Body Weapon
(1999)
“Let’s play human sandwich !”
Pour tout amateur de cinéma Bis hong-kongais, Jing Wong est une valeur sûre du cinéma d’exploitation, un prolifique producteur de près de deux cents films et réalisateur de plus d’une centaine. On retrouve son nom dans quelques grands titres classés category III comme A Chinese Torture Chamber Story ou The Underground Banker, et il est l’auteur de la longue série des God of Gamblers ainsi que de Future Cops, adaptation bootleg de Street Fighter II sortie un an avant celle d’Hollywood. Mais surtout il est le créateur de Naked Killer et Raped by an Angel, deux monuments du genre dont la réputation n’est plus à faire, même si le résultat est loin d’être aussi scabreux qu’on l’imagine. Avec Body Weapon (ou 原始武器, qui se traduit théoriquement par primitive ou original Weapon, ou encore raw et wild, la logique étant que le corps d’une femme est une arme naturelle utilisée depuis toujours pour séduire et tromper), il produit ce qui semble être a priori une œuvre similaire.
En réalité il n’est pas vraiment question d’une femme fatale usant de ses charmes pour dessouder quelques violeurs, et d’ailleurs le film n’est même pas un category III mais un IIB, la note juste en-dessous qui déconseille simplement la chose aux plus jeunes. Cela signifie qu’il y a moins de sexe et de violence dans cet opus, finalement plus proche d’un film “normal” que ses aînés malgré qu’il s’agisse d’un rape and revenge. Un choix étrange, d’autant plus que le réalisateur choisi, Aman Chang, est surtout connu pour ses fresques coquines ou érotiques avec notamment Raped by an Angel 2 et 3 et Sex Zen III. Quoiqu’il en soit cela n’est pas sans avoir un impact négatif sur le résultat, la plus grosse partie du scénario se concentrant finalement sur un triangle amoureux plutôt que sur les mésaventures sanglantes ou sexy attendues. Ça commençait plutôt bien pourtant, avec ce couple interrompu en pleine partie de jambes en l’air par un trio de voyous dont le leader porte une cagoule en cuir lui donnant des airs de luchadore.
L’homme est sodomisé avec des pièces de monnaies (!) et battu à mort tandis que sa copine est contrainte de séduire le chef malgré sa peur panique. Peu émoustillé malgré ses efforts, il la refile à ses hommes qui vont la violer puis l’assassiner, lui refilant même une MST au passage. Durant l’enquête, le médecin légiste n’hésite pas à exprimer son opinion professionnelle: “I believe that the killer is crazy and gay”. Nous voilà bien partis. Hélas une fois passée cette introduction, Body Weapon s’intéresse surtout aux relations amicales et amoureuses de ses protagonistes, un trio de flics enquêtant justement sur l’affaire. Ainsi la belle Siu-Ling, qui passe son temps à flirter avec ses collègues, les inspecteurs Chi-Kwan et Lee, commence à se faire une mauvaise réputation de playgirl au point que son supérieur lui ordonne plus ou moins de se marier avec l’un d’eux histoire d’en finir. Pas évident pour elle, mais encore moins pour les messieurs qui sont comme frères et reconnaissent être en compétition pour gagner son cœur.
La demoiselle décide de prendre sa décision, et puisque Chi-Kwan est trop occupé à s’entrainer pour représenter la police hong-kongaise dans un tournoi des arts martiaux, elle fini dans les bras de l’autre. C’est là que nos trois violeurs reviennent, s’attaquant au jeune couple qui n’a pas l’opportunité de se défendre: Lee est tué et Siu-Ling se fait violer, se retrouvant contaminée par l’un de ses assaillants. Alors que Chi-Kwan jure de retrouver les coupables, la jeune femme va décider de se faire justice elle-même, trouvant conseil auprès d’un excentrique homosexuel qui va lui apprendre à se servir de son corps pour séduire ses proies. Il va aussi lui révéler la technique secrète pour neutraliser un homme d’un seul coup: en visant son point G, qui se situerait juste derrière ses testicules. Cela nous vaut un amusant montage où l’héroïne, en talons hauts, doit frapper précisément une petite gommette collée sur un melon, une orange puis un œuf, ce qui est loin d’être facile.
On pourra quand même se demander pourquoi elle s’embarrasse de précision puisqu’un coup bien placé dans les parties aurait le même résultat, mais c’est l’habituelle extravagance du cinéma d’exploitation chinois. En revanche le soucis vient du fait que tout ceci met bien trop longtemps à décoller et il faut attendre 65 minutes pour qu’enfin la vengeance commence. Le résultat est malheureusement décevant puisque Siu-Ling est n’est pas très douée et se fait aussitôt découvrir par les malfrats, nécessitant l’intervention du brave Chi-Kwan pour la sortir du pétrin. Oh, elle réussi bien à pourfendre l’un de ses agresseurs, mais le reste du film prend des allures de film d’action traditionnel avec un duo œuvrant de concert en utilisant les arts martiaux plutôt qu’un slasher féministe. La conclusion du film et la défaite du gang des violeurs passent justement par une série de bagarres dynamiques mais génériques qui éloignent donc définitivement ce Body Weapon de Raped by an Angel.
