Are You Afraid of the Dark ?
The Tale of the Dark Music
(1992)
Avant Chair de Poule, il y avait Fais-Moi Peur !, série canadienne diffusée chez nous sur Les Minikeums, émission mettant en scènes quelques marionnettes et proposant les dessins animés les plus populaires. Pour un gamin comme moi, elle représentait quelque chose de spécial par rapport au reste du panorama télévisuel de l’époque. Un show hebdomadaire à propos d’enfants se réunissant la nuit au coin du feu pour partager des histoires d’horreur ? Voilà qui était parfait pour se lancer doucement dans le genre, chaque épisode mettant en scène son lot de monstres, vampires, fantômes, morts-vivants ou d’êtres abominables issues d’une autre dimension… Certes cela pourra désormais paraître ringard et surtout peu effrayant pour quiconque a plus de douze ans, toutefois ce serait ignorer deux choses: la première c’est ÇA, qui même des années plus tard continu a être très perturbant. Où diable ont-ils déniché un truc pareil ? La seconde c’est le fait que certaines histoires s’achevaient de manière relativement sombre, suffisamment en tout cas pour marquer son jeune public. Quiconque a vu l’épisode avec le gamin projeté à l’intérieur du flipper magique se souviendra de la conclusion jusqu’à la fin de sa vie…
Difficile également d’oublier ce Tale of the Dark Music en raison de son dernier plan plutôt osé. Il faut dire qu’il est signé Chloe Brown, sans doute la meilleure scénariste de la série puisqu’elle a créée ses deux meilleurs personnages : Sardo (pas de “monsieur”, accent sur le “do”), vendeur maniéré d’une boutique de magie qui contient toujours quelques articles maléfiques à son insu, et surtout le Dr. Vink dont elle a écrit toutes les aventures.
Ici elle livre un conte plutôt noir, tant est si bien que le réalisateur a dû rattraper le coup en forçant l’humour un peu partout pour faire passer la pilule ! Les acteurs surjouent, certains personnages sont caricaturaux pour atténuer leur violence et les bruitages tiennent du cartoon afin que l’ambiance soit détendue. Mais les mômes ne sont pas dupes et les adultes encore moins, et cette histoire qui parle de corruption, de vengeance et de cupidité a quelque chose d’encore plus perturbante avec l’emballage « politiquement correct » superficiel. Comme si, en voulant calmer le jeu, le metteur en scène n’avait fait que renforcer ces éléments qui nous sautent alors aux yeux…
Ainsi l’intrigue s’intéresse à Andy, préadolescent dont la vie de famille n’est pas brillante. Ses parents viennent de divorcer, ce qui le force à déménager avec sa mère qui n’a pas un rond. Et s’il parvient à se trouver un petit boulot pour aider financièrement, il se fait un ennemi de la brute du quartier, un Métalleux agressif qui veut lui éclater la tête. Heureusement ils héritent subitement d’une maison ayant appartenu a un grand oncle éloigné dont ils ne se rappellent plus grand chose si ce n’est qu’il était très riche: la demeure leur est offerte et la famille commence à faire le tri dans les nombreuses affaires qu’elle contient encore. Bien vite cela va se révélé être un cadeau empoisonné puisque, caché dans le cellier, se trouve un croquemitaine qui va jeter son dévolu sur le garçon ! Plusieurs fois il se révèle à lui, changeant de forme tel Pennywise pour l’attirer dans ses griffes, mais Andy va bien vite comprendre qu’il ne craint rien tant qu’il n’écoute pas de musique dans la cave.
En effet il se trouve que c’est le son qui invoque la créature, lui donnant forme. Mais Tale of the Dark Music n’est pas l’histoire d’un gentil gamin cherchant à se débarrasser d’un monstre, mais celle d’un enfant perturbé qui va trouver le moyen de tourner la situation à son avantage. Et à la manière du jeune héros de Teddy, la Mort en Peluche, celui-ci va volontairement provoquer son ennemi afin de l’attirer dans le sous-sol et l’y enfermer avant de faire péter la sono. A sa décharge, son but est simplement de l’effrayer afin d’avoir enfin la paix. Mais étant donné a quel point il a lui-même manqué de se faire tuer avec une simple radio allumée, c’est à se demander à quoi il s’attendait avec une chaine Hi-Fi ultra moderne, des enceintes géantes et le volume à fond !
