Bloodfist
(1989)
Saga emblématique des années vidéoclub s’il en est, Bloodfist aura plus construit sa réputation sur le dos de ses innombrables suites que sur la qualité de son premier opus, correcte mais pas extraordinaire malgré la présence de nombreuses stars des arts-martiaux au générique pour assurer les combats. Cela aura au moins permis de lancer la carrière de la star vedette, Don “The Dragon” Wilson, véritable champion du monde de kickboxing à l’époque. Production Roger Corman délocalisée aux Philipines, le film n’est étonnament pas réalisé par Cirio H. Santiago mais par Terence H. Winkless, qui venait juste de faire ses preuves avec l’excellent The Nest. Hélas pour lui le manque de budget alloué ne lui permet pas de faire des miracles cette fois et la mise en scène demeure généralement plate malgré quelques cadrages inventifs par endroits, et ce alors plutôt du côté du scénario qu’il faudra se tourner pour rehausser l’intérêt du film. Signé Robert King (créateur de la série populaire The Good Wife), le script détourne l’intrigue exigée par le producteur – reprendre la trame de Bloodsport sorti l’année précédente – et livre une sorte de whodunit à la révélation finale peu conventionnelle.
Le point de départ évoque celui de Kickboxer, toujours avec JCVD et d’ailleur projeté en salles à peu près en même temps: le jeune Jake Raye, petit boxer sans ambition, apprend la mort de son champion de frère à Manille et se rend au pays pour enquêter sur l’affaire. Il s’avère que celui-ci a été assassiné après un match dont il fut vainqueur, peut-être pour une sombre histoire de paris. En manque de suspects, notre héros est vite accosté par un mystérieux vieillard qui en sait long sur le tournois clandestin auquel participait le défunt et lui garantit que le coupable se trouve parmi les compétiteurs. Il l’entraine alors afin de se mesure à chacun d’eux et démasquer le meurtrier, mais Jake questionne son envie de vengeance, préférant plutôt prendre du bon temps avec son nouveau meilleur ami, un kickboxer immature mais sympathique, et sa sœur stripteaseuse dont il tombe amoureux. Autant dire que l’image du vieux maitre en prend un coup tant le personnage se montre peu honorable: autoritaire, évasif, manipulateur… Tous les indices sont là, mais le stéréotype est si connu que beaucoup les ignoreront, ne pensant pas une seule seconde que l’histoire puisse sortir des sentiers battus.
Mais du coup c’est le championnat lui-même qui passe en second plan, le protagoniste n’y entrant que tardivement. Les combats sont finalement peu nombreux, plutôt basiques, et l’absence de moyen ne permet aucun éclat dans la présentation générale. Dommage puisqu’il y avait du potentiel: au lieu du Kumite nous avons le Ta-Chang, dont les origines sont toutes sauf vénérables. Si l’évènement existe depuis de nombreuses années, il n’a rien d’ancestral et fut inventé par l’organisation secrète The Red Fist (ou Red Fists d’après les affiches conçuent par l’équipe locale dont l’anglais ne devait pas être excellent) non pas par amour du combat mais pour celui de l’argent. Un club pour riches en gros, illégal mais sans pour autant être un repaire criminel, qui abrite une galerie de combattants haute en couleur: il y a celui qui a un serpent tatoué sur la moitié du visage, celui qui écoute de la musique en pleine action pour se faire monter l’adrénaline, le colosse défiguré lros de la guerre du Vietnam qui tue ses adversaires et bouffe des cafards, et rien de moins qu’un jeune Billy Blanks dont le personnage se nomme Black Rose. Si seulement le script avait passé un peu plus de temps avec eux, cela aurait rendu les choses beaucoup plus fun.
Car on s’y ennui un peu dans ce Bloodfist, malgré l’incroyable paysage que le réalisateur exploite autant que possible (nous sommes dans le district de Binondo, aussi connu comme le Chinatown de Manille) et quelques idées sympathiques. Don Wilson tire la tronche et rechigne à se battre, son énigmatique allié planifie tellement les choses qu’il n’amuse guère et l’héroïne ne cache pas son mécontentement à propos de la violence dans laquelle s’engagent son copain et son frangin. Quelques éléments amusants surnagent comme cette gentille serveuse sauvée du viol par le sidekick comique, qui n’a de cesse de le stalker pour lui prouver sa reconnaissance et son attirance à défaut de pouvoir parler anglais, ou lorsque l’entraineur échange la mixtape du guerrier musical avec une cassette de leçon de filipino pour saborder sa concentration, mais l’ambiance est rarement à la déconne. Elle devient même carrément sombre vers la fin, entre le camarade qui décède de lésions cérébrales après un dur combat et la vengeance de sa compagne, qui débarque en plein match avec un flingue pour abattre le responsable que ce gros nigaud de Jake va naïvement sauver, condamnant indirectement la malheureuse qui se prend un méchant coup en représaille.
Malgré tout cette atmosphère limite déprimante permet à Bloodfist de forger sa propre identité et de se démarquer de la concurrence. Et puis l’ambiance série B demeure au beau fixe grâce à quelques trouvailles et bizarreries. The Dragon refait le coup de pied à l’ampoule de Bruce Lee, mais si près d’une actrice que l’angle de caméra donne l’impression que c’est elle qu’il tente de frapper. Des excès de violence inattendus surgissent parfois, avec une boucle d’oreille arrachée au terme d’un combat et ce type empalé contre une grille en fer forgé, et l’actrice principale danse en justaucorps sur les toits et dénude ses seins pour emballer Don Wilson. Les rangs officiels des artistes martiaux engagés pour le film apparaissent à côté de leurs noms au générique et la petite montagne sur laquelle Jake fait son footing s’avère être un véritable volcan qui était carrément actif durant le tournage ! Un vieil aveugle supervise le tournois façon Shang Tsung et un concept jamais exploitée reposait sur le fait que le héros n’a qu’un rein, ayant donné l’autre à son frère par solidarité, et le légendaire Vic Diaz apparaît le temps de deux petites scènes. Il faut le voir ouvrir un meuble vulgaire pour en sortir une urne parmi d’autres et la présenter au Dragon comme la dépouille de son proche.
Moins connu est Joe Mari Avellana dans le rôle de l’entraineur, acteur ayant majoritairement fait carrière chez Cirio H. Santiago (Caged Fury, Death Force, Silk, Wheels of Fire, la liste est longue). Tout comme Don Wilson, il revint lui aussi pour la suite, Bloodfist II, mais dans un tout autre rôle. Le film engendra quant à lui un remake officieux (un Full Contact qui n’est ni celui de JCVD ni celui de Chow Yun-Fat) et un officiel (Dragon Fire, qui se déroule dans un futur dystopien), une déclinaison féminine (Angelfist) et pas moins de huit suites dont seule la première à un lien direct avec l’original. Les autres sont de simples actioners souvent très générique avec le Dragon dans le rôle principal. Exception faite de Bloodfist 2050 qui ramène plutôt Joe Mari Avellana le temps d’une brêve apparition et repompe carrément Dragon Fire en déplaçant l’intrigue dans un monde post-apocalyptique. Oui, vous avez bien lu, le remake d’un remake. Comme le chantait le jingle d’antant, ça se passe comme ça chez McCorman’s !
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