B-Movie Posters, Volume 1
(2017)
Il me semble inutile de revenir sur les origines de cet ouvrage, pour la simple et bonne raison que la plupart des lecteurs les ont vécues à travers les réseau sociaux en ayant son auteur, Damien Granger, dans leur contact. Qui plus est la naissance de B-Movie Posters est retracée dans l’introduction du livre, aussi cela ne sert à rien de synthétiser un texte qui fait déjà très bien le boulot.
Mais pour la forme rappelons que le projet a connu différentes étapes avant d’obtenir sa version définitive. En soit on peut dire que la page Facebook du journaliste en est un prototype, puisqu’il y balançait déjà d’extraordinaires flyers et pré-affiches, accompagnés de quelques informations et anecdotes. Vint ensuite la première mouture sous forme de fichiers PDF, la plupart gratuit mais dont quelques uns furent payant, pour une somme dérisoire. Enfin le projet fut d’abord proposé sur une plateforme de financement, échouant par manque de soutien.
Cela permis à l’écrivain de revoir son idée, de la perfectionner pour la proposer à nouveau via un autre site et atteindre son objectif. Et il me faut avouer qu’entre cette dernière étape et les PDF, je me suis un temps interrogé sur l’utilité d’un tel projet.
Pas de critiques directes envers M. Granger, seulement étant donné l’illustre passée du bonhomme (redac chef de Mad Movies durant une de ses meilleurs périodes), cela me paraissait presque en-dessous de lui. Trop limité, trop simple. Il faut dire que la série B, la vraie, est malheureusement très peu représenté dans notre pays et même les Bisseux et la presse spécialisée préfèrent généralement se rabattre sur une version plus soignée, artistique, intello ou friqué du genre. Plus “cinéma” et plus réussit en gros, et aucun reproche à cela car tout le monde n’a pas nécessairement envie d’encenser des trucs comme Violent Shit II ou Puppet Master 5 à longueur de temps. Et donc, alors que Damien Granger est l’homme de la situation pour créer l’ouvrage de référence en la matière, ou du moins être l’un des pionniers aux côtés de David Didelot et quelques autres courageux publiés via les labels Artus et Rouge Profond (Alain Petit, Sébastien Gayraud, etc.), son concept m’apparaissait comme trop minimaliste pour être véritablement utile.
C’est ainsi que je voyais les choses, en tout cas jusqu’à ce que je commence à lire d’autres livres profitant d’une mode Nanar sans en avoir le véritable amour, ni y connaitre quoique ce soit. Jusqu’à ce que je réalise le retard de la France pour les “livres de genre” par rapport à ce qui sort ailleurs et notamment aux États-Unis. Et jusqu’à ce que j’admette que, quand même, cette imagerie de la série B à l’ancienne déchire vraiment et qu’obtenir un artbook sur le sujet ne ferait de mal à personne.
Enfin, il faut aussi dire que si je suis le genre de personne à vouloir une étude approfondie sur des trucs comme They Call Me Macho Woman ou Drainiac !, voyons la vérité en face: ce n’est le cas de personne d’autre. Même pour ceux qui aiment le cinoche Z, obscur, mal foutu ou de seconde catégorie, très peu lisent sur le sujet ou cherchent à obtenir des informations poussées. C’est de toute façon pour ça qu’existent les magazines, les fanzines et les blogs, non ? Du coup, le côté “catalogue” clair et concis s’avère être plutôt positif: selon la curiosité et les connaissances du lecteur, cela évite de perdre son temps avec des films que l’on aurait déjà vu ou étudié, pour au contraire s’intéresser aux autres et avoir l’avis d’un expert sur le sujet.
Et ainsi, avec ces 200 (petites) pages B-Movie Posters, Vol. 1 apparait comme un ouvrage parfait. Car malgré son titre, il ne s’agit pas que d’une compilation des plus beaux flyers qu’a pu collectionner Damien Granger au cours de sa carrière (même s’il s’agit du “gros” du livre), mais aussi d’un panorama complet du genre qui couvre différentes périodes, des années 80 à nos jours, différents genres (horreur, SF, action, érotique) et différents styles de mise en scène. Du gros Z pataud tourné au caméscope au Mockbuster de la Asylum, du bon vieux B Eighties de vidéo club aux trucs invisibles et difficile à dénicher, des États-Unis à la France en passant par l’Italie et les Philippines, pratiquement rien n’est mis de côté.
