Friday the 13th: The Abuser & The Abused (2008)

ROAD TO HALLOWEEN IV

 

 

Friday the 13th: The Abuser & The Abused

(2008)

 

 

Pour un fan d’Horreur, un vendredi 13 juste avant Halloween c’est un peu l’une des meilleures choses qui puisse vous arriver. Cela vous donne toutes les excuses du monde pour prendre votre journée et doubler votre quota de films à visionner, surtout s’il s’agit des aventures de Jason Voorhees. Et comme ce Road to Halloween IV se place sous le signe du comic-book, voilà de quoi combiner deux des choses que j’aime le plus au monde. Paru en Juin 2008 (donc publié le 30 Avril, logique), ce one-shot est pour ainsi la toute dernière BD existante sur le tueur de Crystal Lake. Certes on peut toujours compter le crossover Freddy vs. Jason vs. Ash: The Nightmare Warriors, sorti un an plus tard, mais concernant la franchise Friday the 13th uniquement, la présente histoire en est l’ultime représentant. Il faut dire qu’il n’est pas évident de conserver une série comme celle-ci sur le long terme, puisque la licence est toujours attribuée temporairement, la compagnie devant alors payer de nouveau pour renouveler le contrat si elle désire poursuivre sa publication. Avatar Press en avait fait les frais peu avant, ayant obtenu les droits d’utiliser Freddy, Jason et le Leatherface version Platinum Dunes jusqu’à ce que leurs livres se volatilisent, laissant les fans perplexes puisque n’ayant même pas été prévenu au préalable.

 

 

WildStorm, compagnie découlant d’Image Comics en son temps et qui, à peine devenu indépendante, s’est fait rachetée par DC (l’utilisant comme label pour produire quelques titres ne pouvant entrer dans sa ligne éditoriale classique), prit le relais avec brio, produisant quelques unes des meilleures histoires sur Jason avant de rendre le tablier à son tours, sans jamais faire de déclaration. A leur actif, une longue storyline fonctionnant presque comme un film, puis quelques histoires plus courtes mais très intéressante: Pamela’s Tale, narrant la vie de maman Voorhees avant la naissance de son petit monstre, jusqu’à la noyade de celui-ci la faisant basculer dans la folie, How I Spent my Summer Vacation, où le tueur au masque de hockey découvre un gamin aussi difforme qu’il l’était dans son enfance et décide de le prendre sous son aile, pensant peut-être qu’il s’agit d’un autre lui, et Bad Land, montrant en parallèle un massacre commis par Jason et un autre réalisé un siècle plus tôt au même endroit, au temps de l’Ouest Sauvage. The Abuser & The Abused, ou juste Abuser and the Abused sur la couverture, dresse aussi un parallèle. Cette fois entre Jason et Maggie, l’héroïne tragique de cette histoire. Une adolescente dont la vie ne semble pas si différente de celle du mort-vivant…

 

 

Jeune femme mal dans sa peau ayant perdu sa maman, très certainement battue à mort par le père, un ivrogne, elle répète malgré elle le même schéma. Son petit ami Steve est un queutard qui n’espère que s’envoyer en l’air avec elle et qui l’a frappe constamment (pour la 23ème fois à la première page). Ses camarades de classe se moque d’elle et des traces de coups qu’elle porte sur le visage. Le directeur de l’école la prend pour une rebelle provocant tout le monde, et ni son psy, ni le prêtre ne l’écoutent vraiment. Et alors que tout le monde lui dit de mettre la mort de sa mère derrière elle, de ne pas penser son père coupable, elle doit composer à la maison avec sa belle-mère, qui la déteste malgré qu’elle soit elle-aussi une victime de mauvais traitements. Désespérée, seule et perturbée, Maggie fini un jour (un vendredi 13, en juin, date anniversaire du monstre) par péter les plombs et décide de prendre sa revanche. Jurant que plus jamais Steve ne la touchera, elle s’empare d’un couteau et, surprise par ses parents, elle se débarrasse d’eux. L’adolescente manipule ensuite son petit ami et l’entraine au Camp Crystal Lake sous la promesse d’une partie de jambe en l’air. C’est là qu’elle le poignarde mais, avant qu’elle ne puisse l’achever, Jason déboule et massacre le jeune homme agonisant…

 

 

Maggie n’accepte pas bien de se faire souffler sa victime et s’attaque au zombie, aveuglée par une rage meurtrière. Les deux vont alors se battre, quand bien même on peut dire qu’ils sont terriblement semblables. Tous les deux font preuve d’un véritable amour pour leur mère respective, dont le décès les a profondément affecté. Tous les deux ont eu un horrible père violent et alcoolique (c’est ainsi qu’est dépeint Elias Voorhees dans Pamela’s Tale) et sont rongés par un besoin de revanche qui éclate en bains de sang. Je suis même sûr que Jason râlerait aussi si quelqu’un débarquerait sur son territoire pour lui voler ses victimes ! Maggie, comme Jason, a été transformée en monstre contre son gré, poussée à bout par les autres, par la souffrance et la solitude, et derrière la façade meurtrière se cache un être plus pathétique qu’autre chose. Alors que justement l’héroïne exprime cette vérité, Jason semble presque écouter. Peut-être même comprendre. Mais on ne change pas le croquemitaine, celui-ci ayant perdu son humanité il y a bien longtemps tandis que Maggie n’est qu’une jeune fille dérangée. La conclusion de toute cette affaire ne sera pas différente de celle que vous pouvez vous imaginer…

