface, 1492: Christophe Colomb, Requiem for a Dream, Black Swan et… Ace Ventura) qui parvient encore a être sinistre et menaçant alors qu’il semble être en toute petite forme, au point de n’apparaître qu’assis sur une chaise la plupart du temps. Je doute qu’on le retrouve par la suite, non pas tellement a cause du sort réservé à son personnage, mais parce que le comédien commence à avoir un certain âge et je ne sais pas s’il va garder la force physique pour jouer encore trop longtemps, hélas…
Enfin, s’il fallait un dernier argument pour ranger Quid Pro Quo parmi les entrées les plus sympathique de la série, sachez qu’il utilise l’une des plus grandes musiques de tous les temps: (Don’t Fear) The Reaper de Blue Öyster Cult. A partir de là, comment pourrait-on détester cet épisode ?

 

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