On y retrouve avec plaisirs les artisans et les boites les plus célèbres: la Full Moon, PM Entertainement, la Troma, les films de ninjas et autres 2 en 1 de Godfrey Ho et Joseph Lai, David DeCoteau, Nobert Moutier, Roger Corman, Albert Pyun, Bruno Mattei, Fred Olen Ray ou encore Jim Wynorski. Même chose pour les acteurs, où l’on croise aussi bien David Carradine, Sybil Danning et Cameron Mitchell que Ice-T, via leurs filmographies surréalistes. En tout, ce sont 81 “chroniques” qui forment le principal de ce B-Movie Posters, et autant d’images qui explosent à la gueule. Qu’elles soient peintes à la main ou réalisées sur photoshop, elles sont toutes colorées et représentent aussi bien des monstres que des armes géantes, des nanas en bikini ou des séquences gores.
Pour la plupart, elles semblent être reproduite en taille réelle d’après les flyers d’où elles ont été scannées, mais il faut hélas mentionner quelques spécimens aux proportions réduites. Cela ne serait pas un problème si le livre était d’une dimension standard type A4, seulement voilà, le format sélectionné correspond à peu près à celui des affichettes. Du 21.5 x 16.5 – à peine plus large que la taille enveloppe C5 , qui du coup transforme les plus petits posters en véritables timbres-poste difficiles à détailler. Ce n’est pas un grand défaut et cela ne touche qu’une minorité d’images, mais il faut être prévenu.
Il n’y a de toute façon pas trop à se plaindre vu ce que l’on nous offre. Citons par exemple la superbe affiche signée Royo, utilisée pour les besoins du minable Battle Queen 2020, ou le poster magnifique qui sert de couverture au livre et qui aurait parfaitement eu sa place dans les EC Comics (Freakshow, un film à sketch effectivement pas terrible, comme l’explique l’écrivain – je lui avait amplement préféré Terrorgram que j’avais vu au même moment). A leurs côtés, citons quelques classiques de grandes renommées (Creepozoids, White Fire, Hard Ticket to Hawai), des vrais morceaux de cinéma (le Metamorphosis de George Eastman), et quelques titres devenus célèbres à force d’apparitions dans les vidéo-clubs ou les Cash Converter (Cyber Tracker, Xtro II). De nombreuses perles méconnues mais bénéficiant d’un regain de popularité via Internet (Mystic in Bali, R.O.T.O.R.) et d’autres qui figurent dans le catalogue d’éditeurs bien connus des Bisseux français (Evil Clutch et Psychos in Love chez Uncut Movies).
Bref il y en a pour tous les goûts puisque s’y croisent aussi bien de la bonne vieille Fantasy surfant sur le succès de Conan le Barbare (la sexy Barbarian Queen, Iron Warrior, un faux-vrai Ator 3), du film de monstres géants moderne (Mega Python vs. Gatoroid), du Fred Olen ray d’alors (Phantom Empire) et du Wynorski de maintenant (Cry of the Winged Serpent, que je viens justement de chroniquer pour le futur Black Lagoon Fanzine #2). Ainsi que Surf Nazis Must Die et Black Roses, deux de mes B préférés de tous les temps.
Tout ceci est superbement mis en valeur par la maquette de Matthieu Nédey, autre personne de référence tenant le fanzine Cathodic Overdose, qui claque aussi beaucoup visuellement, et qui aime les gimmicks de catch barrées et le Metal bien violent. Quelqu’un de bien, en gros. L’expression anglophone “eye candy” (bonbon pour les yeux) me semble tout à fait appropriée pour décrire le contenu de ce livre, et quand je parlais d’artbook un peu plus haut, ce n’était pas des paroles en l’air.
Mais si une image vaut milles mots, il faut quand même compter sur des textes descriptifs à propos de chacun de ces films. Pas des critiques, ni même des résumés, plutôt de petits paragraphes à caractère informatifs qui cherchent surtout à attirer l’attention sur l’œuvre, à intriguer ou intéresser. Cela peut être une anecdote à propos du tournage, de la vie de son auteur, ou des éléments valant le coup d’œil pour celui qui voudrait visionner tel ou tel film.
Honnête, l’auteur ne cherche pas à glamouriser la série B, ni à nous faire croire que tous ses représentant sont bons et divertissants. Ses commentaires critiquent aussi bien qu’ils applaudissent et le novice pourra s’y référer afin de se faire une liste. Même l’amateur éclairé y trouvera son compte puisque beaucoup des titres présentés sont méconnus, difficilement trouvables ou ont simplement disparus dans les limbes de la vidéo en attendant une réédition sur un support ou un autre.
