Carnage: It’s a Wonderful Life
(1996)
Second one-shot dédié à Carnage après l’excellent Mind Bomb de Warren Ellis, ce It’s a Wonderful Life en constitue un très bon supplément puisqu’il en reprend les thèmes pour les pousser encore plus loin. A la manière du film The Cell, le Dr. Kafka va cette fois s’introduire au sens propre dans le mental détraqué de son patient et se laisser contaminée par sa folie. Quant au graphisme organique de Kyle Hotz, qui faisait des merveilles dans l’opus précédent, il ajoute une touche de continuité bienvenue à l’ensemble.
L’intrigue se déroule plusieurs mois après Mind Bomb et entre temps se sont déroulés les événements de Web of Carnage, dans les pages de Spider-Man, durant lesquels le symbiote a tenté une évasion en utilisant un autre hôte que Kasady. Suite à cela, l’Institut Ravencroft ferme ses portes et voit ses patients et son équipement être transférés, au grand dam du Dr. Kafka et de John Jameson, le chef de la sécurité. Sachant parfaitement quel danger représente Carnage, son déplacement leur apparaît évidemment comme une erreur.
Le personnel, négligeant, est déjà bien vite victime d’un accident avec deux autres patients. C’est le signal d’alarme qui pousse Kafka et Jameson a tenter une toute dernière action contre le monstre. L’idée est de reprendre la technique du Dr. Kurtz (dans Mind Bomb) afin de paralyser tout aussi bien Kasady que son symbiote, neutralisant l’identité de Carnage. Mais ce dernier trouve une parade et projette ses filaments sanglants sur ses geôliers. Une attaque qui n’a rien de physique puisque le symbiote connecte alors les hôtes mentalement, projetant l’esprit de Kafka et Jameson dans celui de Kasady… Welcome to Carnage World !
A partir de là, le scénario perd la notion de structure et ne progresse plus qu’au compte-goutte grâce au personnage de Kafka, qui tente d’analyser l’environnement afin de trouver une façon de contrecarrer les plans de Carnage. Lequel ne semble pas vraiment vouloir les tuer mais plutôt les assimiler à sa psyché. Un sort peu enviable d’autant plus que l’esprit dérangé du serial-killer les contamine petit à petit, au point de les transformer en créatures difformes. Kafka l’avait évoquée au début de l’intrigue: le symbiote est une sorte de virus dont le travail est de supprimer l’Humanité de son hôte, d’où le changement de Kasady en Carnage.
Jameson et sa partenaire vont alors évoluer vers une forme monstrueuse qui va supplanter leur identité s’ils ne se dépêchent de décortiquer le schéma de pensée de Carnage pour en trouver la faille. Jameson, répondant agressivement, régresse vers l’état de loup-garou enragé (une référence à son historique passé). De façon plus amusante, le Dr. Kafka se change petit à petit en cafard géant ! Difficile pourtant de voir Cletus Kasady en amateur de grande littérature ! C’est une véritable course contre la montre qui s’engage, Carnage gagnant la partie si la métamorphose se complète.
Le scénario de David Quinn est malheureusement un peu trop confus pour rendre tout ce récit aussi sympathique qu’il n’en a l’air. La première raison étant l’abondance de dialogues inutiles, notamment les déclarations de Carnage qui certes soulignent sa folie, mais deviennent bien vite redondantes et difficilement supportables. Il ne se passe pas une case sans qu’un personnage ne s’exprime de façon bien trop excessive pour être crédible. Une nuisance renforcé par le fait que très peu de ces paroles possèdent un véritable rapport avec le récit !
La lecture en devient d’autant plus difficile que le scénario ne semble jamais vraiment progresser avant la toute fin. Nous suivons Kafka et Jameson dans l’univers macabre de Carnage, où ils sont constamment assaillis par des visions dantesques (un champ de bataille éternel, Carnage prenant la forme d’une Nécropole vivante !) et Wonderful Life semble finalement n’être qu’une succession de scénettes liées par un fil rouge plutôt qu’une véritable histoire construite.
Reste que tout ceci trouve toutefois une certaine logique puisque se déroulant dans l’esprit de Kasady, où rien n’a de sens. On y trouve pêle-mêle des flash-back et des personnages du passé de Kasady (la mort de ses parents et son ami d’enfance Billy), des fantasmes (Carnage tuant Spider-Man ou se dupliquant pour se tuer lui-même, histoire de passer le temps !) et tout un tas d’autres choses surréalistes qui évoquent inévitablement le croquemitaine Freddy Krueger.
Impossible de ne pas penser à lui tant Carnage lui reprend ses méthodes: contrôle total sur un monde imaginaire, mises à mort absurdes, le rire incessant de Kasady, sans parler de la femme qui se transforme en cafard (voir Freddy 4: Le Cauchemar de Freddy). Quinn a sans doute été très influencé et l’idée de modifier l’image du super-vilain banal pour en faire une incarnation cauchemardesque est très louable. Dommage que le reste ne suive pas.
Il serait cependant injuste de discréditer complètement ce one-shot. Carnage se révèle être un adversaire très menaçant et la perspective d’être coincé dans son esprit malade est proprement effrayante (bien plus que la simple idée d’être tué). Quinn prend soin d’évoquer un grand nombre de détails provenant d’histoires antérieur du personnage (l’enfance de Kasady et jusqu’à cette connerie de voyage à travers l’Ethernet !) et offre une imagerie incroyable à son histoire: Carnage se faufilant dans tout l’asile à travers la tuyauterie, sa cellule qui ressemble plus à un laboratoire du Dr. Frankenstein, le carcan type torture médiévale dans lequel il est bloqué…
Une fois encore tout cela est amplement rehaussé par les traits de Kyle Hotz qui offrent un aspect unique à l’ensemble, au point qu’on peut clairement affirmer que Wonderful Life ne serait pas aussi bon sans lui.
Ma chronique est officiellement terminé puisque je n’ai plus rien à ajouter, cependant je ne peux pas conclure sans évoquer deux éléments très surprenant de l’Insitut Ravencroft qui me font me poser quelques questions sur sa gestion quotidienne (oui, même au sein de l’univers Marvel). Premièrement la présence de grilles de protection dans toute la plomberie du bâtiment, afin d’empêcher Carnage de s’enfuir. Le symbiote étant sensible au son, la sécurité a donc installé des grilles à micro-ondes dans le moindre canal de l’établissement. Même dans les fils électriques ! Je serais vraiment curieux de savoir comment une telle installation se réalise et fonctionne…
Enfin il faut noter l’apparition furtive de deux patientes, jusqu’ici inconnues au bataillon des personnages Marvel: une certaine Razorwine (hommage évident de Quinn au personnage de Razor, anti-héroïne de London Night Studios) et… Wolverina ! Comment un tel personnage a t-il pu ne pas être réemployé par la suite, franchement ?! Rrrr !
• La version française est disponible dans Le Magazine Marvel #18 (juillet 1998), sous le titre de Carnage: C’est Chouette la Vie !
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