Tout n’est pas à jeté pour autant et on peut citer quelques éléments divertissant, a commencer par ce plan d’un œuf éclatant dès que l’héroïne parvient à sortir son coup spécial. Les combats sont sacrément bien chorégraphié, foutant la honte à tout ce que Hollywood considère être une scène d’action à notre époque, et un duel devient franchement original lorsque le corps d’un pendu est utilisé comme un bouclier par l’un des combattants qui va ensuite l’utiliser comme une marionnette pour donner des coups ! Le film est plutôt chiche en violence mais quelques éclats de brutalité subsistent, comme ce pied quasi sectionné lorsqu’un corps est enfermé dans un coffre de voiture alors que sa jambe dépasse. L’héroïne éclate la tête d’un violeur avec une porte coulissante et poignarde un autre à mort à l’aide d’une grosse broche à rôtir, la séquence passant subitement au noir et blanc comme pour atténuer l’impact des jets de sang.
Finalement la chose la plus horrible du film reste la maladie de l’héroïne, évoquée très crûment par le médecin et la contraignant à un traitement médicale humiliant et probablement douloureux puisqu’il inclut l’injection d’un produit chimique dans le vagin. Il convient aussi de mentionner cette demoiselle très remontée qui menace de sodomiser avec une chaise de bar l’homosexuel qui lui a piqué son copain. Question érotisme il n’y pas grand chose à trouver non plus, la classification ne permettant pas d’en faire trop, et hormis une poitrine dénudée durant le gangrape d’introduction, il faudra se contenter de tenues affriolantes et de lingerie, l’héroïne cachant pudiquement ses seins même lorsqu’elle tente de séduire ses proies. Pas tellement un problème puisqu’il s’agit là de la jolie Angie Cheung (vue dans Raped by an Angel III et plusieurs comédies sexy) dont le physique agréable se suffit à lui-même, mais dommage quand même car l’actrice n’a pas hésitée à se déshabiller complètement pour le rôle, la caméra esquivant alors son corps pour éviter tout problème avec la censure…
On se rattrapera avec le reste du casting, plutôt divertissant, à commencer par Vincent Zhao dans le rôle de Chi-Kwan, interprète récurrent de Wong Fei-Hung à travers un tas de films et séries télé dont Il Etait une Fois en Chine 4 et 5. A ses côtés le vétéran Elvis Tsui, dont on a pu voir la silhouette colossale aussi bien dans du “vrai” cinéma (L’Auberge du Dragon, City on Fire, The Grandmaster) que dans un tas de séries B (A Chinese Torture Chamber Story, The Eternal Evil of Asia, la trilogie Sex and Zen). La scène où Siu-Ling découvre avec stupéfaction que son personnage est gay, à la toute fin du film, alors que cela paraissait être une évidence, reste l’un des meilleurs moments de ce Body Weapon. Stephen Au, vu dans le Forbidden City Cop de Stephen Chow et dans Bloody Friday avec Simon Yam, vient compléter tout ça, et on peut compter sur les apparitions mineurs de Pinky Cheung (Raped by an Angel 3 et 5, le Violent Cop de Takeshi Kitano) et de Clarence Fok, le réalisateur de Naked Killer, dans le rôle de l’homo dandy qui entraine l’héroïne.
Cette belle équipe ne suffit pas à faire monter la sauce cependant, et Body Weapon aurait vraiment bénéficié a avoir été tournée en vu d’un classement en category III. Jamais vraiment subversif, jamais vraiment provocant, le film gâche même certains concepts qu’il introduit pour ne jamais les utiliser, comme la MST de l’héroïne qui ne sert à rien d’autre que rendre son sort encore plus misérable qu’il ne l’est déjà. Tout le contraire de Raped by an Angel, qui lui n’hésitait pas à utiliser le SIDA comme arme ultime contre l’antagoniste. Le scénario s’enlise dans le triangle amoureux trop longtemps et le milieu de l’histoire prend un gros coup de mou que le réalisateur tente de dynamiser à l’aide d’une mise en scène stylisée, avec cadrages travaillés et jeux de lumières ou de couleurs afin de créer une atmosphère, mais il se perd parfois dans un montage de vidéoclip à la MTV comme cela fut à la mode à la toutes fins des années 90 après la sortie de Matrix. Mais bon, il essaie au moins, ce qu’il ne fera pas toujours par la suite.
Aman Chang enchainera ensuite sur le plutôt oubliable Fist Power, toujours avec Vincent Zhao et le génial Anthony Wong, finalement l’étape suivante logique dans le passage du cinéma de genre crado à celui d’un cinéma plus traditionnel et respectable mais peut-être aussi plus générique et ennuyeux.
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