Si je peux moi-même me vanter d’en connaitre une grosse partie, il y en a une multitude que je n’ai jamais vu. A ce titre il faut féliciter l’auteur pour évoquer quelques raretés comme Death to the Pee Wee Squad (une pépite que l’on doit à Neal Adams, un grand nom de l’industrie comics dont les dessins sont magnifiques et atmosphériques, mais qui se trouve aussi être un fou capable de pondre des histoires incompréhensibles – lire Batman: Odyssey pour s’en convaincre) et ce Housesitter: The Night They Saved Siegfried’s Brain, qui pourrait ne jamais avoir vraiment vu le jour et que le journaliste lui-même n’a découvert que sous une forme très particulière. Bonne idée de faire le point sur la fameuse collection Génération Mutants et ainsi de différencier la sélection de base des fameux rajouts dont bénéficia la sortie française. Les précisions sur le fait que le coupable de Dr. Hackenstein est devenu scénariste pour la série Totally Spies explique aussi beaucoup de chose sur l’abondance de fétiches au sein de ce dessin animé ! A cela se rajoute la rubrique “Art of…”, qui se focalise exclusivement sur un réalisateur (Tim Kincaid), un film (Shocking “Terminator 2” Dark), un genre (la Sharksploitation) ou une compagnie (AIP) en particulier.
Il serait totalement injuste et stupide d’émettre la moindre critique envers ce livre, tant la connaissance pointue de Damien Granger sur le sujet vous mettra la honte, quel que soit votre “niveau” de Bissophilie. Et c’est justement pourquoi je vais m’empresser de le corriger sur l’unique petit truc qu’il a de faux, lorsqu’il compare le robot géant de Mega Shark vs. Kolossus à celui du Géant de Fer alors qu’il s’agit clairement d’une repompe du manga et anime Attack on Titan – au Japon le film fut justement retitré Mega Shark vs. Great Titan comme pour marquer le coup ! M’enfin, Damien !
Mais je déconne bien sûr, et il n’y a donc rien à redire sur le travail abattu. En fait j’ai même tendance à dire que c’est l’inverse: le savoir du journaliste est tel qu’il suscite quelques frustrations tant il passe parfois trop vite sur certaines choses. Comme lorsqu’il élude le fait que les deux histoires qui composent l’anthologie The Willies ont littéralement été volées à d’autres travaux (dont une nouvelle de Stephen King) ou quand il expédie Skeleton Man au détour d’une petite phrase sur Génération Mutants, alors qu’il y a beaucoup à dire sur ce film à l’origine inachevé, et dont le réalisateur aurait foutu le camp devant la tournure qu’auraient prit les choses, puis colmaté à l’arrache pour sa sortie.
Mais peu importe. Avec plus de 15.000 flyers dans sa collection, l’auteur a de quoi continuer son exploration du genre et approfondir encore plus dans les prochaines publications. Un Volume 2 est d’ailleurs déjà annoncée, pour une sortie en cette fin d’année ! Espérons du Frank Stallone, du Robert Z’Dar et du Rowdy Roddy Piper pour l’occasion. En attendant vous pouvez toujours rejoindre la page de B-Movie Poster sur Facebook, à partir de laquelle vous pouvez acheter ce premier tome. Apparemment il y a même possibilité de se le faire dédicacer mais il faudra surement le préciser, sinon vous vous sentirez très con (comme moi).
Concluons en mentionnant la section “remerciements” à la fin du livre, où l’on peut retrouver trois tonnes de noms familiers parmi lesquels ceux de mes collègues de blogs et de fanzines: ce sont bien sûr David Didelot (Vidéotopsie) et Didier Lefèvre (Médusa Fanzine), mes patrons Rigs Mordo (Toxic Crypt) et Jérôme Ballay (Ze Curious Goods), mais aussi Laurent Faiella (Le Fanzinophile) et Chris Labarre (Le Steadyblog et le zine qui va avec).
Ouais bon… j’ai encore raté ma vie quoi…
Oh la la, j’avais pas encore vu. Merci beaucoup ! Je viens de prendre beaucoup de plaisir à lire ta critique. C’est détaillé, instructif, constructif, top niveau illustrations… J’ai adoré ! 🙂
Presque surpris que tu tombes dessus du coup XD
Mais tu m’en vois heureux, je m’attendais pas à un tel retour, merci beaucoup du coup !
Superbe retour mec et complètement d’accord avec toi. Moi qui suis encore plus un béotien du bis, j’ai découvert pas mal titres totalement improbables, mais que j’aimerai beaucoup voir.
Grand merci pour le gentil message, et si le livre te donnes bien des envies, c’est qu’il fait son office 😉
Peut-être trouveras-tu quelques uns de ces films au Bloody, il faudra voir ça !
Pourquoi pas ! Ce serait une bonne idée d’en dégotter certains 🙂