Boa (2001) | New Alcatraz

 

Boa

(2001)

 

 

Ouhlala, Boa. Par où commencer ? Peut-être par les origines. En 1997 sort sur les écrans Anaconda de Luis Llosa, qui relance quelque peu le film de serpents géants dans les vidéoclubs via diverses petites compagnies. Le King Cobra des frangins Hillenbrand, par exemple, faisant s’affronter un gros reptile et Pat Morita, le Monsieur Miyagi des Karate Kid. Et surtout Python, où l’on retrouvait Robert Englund, Caspier Van Dien et William Zabka, une autre star des Karate Kid, contre un serpent gigantesque. On peut s’amuser des similarités puisque deux acteurs d’un même film se retrouvent à lutter contre un même monstre (un serpent génétiquement modifié, quoique Python changera son script en cours de route et évitera alors de donner une véritable origine à sa créature) et il faut constater qu’en dépit des limitations, les responsables s’amusaient pas mal. Dans l’un, le cobra joue les voyeurs avant d’attaquer un couple sur le point de s’envoyer en l’air. Dans l’autre, le python s’introduit dans la salle de bain d’une jeune femme sous la douche qui tente de le repousser avec un canard en plastique. Quant Pat Morita fait du Tai Chi devant sa bestiole, Casper Van Dien refait Predator avec la sienne en portant une pornstache ridicule. Les films n’étaient évidemment pas bon, mais une bonne ambiance émanaient d’eux et permettait de fermer les yeux sur les longueurs, les mauvais acteurs et les effets spéciaux mal foutus (animatroniques rigides pour King Cobra contre CGI primitifs et illisibles dans Python).

 

 

Et bien tout cela changea par la suite avec Boa, la “suite” (thématique) de Python, qui préfère le premier degré mortifère et refuse d’amuser la galerie avec des idées stupides. Son serpent géant il le préfère aussi banal que possible, juste assez gros pour justifier son côté monstrueux, et son intrigue décalque les grandes lignes d’Aliens afin de livrer un produit parfaitement calibré pour tous les standards. Triste, mais telle est la décision de Phillip J. Roth, vétéran de la série B des fonds de tiroir (A.P.E.X., Digital Man, Interceptor Force) et déjà scénariste de Python premier du nom. Cette fois-ci, non seulement il écrit le film mais il s’installe aussi derrière la caméra, sous doute pour s’éviter quelques problèmes de tournage comme la dernière fois (des animatroniques construits mais pas utilisés dans le produit final, le CGI permettant de tourner plus vite, des réécritures modifiant une fin trop compliquée où le serpent devait périr dans une explosion) et emballer le tout assez vite pour respecter un agenda que l’on imagine chargé. Car en gros, UFO International Productions est en contrat avec les chaines télés et doit fournir plusieurs produits à l’année afin de remplir leurs grilles de programme – il n’y a pas de temps à perdre, surtout que le rival Nu Image surfait sur la même vague animalière avec ses Crocodile, Octopus et Spiders. L’heure n’est pas à l’amusement !

 

 

Et c’est dommage car le point de départ ne manquait pas d’originalité, mêlant le film de monstre avec celui d’évasion de prison haute-sécurité. Ainsi le prologue nous explique que tous les grands leaders du monde ont approuvés la construction d’un pénitencier spécial dans le Pôle Sud, afin d’y abandonner leurs criminels les plus dangereux. Un Guantánamo secret et international qui pourra intégrer près de 25.000 détenus lorsqu’il sera opérationnel. Ce bâtiment high-tech porte le nom de New Alcatraz et va bientôt ouvrir ses portes, même si cela nécessite encore quelques travaux de forage. Mais alors que les premiers prisonniers font leur entrée, une anomalie est détectée dans la roche: une poche creuse et remplie de gaz, dont la perforation peut s’avérer dangereuse. Ne pouvant se permettre de retard, le directeur ordonne la percée et l’équipe met à jour une caverne contenant un spécimen unique de serpent préhistorique et gigantesque. Une créature, certainement en hibernation et réveillée par les travaux, qui s’infiltre alors dans les souterrains de la prison et commence à attaquer tout ce qui bouge. Ne pouvant gérer la situation avec une équipe réduite, le personnel de la prison contact l’extérieur et attend des secours qui doivent arriver sous la forme d’une escouade militaire surentrainée et de paléontologistes experts en serpents.