Et donc Fais-Moi Peur ! nous présente la mort d’un gamin, littéralement bouffé par le croquemitaine dont on ne verra qu’une lueur rouge. Brutal, mais là où l’histoire devient tordu c’est quand Andy découvre à la place du corps un vélo tout neuf, pour remplacer celui que sa victime avait détruite peu de temps avant. La Bête cachée dans les ténèbres n’est pas qu’une simple chose affamée, c’est une sorte de démon qui peut vous offrir tout ce que vous désirez du moment qu’on le nourrisse. Quelques détails glanés plus tôt dans l’épisode permet de se faire une bonne idée de la façon dont le grand oncle de Andy a géré les choses: il ne quittait jamais la maison, ses voisins le pensait fou, et il a été retrouvé mort dans sa cave juste devant la porte du cellier…
Celui-ci a fait sa fortune en tuant de pauvres innocents et voilà que la créature va proposer le même deal à son petit-neveu. Dans n’importe quelle autre cas le récit se serait arrêté là, en un cliffhanger volontaire afin de laisser aux spectateurs le soin d’imaginer la réponse du héros. Mais ici Andy entend sa peste de sœur rentrer à la maison, le hélant. Aussitôt le croquemitaine éclate d’un rire sombre, et avant même que la caméra ne reviennent sur le protagoniste, il ne fait plus aucun doute sur sa décision. Il regarde le cellier avec un sourire machiavélique, alors que la voix de sa sœur se fait plus insistante. Et oui, Andy fait son Pacte avec le Diable et va refiler au démon sa propre frangine…
Pour les marmots que nous étions à l’époque, cela a fait son petit effet. D’ailleurs je pense que c’est vraiment le visage du jeune acteur qui a causé cet impact, celui-ci apparaissant diabolique alors que nous le suivions comme n’importe quel personnage principal positif jusqu’ici. Autant dire qu’à la production, cela a dû être la panique générale car le segment final montrant la Société de Minuit – les jeunes conteurs qui introduisent et concluent chaque épisode, fait aussitôt machine arrière. Andy a t-il offert sa sœur au croquemitaine ?, demande quelqu’un. Non bien sûr ! Il a juste fait en sorte “qu’elle ne l’embête plus jamais”. Mais ces quelques lignes de dialogues n’effacent évidemment pas la vérité des images précédentes et même à sept ans nous savions exactement de quelle façon The Tale of the Dark Music se termine réellement.
R.L. Stine livra une intrigue à la conclusion similaire en 1995 avec L’Horloge Maudite, où le personnage joue dangereusement avec un objet capable de modifier le cours du temps avant que l’ultime chapitre le montre effacer l’existence de sa petite sœur pour ne plus avoir à subir ses caprices ! Quelle version est la meilleure ? Cela reste débattable. En attendant il ne fait aucun doute que cette onzième entrée de la série fonctionne totalement malgré son édulcoration forcée. Un détail parmi tant d’autre: le paternel du “méchant” voisin, qui apparait ici comme un hilarant beauf obèse et en casquette, forçant son gosse à nettoyer les marches de son porche. En réalité, celui-ci est clairement un violent alcoolique (notez le sandwich à la place de la bière) dont le comportement affecte le garçon qui renvoie tout sur Andy. Les problèmes d’argents de celui-ci sont a peine mentionné mais il y a là aussi quelque chose de sombre dans l’idée qu’un enfant si jeune doit perdre son temps libre afin de supporter sa mère dans le besoin.
Bien sûr il conviendra de gratter très fort le verni “pour enfants” afin de prendre tout cela en compte, et cela peut s’avérer difficile tant Fais-Moi Peur ! sent bon les 90s. Les télé carrés, les chaines radio jaunes poussin, les VTT colorés. Les acteurs en fond des caisses, le réalisateur aussi et il est parfois difficile de ne pas rire devant certaines choses: les riffs de guitare qui résonnent aussitôt que le Métalleux au cheveux longs apparait, la roue de vélo qui revient honteusement vers Andy après que son vélo ait été jeté sous un camion, cet angle de vue le montrant entre les jambes de son adversaire dominant…
On retrouve bien ici le Ron Oliver de Prom Night III, qui était lui aussi rempli de gags très gras afin d’alléger le ton d’une histoire à la conclusion cruelle. Il se montre encore une fois plutôt démonstratif dans les frasques de son croquemitaine qui prend diverses apparences comme le célèbre clown de Stephen King: simple visage caché dans l’obscurité, forain rabatteur qui devient un squelette (en plastique) et surtout cette foutue poupée géante tout droit sortie de Tourist Trap,qui donnera sûrement quelques cauchemars à certains ! Drôle d’idée que d’utiliser la musique comme moyen de gérer ses apparitions, mais cela confère à l’épisode une géniale bande-son hard rock bien sympathique. A ce titre je reste persuadé que le monteur a glissé un sample d’un musique de W.A.S.P. dans une réplique du monstre: à sa première apparition, il accueil Andy d’un “come on in” d’une voix grave et un peu différente de celle qu’il utilise le reste du temps, comme si le son avait été ralenti. Il doit très certainement s’agir de la réplique qui ouvre Scream Until You Like It, la fameuse musique de Ghoulies II !
En attendant que quelqu’un me donne tord ou raison, je ne peux que vous conseiller ce Tale of the Dark Music si vous n’êtes pas allergique aux séries Jeunesse. Et juste pour le fun: l’acteur incarnant la créature sous forme humaine reviendra jouer l’homme au flipper magique évoqué un peu plus haut, l’autre épisode mémorable de Fais-Moi Peur ! L’anecdote est inutile, mais toutes les raisons sont bonnes pour évoquer The Tale of the Pinball Wizard !
Commentaires récents