Class of Nuke ‘Em High (1986)

 

Class of Nuke ‘Em High

(1986)

 

 

Avec pas moins de cinq personnes au scénario et deux réalisateurs on pourrait croire que Class of Nuke ‘Em High va droit à la catastrophe et, considérant l’ambiance anarcho-punk des productions Troma en général, on imagine déjà le désastre. Tout laisse présager un film chaotique sans queue ni tête alignant les gags pipi-caca, les enjeux caricaturaux et les comédiens surjouant à l’extrême. Et pour être honnête il y a effectivement un peu de cela dans le résultat final. Oui mais voilà, par un étonnant miracle non seulement ce titre se trouve être d’une très bonne tenue techniquement parlant, surpassant aisément ses prédécesseurs comme The Toxic Avenger dans ce domaine, mais il se trouve même être plus intéressant qu’il n’y parait. Car en-dehors des éléments habituels de la compagnie, à base de nudité gratuite et de loubards déguisés en Nazi, il y a là un semblant d’histoire et même de satire sur différents genres comme la comédie paillarde pour adolescents et les films anti-drogues à la Reefer Madness, qui condamnaient l’utilisation du cannabis de façon tellement extrême qu’ils donnaient surtout envie de fumer un joint juste pour envoyer chier le monde.

 

 

Il est évident que l’intrigue elle-même s’inspire grandement de Class of 1984, dont le concept est poussé si loin qu’il en devient absurde et donc forcément hilarant. Ceci on le doit certainement au réalisateur original, Richard W. Haines, déjà auteur d’un Splatter University très recommandable et plus tard d’un Alien Space Avenger franchement original. Deux œuvres qui témoignent d’un sens de l’humour plus subtile que celui de Lloyd Kaufman et de ses gros sabots, lequel l’accompagne ici à la mise en scène sous pseudonyme. Alors c’est sûr, la fusion de leurs styles respectifs ne fonctionne pas toujours et l’histoire saute parfois du coq à l’âne, mais le tout est bien plus cohésif qu’il n’y parait et les points forts de l’un relèvent les faiblesses de l’autre. Sorte de successeur spirituel du Toxic Avenger, Class of Nuke ‘Em High se déroule évidemment à Tromaville, New Jersey, et s’intéresse au lycée de la ville qui subit les mauvais effets de sa proximité avec la centrale nucléaire / usine de déchet toxique voisine (celle-là même qui était indirectement responsable de la création de Toxie).

 

 

Ainsi la radioactivité vient d’affecter plusieurs élèves, autrefois élites de leur promotion et désormais voyous agressifs et nazillons harcelant élèves et professeurs. Fringués comme des figurants de Mad Max 2 en plus outrancier (une fille se déguise comme Hitler, moustache comprise, un autre se prend pour le bon sauvage avec anneaux dans le nez et gourdin en os, et le chef aborde une coiffure évoquant le pelage d’un putois), ils se surnomment les Crétins et se lancent dans le trafique de drogue en proposant des pétards toxiques fabriqués avec de la marijuana contaminée par une fuite de produits chimiques se propageant d’ailleurs de plus en plus à travers le bâtiment de l’école. Ceux qui vont en faire les frais, ce sont les adorables Warren et Chrissy, couple d’adolescents éperdument amoureux bien qu’ils n’osent pas encore s’envoyer en l’air. Sous l’effet de cet “Atomic High”, la jeune femme va devenir nymphomane et faire passionnément l’amour à son petit ami (“Fuck the Fellini Festival” dit-elle lorsque le garçon timide lui demande si elle ne préfère pas sortir au cinéma), mais va immédiatement tomber enceinte d’un têtard mutant qu’elle va vomir dans les toilettes du lycée, la créature finissant sa course dans le sous-sol inondé de produits toxiques.

 

 

Warren va quant à lui subir une métamorphose temporaire et devenir, comme Melvin en son temps, une créature monstrueuse à force surhumaine. Tuant quelques Crétins et humiliant leur leader, le jeune homme s’expose à des représailles alors qu’il ne garde aucun souvenir de l’incident. Et pendant ce temps le lycée est envahie d’hommes en combinaison antiradiations avec leurs compteurs Geiger, même si personne ne s’en inquiète… Ça délire grave donc, le film partant un peu dans toutes les directions avec certains sujets qui se retrouvent plus exploités que d’autres. La parodie du film de Mark L. Lester est sans doute ce qui revient le plus avec ces jeunes délinquants qui dealent et tabassent en proclamant représenter la jeunesse de demain, mais ici leurs méfaits deviennent cartoonesques, comme lorsqu’ils battent un vieille dame à mort pour lui voler son sac ou lorsque l’héroïne kidnappée est offerte à une méchante lesbienne dominatrice. Et Kaufman d’en faire une bande de dégénérées irrécupérables où se mêlent gros durs machos, femmes fatales hystériques et transsexuels délurés qui piaillent aussitôt qu’il s’agit de tuer ou torturer autrui.