 

 

Boa ne faisant montre d’aucune originalité, son histoire va suivre un sentier bien connu du film de monstre: l’imitation d’Aliens. New Alcatraz est évidemment la colonie d’Acheron, la menace reptile fait office de Xénomorphes, un couple de consultants se retrouve à devoir agir pour sauver tout le monde à la manière de Ripley, et les troufions traquant la bête dans les couloirs vont vite se faire exterminer comme les Space Marines lors de leur excursion dans Hadley’s Hope. Plusieurs rôles et situations sont reprit à l’identique, tel le directeur de prison se prenant pour l’inefficace Lieutenant Gorman, suivant ses hommes depuis une série de moniteur, et une tueuse de l’IRA faisant office de Vasquez qui préfèrera une mort par les armes plutôt que par le monstre. La dernière partie montre les survivants déambuler dans les nombreuses zones de New Alcatraz en tâchant de remonter à la surface, reprenant la fuite des personnages d’Aliens après l’attaque de leur dernier refuge, et jusqu’au final montrant l’avion de sauvetage être prit d’assaut en plein vol par le Boa qui fait une apparition surprise dans la soute. De quoi refaire l’ultime confrontation avec la Reine dans le Sulaco, ce qui inclut l’expulsion du monstre par le sas…

 

 

Mentionnons pour la forme l’utilisation de détecteurs de mouvements par les soldats, un échangeur de chaleur faisant office de processeur atmosphérique et rendant dangereux l’utilisation d’armes (bon point: ici cela explose bel et bien, permettant la disparition de tout un tas de figurant et personnages secondaires trop encombrants) et l’héroïne parfaitement inutile, sorte de Newt de dernière minute lorsque, après avoir disparue pendant une bonne partie du film, elle revient sur la fin en guise de demoiselle à secourir. Oh, et l’embout perforant de la queue du serpent empale un malheureux et ressort au niveau de la poitrine, faisant office de Chestbuster. Mais pas de garde-manger du monstre en guise de Ruche, pas de véhicule de chantier pour remplacer le Power Loader (alors que la foreuse géante aurait été parfaite !), pas de super-flingue ou de drone, ni de traitre ayant son propre objectif au-delà de la mission de sauvetage. En bref, tout ce qui aurait pu être fun a été supprimé ! A la place, Boa se retrouve avec les poncifs du genre comme les protagonistes stupides n’écoutant jamais la voix de la raison, les fusillades mollassonnes qui s’éternisent, les dialogues stériles faisant du remplissage et le recyclage des mêmes couloirs encore et encore… De quoi gagner en temps précieux sur le tournage puisque ce qui a été conservé était sans doute le plus simple à mettre en boite.

 

 

Avec un tel état d’esprit, il ne faut pas s’attendre à des miracles et effectivement le résultat final est extrêmement pauvre en action, suspense, horreur, péripéties quelconques et retournements de situation. Tout au plus est-on surpris de voir a quel point le script tient à ses “héros”, un couple transparent dont l’inutilité apparait assez vite (des experts que personne n’écoute et qui ne distillent que deux ou trois conseils durant tout le film) mais qu’il semble important de faire survivre et de réunir au final. Si le mari fait tout de même office d’Action Man du pauvre lorsque la situation empire, sa compagne est attaquée et laissée pour morte avant de revenir comme une fleur. Pas d’explications, pas de logiques, il faut simplement accepter sa survie et le fait qu’elle vole une place de survivant à quelqu’un d’autre, juste respecter un standard conforme aux normes de ce type de production. Le film se révèle également décevant dans l’exécution de son concept de base, dans le sens où… il ne l’utilise pas. L’idée était que détenus et personnel du pénitenciers doivent s’allier pour survivre et tâcher de s’évader de ce qui est décrit comme la prison la plus sécurisée du monde. Un personnage détenteur de l’unique carte d’accès précise même que sans lui, personne ne peut théoriquement sortir de New Alcatraz, son inévitable mort bloquant tout le monde dans le bâtiment.

 

 

Hélas aucun personnage ne monte de plan, aucune compétence des détenues n’est utilisée (un hackeur, un chimiste, une spécialiste en explosif) et ce qui aurait pu être un amusant film d’équipe à la Ocean’s Eleven ou Fast & Furious avec un gros monstre comme adversaire se borne aux stéréotypes habituels de film de couloirs. Pas même d’obstacles, de portes bloquées, de menace d’explosions ou quoique ce soit. C’est à se demander comment les personnes s’y prennent pour ne pas survivre ! Le plus incroyable étant que le facteur humain n’entre même pas en jeu: alors qu’on aurait pu s’attendre à des trahisons en pagailles, des luttes internes entre les différents personnages, ou même un dernier acte empruntant à Die Hard, les soit-disant grands criminels du monde se trouvent être totalement réglo, voir même héroïque. Une exception tente effectivement de s’échapper avant les autres, réaction qui ne semble pas avoir de sens puisque l’on parle du Nerd du groupe, mais globalement on a rarement vu plus sage. Mention spéciale à Yuri Breschkov, antagoniste supposé mais en réalité véritable star du film ! Terroriste Tchétchène ayant acheté des armes nucléaires pour protéger son pays des USA et de la Russie, il se révèle surtout être un révolutionnaire idéaliste et fait preuve de plus de courage et d’intelligence que le soit-disant héros du film, au point de lui sauver carrément la mise et d’être celui qui trouve comment se débarrasser du serpent !

