Michael J. Pollard (1939-2019)

 

Quelle tristesse d’apprendre que l’on ne verra plus jamais l’adorable trogne de Michael John Pollard, spécimen unique dans le paysage cinématographique américain. Car avec sa petite taille, sa voix de canard et ce sourire un peu niais perpétuellement affiché sur son visage, le bonhomme semblait destiné à subir le même sort que Clint Howard: n’être engagé qu’en raison de son physique atypique plutôt que pour son talent. Et pourtant ! Si la plupart de ceux qui se souviennent de lui sont généralement portés sur le cinéma d’exploitation, il faut bien rappeler que sa carrière fut véritablement importante et qu’il tourna auprès de très grands noms de l’industrie: Brigitte Bardo dans Les Pétroleuses, Johnny Depp dans Arizona Dream de Emir Kusturica, ainsi que Patrick Swayze et Liam Neeson dans Un Flic à Chicago. A la télévision il apparait dans des séries populaires (Alfred Hitchcock Présente, Gunsmoke, Lost in Space et Star Trek) et obtient, très jeune, le rôle principale dans une adaptation de la Comédie Humaine de William Saroyan, avec Burgess Meredith en narrateur.

 

 

Mais surtout il y a Bonnie et Clyde en 1967, film d’Arthur Penn avec William Beatty, Faye Dunaway et Gene Hackman. Sa prestation lui attira plusieurs prix (un Academy Award, un Golden Globe et un BAFTA Award) ainsi qu’une grande attention de la part du public et des médias, ce qui l’amena à présenter – pour plaisanter – sa candidature aux élections présidentielles de 1968 ! Sa campagne, il la fit notamment avec une chanson: Michael J. Pollard for President, enregistrée par Jim Lowe, chanteur notamment connu pour son titre The Green Door. Manque de bol, le sample d’un discours de Robert Kennedy, alors candidat lui aussi, vaudra au morceau d’être banni peu après son assassina. Pas de quoi faire oublier l’acteur cependant, qui continua son chemin bien souvent sous le signe du Bizarre. Car si sa filmographie est pleine d’œuvres respectables, nombreux sont les titres un peu “autres”, déjantés ou intriguant par leurs concepts ou leur casting. Comme le road movie Motorama, avec Meat Loaf et Robert Picardo, ou le tarantinesque Mad Dogs avec Jeff Goldblum, Richard Dreyfuss et Gabriel Byrne.

 

 

Il y a Why Me ?, buddy movie associant Christophe Lambert à Christopher Lloyd, la comédie Fast Food où débarque l’ancienne porn star Traci Lords, et surtout l’inoubliable Tango & Cash, où l’acteur se prend pour le Q de James Bond et fabrique une voiture de guerre pour Kurt Russell et Sylvester Stallone. Warren Beatty se souvient de lui pour son foutraque Dick Tracy où se mêlent gueules cassées en caoutchouc et une fausse Marylin Monroe jouée par Madonna. La série Superboy lui offre carrément le rôle de Mxyzptlk, indestructible lutin venant de la cinquième dimension (!), et dans Scrooged, alias Fantômes en Fête, version moderne du conte de Charles Dickens, il fini congelé devant un Bill Murray bien désolé. Même au sein de productions lambdas parfaitement anecdotiques, Michael J. Pollard s’afficha avec des grands pontes du cinéma de genre, comme s’il lui était impossible de figurer dans quelque chose de parfaitement “normal”. Il croise Gregg Henry dans le film d’action The Patriot, Clancy Brown et Ray Wise dans le thriller Season of Fear, Brion James dans la comédie noire Un Cadavre sur les Bras, ainsi que Udo Kier et Michael Caine dans The Debtors.

 

 

C’est carrément avec la légende vivante Franco Nero qu’il tourna son tout dernier film: un énigmatique The Woods supposément réalisé en 2012 mais jamais sorti depuis lors et peut-être bien jamais complété. Un sacré CV auquel il faut rajouter tout ce qui touche à la série B, où il excellait particulièrement. Dans le formidable American Gothic, il est un “enfant” adulte, rejeton d’une famille meurtrière façon La Petite Maison dans la Prairie qui refuse de vivre avec son temps. Lucio Fulci lui-même l’engage sur son western nihiliste Les Quatre de l’Apocalypse et Rob Zombie l’incruste dans le prologue de House of 1000 Corpses, avec Sid Haig comme partenaire de scène. Il fit de la bikersploitation pour Roger Corman (Les Anges Sauvages avec Peter Fonda), du creature feature (Skeeter, où il tombe amoureux de moustiques mutants !), de la namsploitation (Heated Vengeance, par le réalisateur du génial Raw Force dont je vous disais le plus grand bien dans Vidéotopsie #16) et même du slasher avec Sleepaway Camp III: Teenage Wasteland, où il tripote une actrice deux fois plus jeune que lui et qui a l’air franchement embarrassée.

 

 

Il croise des aliens belliqueux aux cheveux longs dans Dark Angel, où il parait bien minuscule entre un Dolph Lundgren et un Matthias Hues, et fait de la quasi figuration dans Split Second, avec Rutger Hauer et un serial killer mutant et cyborg. On le retrouve aux côtés de Richard Roundtree dans le thriller satanique Night Visitor, d’Armand Assante dans la mini-série L’Odyssée et de Wings Hauser dans The Art of Dying, un polar ringard. Cet arnaqueur de John Russo l’embarque avec Tom Savini pour Hearstopper, film de vampire très cheap, et David Schmoeller le branche sur son thriller extraterrestre à mourir d’ennui, The Arrival. Bien plus fun, il est aux ordres de Dennis Hopper dans le délirant American Way, où des vétérans du Vietnam sillonnent les États-Unis dans leur B-29 pour hacker les téléviseurs de leurs compatriotes ! Et a tout ça se rajoute un épisode des Contes de la Crypte et un peu de doublage pour le cartoon Toxic Crusaders de la Troma. Autant dire qu’il n’aura pas chômé jusqu’à sa retraite prise au début des années 2010.

 

 

Espérons qu’il ait pu en profiter un peu avant de partir, mourant ce 20 Novembre dernier d’un arrêt cardiaque au grand âge de 80 ans. De notre côté nous ne sommes pas prêt d’oublier son visage rondouillard et son attitude un peu farfelue dans sa façon de jouer, qu’il devait aussi sûrement avoir dans la vraie vie. Michael J. Pollard était unique en son genre et irremplaçable, même s’il continuera de vivre un peu à travers Michael J. Fox d’une certaine manière: car l’acteur de Retour vers le Futur était un grand fan et lui rendit hommage en choisissant l’initiale ‘J’ pour que son nom d’acteur lui ressemble ! Une simple anecdote, certes, mais cela prouve bien a quel point il était aimé, et ce depuis longtemps. Bon voyage l’ami, puissent de gros moustiques radioactifs t’escorter là haut et Captain Spaulding t’y accueillir !

 

2 comments to Michael J. Pollard (1939-2019)

  • Olivier Labbe Olivier Labbe  says:

    Vu hier dans dirty little billy, so long kid !

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