 

 

Mais il y a également la sous-intrigue sur les méfaits de la drogue, clairement associée à la teensploitation sexy façon Porky’s, Joysticks ou Meatballs. Les amis de Warren sont des obsédés qui ne pensent qu’à draguer tout ce qui bouge et à coller la mains à toutes les fesses et les poitrines qui passent à leur portée, l’héroïne et ses copines sont contraintes de sortir le bikini lors d’une soirée où la bière coule à flot et tout le monde passe son temps à s’embrasser ou à se tripoter. Quant aux adultes ce sont naturellement des vieux schnocks incompétents dont il convient de se moquer. Un univers qui n’est pas étranger à la Troma qui a beaucoup donnée dans le genre avec Squeeze Play !, Stuck on You ! et autres The First Turn-On ! Et déjà avec The Toxic Avenger, Lloyd Kaufman détournait ces codes en y injectant une bonne dose de violence, d’humour noir et de monstres difformes. Autant dire qu’il est en terrain connu et de cette manière le film pourrait presque être perçu comme une séquelle tant on y retrouve le même genre de choses. Des acteurs (Pat Ryan, maire corrompu de Tromaville, revient en directeur d’usine tout aussi mauvais, Robert Prichard, voyou psychopathe, est ici le chef des Crétins) aux images (un Nerd pathétique se défenestre) en passant par les péripéties loufoques.

 

 

Les employés de l’usine tombent comme des mouches sur leur lieu de travail ou rangent leur déjeuner dans des container à radioactivité, les mutants suintent un liquide toxique vert qui leur sort même par les oreilles comme dans un dessin animé, et Warren terrasse ses ennemis de façon violente en plongeant son bras bien profond dans une gorge ou en laissant des brûlures chimiques en touchant ses proies (dont une jolie empreinte de main sur un pauvre cou). En état d’excitation il se retrouve avec une érection qui monte jusqu’au plafond, tandis qu’un autre contaminé va littéralement fondre sur place dans ce qui est un des meilleurs effets jamais pondu par la compagnie. Tout ceci est peut-être même un peu trop similaire au film précédent, preuve que la Troma cherchait alors à se réinventer et à créer une image de marque toute de suite identifiable. Peu importe au final puisque la sauce prend plutôt bien et que Class of Nuke ‘Em High gagne énormément en rythme et rebondissements, choses qui faisaient cruellement défaut à un Toxic Avenger encore un peu trop limité.

 

 

La conclusion vaut le coup d’œil puisqu’il reprend à l’identique la dernière partie de Class of 1984 en plus extrême pour finalement dériver vers le monster movie dans les quinze dernières minutes. Dans le chaos général les loubards investissent le lycée en chevauchant des motos avant d’être réduit en charpie dans un déluge de gore par un mutant magnifique. Ce cousin géant de C.H.U.D. traverse un crâne d’un coup de poing, arrache un visage avec ses griffes, projette ses épines de hérisson et utilise même sa longue queue pour perforer des têtes et faire sauter des yeux. Et tant pis si nous ne voyons jamais la bête dans son entier, faute de moyens, car les effets sont particulièrement soignés. En fait jamais la Troma ne fera mieux, livrant ici un véritable film tourné sur pellicule qui sonne particulièrement “vrai” et loin de l’imagerie Z que se trimballe la compagnie. Ajoutons à cela une B.O. rock certes ringarde mais entrainante (qui vole même la vedette au reste du score pourtant réussi) et le bilan est sans appel. Voilà une véritable série B de haut standing qui aura placé la boite bien au-dessus de ses standards habituels.

 

 

Le succès engendra évidemment deux suites particulièrement décevantes puisque ne ressemblant en rien à l’original, et une sorte de reboot en deux parties, Return to Nuke ‘Em High. Lloyd Kaufman tente d’y retrouver l’esprit du premier opus sans y arriver puisque se vautrant dans ses délires habituels, Richard Haines n’étant plus à ses côtés pour redresser la barre. Celui-ci quitta d’ailleurs la compagnie après la sortie du film pour continuer sa carrière et enchaina avec Alien Space Avenger où il retrouva une bonne partie du casting de Class of Nuke ‘Em High. De quoi contredire M. Kaufman qui, dans ses différents livres et interviews, jura que le réalisateur ne s’entendait pas du tout avec son l’équipe et qu’il dû intervenir afin de sauver les meubles. Une façon un peu minable de s’octroyer tout le mérite et de ramener l’attention sur la Troma, mais c’est la dure loi du milieu…

 

 

 

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