 

 

Puisque Boa ne compte pas nous divertir véritablement, le personnage est éliminé à quelques secondes seulement du générique de fin. Une sorte de “fuck you” au public qui ne peut que se ranger derrière lui pendant le film. De toute manière on imagine mal le réalisateur expliquer à ses employeurs pourquoi un soldat Tchétchène s’en sortirai au même titre qu’un joli couple américain totalement innocent. Mais le mal est fait et Boa se termine sur une sale note. D’ailleurs le film ne tente même pas de se rattraper ou d’offrir un épilogue convenable: aussitôt Yuri balancé hors de l’avion avec le reptile, et après un dernier moment offert aux heureux élus survivants, le rideau tombe. Générique de fin, vous pouvez changer de chaine. Et tant pis si le monstre, lui, n’est pas mort ! Une décision sûrement prise pour faciliter l’écriture d’une possible séquelle (qui ne verra jamais le jour en tant que telle), mais pour le moins surprenante. Et donc, alors que les protagonistes en plein vol parviennent à éjecter la bête préhistorique hors du véhicule, un petit parachute s’ouvre automatiquement, lui permettant de ne pas faire une chute mortelle. Certains diront que cela n’a pas d’importance puisque le Boa se retrouve perdu au beau milieu de l’Antarctique sans grandes chances de survie, mais je leur rappellerai que celui-ci a survécu dans le froid depuis des millions d’années sans rien avoir à manger. Se frayer un chemin jusqu’à l’autre bout du continent ne devrait être qu’une partie de plaisir pour lui…

 

 

Il faut dire que la bête est rapide et puissante, capable à elle seule de détruire des blocs de glace qui demandent l’utilisation de tout un système de forage pour nous autre humains. Une manière d’amener son omniprésence au sein de New Alcatraz, puisque, là où gardes et détenus doivent gérer des murs et des portes, le serpent peut se contenter de faire des trous pour passer là où il veut. Une idée là encore apportée mais pas utilisée puisque l’animal se contente souvent d’apparaitre d’un claquement de doigt, comme si personne n’était foutu voir un monstre de 25 mètres (un peu plus de 80 pieds) caché dans les parages. En fait Phillip Roth semble se moquer éperdument de sa créature, qui perd en capacités par rapport à son grand frère Python. Si ce dernier était plus grand (129 pieds), capable de cracher son venin, d’utiliser sa queue pour trancher ses proies, de voir dans le noir, de muer en cours de film ou encore de régurgiter ses repas, Boa ne possède rien d’autre qu’une queue dont l’embout ressemble à une sorte de lance. D’ailleurs la même manière que Python n’était pas un véritable python, Boa n’est pas du tout un boa et ne possède pas sa façon particulière d’opérer. On peut lui trouver des crochets, qui n’ont pas lieux d’être, il est capable de grogner à la façon des requins de Nu Image et s’attaque aux humains comme le ferait un simple chien.

 

 

Les scientifiques le décrivent comme un possible « chainon manquant » et l’appellation Serpuca Largas est utilisée , mais il est clair que le créateur voulait juste un serpent géant, une image à placarder sur les affiches, sans s’amuser avec l’idée. Remplacez la chose par un extraterrestre carnivore déterré des glaces, ou un criminel mutant sur lequel on aurait fait des expériences, et vous obtiendrez exactement le même film. Le terme « boa » n’est pas employé de tout le film et il apparait clair qu’il fut inventé au dernier moment pour la sortie DVD du film, afin de lui donner de meilleure chance au rayon Horreur que celui de Science-Fiction (la preuve: le titre alternatif est New Alcatraz). Un mensonge, plutôt raccord avec l’opus précédent en fait, qui mentionnait sur son résumé les caractéristiques de l’ancien serpent, celui du script original, avant les changements apportés en cours de tournage. Reste deux petites scènes d’attaque qui ravivent un peu l’attention spectateur. L’assaut dans le gigantesque hall à colonnes, où la bête navigue en hauteur de piliers en piliers, traquant à toute vitesse un petit groupe de personne, et la confrontation finale dans l’avion avec la porte arrière ouverte. Les héros doivent esquiver ses attaques sans glisser sous peine de tomber dans le vide, ce qui rajoute un brin de tension à ce final pourtant torché. En conclusion, Boa se montre volontairement moins ambitieux que ses grands frères et dévoile bien moins sa créature – tant en durée que visuellement, puisque le monteur a baissé la luminosité pour faire en sorte que les CGI ne soient pas trop apparents.