 

 

Il aurait été possible d’écrire The Abuser & The Abused différemment, de montrer Maggie comme une victime sans la tourner en une criminelle. Elle aurait pu se confronter à Jason, une personnalité violente bien plus dangereuse que Steve, puis gagner en assurance après leur rencontre pour reprendre sa vie en main, rien ne pouvant lui paraître plus dangereux que le zombie de Crystal Lake. Un bon moyen aussi pour elle de laisser enfin éclater sa rage et crever l’abcès, Jason étant invincible et pouvant supporter des dégâts conséquents. J’aurai presque aimé que l’histoire s’engage sur cette voie, d’une part parce qu’il est difficile de ne pas prendre Maggie en pitié vu son entourage horrible et ce qui lui est arrivée, mais aussi parce qu’il y a là peut-être un peu trop de similarité avec How I Spent my Summer Vacation, où l’on trouvait déjà un personnage semblable à Jason (purement physique avec l’enfant difforme) et l’idée d’un autre assassin (le shérif dérangé). Quitte à montrer Maggie devenir borderline psychopathe et capable de basculer à n’importe quel instant, il aurait été intéressant de lui donner un destin différent. Car en faisant d’elle une simple meurtrière sans que son sort ne soit différent de ceux des autres, cela donne une impression de potentiel moyennement exploité. Certes au moins elle aura eu sa vengeance en tuant son père et rendant à Steve la monnaie de sa pièce, et le côté tragique de l’épilogue fonctionne, mais c’est un peu trop… simple.

 

 

Pour autant ce comic n’est pas raté et le scénario, signé Joshua Hale Fialkov (I, Vampire chez DC, une des rares bonnes choses sortie du relaunch New 52), nous plonge immédiatement dans le bain en s’ouvrant sur l’horrible passage à tabac que subit l’héroïne par son compagnon. Mentionnant aussi le moment où celle-ci frappe un miroir du poing, montrant toute la fureur qui bouillonne en elle et ce besoin pressant de l’extérioriser. Enfin son duel avec Jason, en soit l’élément le moins narratif du one-shot, est parfaitement maitrisé et n’a pas été bâclé. Les deux adversaires font preuve d’inventivité et c’est comme voir un bon match de catch: on ne peut qu’applaudir l’un ou l’autre lorsqu’ils sortent un joli coup. Jason est iconisé à mort avec sa force surhumaine, surtout lorsqu’il soulève sans effort une voiture, la renversant comme le ferait Superman. Maggie se montre pleine de ressource lorsqu’il s’agit de se défendre, foutant facilement la honte à toutes les Final Girls qui sont passées avant elle. Elle pense et agit rapidement, avec efficacité, et on ne peut qu’avoir envie de la voir triompher, ou au moins survivre.

 

 

Le tout est superbement illustré dans un style vintage séduisant, qui va jusqu’à imiter une fausse trame d’impression rétro. Des dessins détaillés et très expressifs qui captent immédiatement l’attention et que l’on doit à Andy Belanger, alias Andy B., artiste sur Kill Shakespeare et quelques aventures de Swamp Thing. Sous ses traits, l’héroïne ressemble suspicieusement à Cassie Hack de Hack/Slash, encore plus sur la couverture (signée Brandon Badeaux et Carrie Strachan), ce qui est un très gros plus si vous voulez mon avis. Enfin il ne faut surtout pas sous-estimer la contribution de la coloriste, Darlene Royer, qui sublime les graphismes par sa palette rayonnante et se retrouve finalement tout autant responsable de la qualité visuel du livre que son collègue. Enfin évoquons le fait que la publication possède un petit bonus en la présence d’une sneak preview de The Lost Boys: Reign of Frogs, préquelle à l’horrible Génération Perdue 2 qui, bien qu’étant un DTV merdique, avait su faire parler de lui à l’époque. Le comic est d’ailleurs assez sympa, bien plus que le film dont il est censé faire la promotion, et on peut comprendre pourquoi l’éditeur s’est senti de lui faire un petit coup de pub ici vu que nous sommes dans l’univers du film d’horreur. Les allergiques aux campagnes marketing pourront préférer le recueil TPB, Friday the 13th, Book 2, qui dispense les lecteurs de cet extrait et réuni The Abuser & The Abused avec les autres très bonnes histoires produites sous l’ère WildStorm.

 

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