 

 

Ses co-stars humains sont pratiquement logés à la même enseigne, puisque la plupart des gros noms employés se retrouvent avec un temps de présence réduit et bien peu à faire. A commencer par Craig Wasson, inoubliable héros de Body Double et vu dans Freddy 3, qui tient le rôle du directeur de New Alcatraz. A priori une peau de vache qui promet de bons moments, mais qui reste finalement très en retrait avant de se faire éjecter du film comme un malpropre. La même année, il apparaissait dans Epoch, toujours par UFO: un moment de perdition dans sa carrière… Son bras droit, le badass Sgt. Quinn, est joué par le non moins badass Grand L. Bush, partenaire de Robert Davi dans Die Hard où il était l’Agent Johson (non, l’autre Johnson !). Ici il a beau jouer les durs et avoir l’air impressionnant, il ne fait finalement que se plaindre durant tout le film avant d’être lui aussi exécuté d’une manière peu satisfaisante. D’ailleurs l’acteur prendra sa retraite peu après. La vedette du film, c’est l’inoubliable Dean Cain, alias Superman de l’époque de la série Lois & Clark. Un type sympa, même s’il n’est pas ici à son avantage puisque le script ne lui laisse rien faire. Pas même jouer l’expert qu’il est censé être, ni sauver sa femme comme tout héros qui se respecte. Il attend simplement que les choses se passent et il n’y a rien de pire pour le spectateur. C’est encore une fois Yuri qui sauve la mise grâce à son interprète, Mark Sheppard, qui fut l’inoubliable pyromane Cecil L’Ively dans X-Files, où il contrôlait ses propres flammes. Bien plus vivant que ses camarades, l’acteur brille grâce à un personnage original qui échappe au lissage usiné, opéré par Phillip Roth.

 

 

Boa ne sera pas un succès, loin de là, au point qu’un véritable Python 2 fut ensuite produit comme pour l’ignorer. Un quasi remake de Boa en fait, avec cette même idée d’un couple de spécialistes engagé par la CIA et intégré dans une unité de combats, traquant le serpent géant dans des cavernes. La même chose en moins bien – croyez-le ou non ! – puisque sans décors futuriste, sans guest-stars improbables, sans personnages attachants et avec ce même d’affront de tuer au dernier moment l’unique protagoniste derrière lequel on pourrait se ranger (en l’occurrence William Zabka). Sans conteste le pire film de la série, réunissant tous les défauts de ses prédécesseurs mais sans aucun de leurs (minuscules) points forts. C’est presque un miracle que l’ultime opus, Boa vs. Python, qui n’est pas vraiment une suite à l’un ni à l’autre, s’en sort avec les honneurs. La franchise y fait marche arrière et retrouve cet esprit de série B fun et décomplexée dont elle possédait les graines: les serpents y sont de couleurs fluo, préfère baiser à leur première rencontre plutôt que de se taper dessus, les filles y jouent de leur charme et on y trouve même des Luchadores ! Autant de choses autrement plus intéressantes que dans tout Boa et Python 2 réuni…

 

 

 

   

2 comments to Boa (2001) | New Alcatraz

  • Rigs Mordo Rigs Mordo  says:

    Les prods UFO… J’avais pas trouvé Python 1 dégueu, le 2 c’était déjà autre-chose… Boa vs Python, peu de souvenir si ce n’est le cuni et le combat final dans le métro (si je me souviens bien…). Pas vu Boa mais j’avais vu une critique vidéo sur je ne sais plus quelle chaîne, et je m’étais dit que ça ne devait pas valoir tripette. Belle chro en tout cas, qui permet de faire l’impasse sur le film lol

    • Adrien Vaillant Adrien Vaillant  says:

      Boa vs. Python c’est con-con hein, mais par rapport à ce qu’ils font d’habitude c’était fendard et bourré de petits trucs. J’en parlerai un jour.

      Python 2 étant le pire, t’es blindé pour le reste de toute façon.

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