12/12/12
(2012)
Aujourd’hui c’est le 12/12/12. Une date un peu spéciale puisque c’est la toute dernière dans son genre, celle qu’on écrit avec trois fois le même chiffre ! C’est tout bête mais c’est rigolo, alors pour marquer le coup pourquoi ne pas chroniquer un film qui lui fait référence ?
L’an dernier, c’était le 11/11/11 et j’avais voulu faire de même avec le film de Darren Lynn Bousman. Manque de bol, il s’était révélé si mauvais et si irritant que j’ai abandonné le projet pendant le processus d’écriture. Faut dire que parler d’un film de ce style révèle un peu de l’exploit: non seulement on a une date butoir (s’y prendre trop a l’avance fait perdre du charme à l’entreprise) mais en plus l’œuvre est généralement très mauvaise. Forcément, ce sont des petites productions faites à la va-vite pour faire engranger quelques dollars aux producteurs bien malins pour capitaliser sur un argument de base ridicule.
Ce 12/12/12 ne fait pas exception, et pour preuve: il a été conçu par la désormais mythique Asylum, la glorieuse compagnie derrière Transfmorphers, Mega Shark vs Giant Octopus et Titanic II ! C’est dire si on est dans de beaux draps. Le film est encore tout récent (sortie le 4 de ce mois pour un run qui ne pourrait guère durer plus d’une semaine) et marque la toute dernière tentative de la firme pour capitaliser sur la supposée imminente fin du monde. Mais Ô surprise, point d’apocalypse à l’échelle planétaire ce coup-ci !
12/12/12 n’est pas un énième film catastrophe, ce qui nous épargne très certainement une réalisation de type found footage, très en vogue ces temps-ci. Un bon point. Sa thématique le rapproche plus de La Malédiction et de Rosemary’s Baby puisqu’il y est question d’un enfant maléfique. Un Antéchrist très précoce car venant au monde le 12 décembre pour apporter la Destruction à peine quelques jours plus tard. La trame scénaristique repose sur la prise de conscience de cette vérité par la ravissante maman du rejeton démoniaque, et sa lutte désespérée pour empêcher le malheur d’arriver. Enfin je crois…
L’histoire parle donc de la naissance de Sebastian, un bébé particulièrement moche même si gardé invisible à l’écran les 3/4 du temps en raison de la ridicule poupée en caoutchouc qui le représente (du genre à faire concurrence à celle de Necro Files). Dès l’accouchement, il cause des problèmes et déchire la gorge des médecins. La police enquête et laisse le couple repartir avec l’enfant, mais les parents vont être immédiatement victimes du vicieux bambin qui agresse sexuellement sa jolie maman et utilise ses pouvoirs psychiques pour pousser son père au suicide ! Comme si cela ne suffisait pas, un assassin rôde autour de la maison et tente de voler le bébé.
Les autorités décident de confier Sebastian aux service sociaux pour le placer sous protection, mais celui-ci se débarrasse bien vite de la personne en charge et revient dans les bras de sa mère. Cette dernière s’installe alors chez sa sœur, a priori serviable mais en réalité tourmentée par la perte de sa propre fille il y a longtemps, et doit à la fois gérer sa progéniture monstrueuse et le tueur qui veut la récupérer. Car celui-ci est le leader d’une secte satanique et il veut récupérer Sebastian pour déclencher la Fin du Monde !
Une histoire apparemment simpliste et on imagine sans trop de peine le film mixer des éléments de La Malédiction et de The Unborn (2009) pour un rendu super fauché. C’est visiblement cela, malheureusement il faut compter sur un script pondu en quatrième vitesse avec une deadline si courte qu’il a certainement été finalisé en plein tournage. En résulte alors une histoire confuse et inconsistante qui semble se perdre elle-même au fur et à mesure de sa progression. Des idées sont lancées en l’air et jamais réutilisées ensuite, certaines scènes semblent avoir été improvisées et d’autres doivent êtres manquantes. Difficile alors de suivre le film sans se poser de question…
En premier lieu, le développement semble assez classique. Sebastian paraît être un enfant normal mais capable de pousser son entourage au suicide tandis que sa mère subit des visions et des cauchemars qui la fragilise. Un terrain connu qui cependant ne débouche sur rien puisque la seconde partie du film rebondit sur le rôdeur qui cherche à récupérer le bébé. Dès lors il n’est plus question d’hallucination pour l’héroïne, laquelle passe de victime potentielle à mère protectrice qui va tâcher de retrouver son fils pour le protéger. Le scénario qui semblait s’articuler autour de la destruction de sa vie change complètement et on pense presque avoir affaire à un autre film.
Lorsque le suspect, harcelant l’héroïne en la suivant partout, fini par mettre la main dessus, il le perd aussitôt dans la nature ! Alors qu’il était logique de le voir retrouver Sebastian et l’utiliser pour mettre en route la Fin du Monde, celui-ci se retranche finalement dans son repère et attend tout bêtement que l’Antéchrist vienne à lui… ce qui arrive ! D’une manière plutôt confuse d’ailleurs. Sebastian, trouvé au bord de la route par quelques passants, provoque le suicide de chaque personne qu’il croise jusqu’à ce qu’il finisse d’une manière ou d’une autre par retrouver les Satanistes. Si Sebastian désirait les retrouver, pourquoi a t-il fuit son kidnappeur ? Et s’il n’était alors pas tout-à-fait mauvais comme semble finalement le montrer le scénario (il est sacrifié puis renaît sous une forme purement démoniaque), pourquoi n’a t-il pas utilisé ses pouvoirs pour se débarrasser de lui ? Après tout, cela ne lui a pas posé de problème avec l’assistante sociale qui allait le séparer de sa mère…
C’est comme si le réalisateur / scénariste du film, Jared Cohn, ne savait jamais vraiment quoi faire du personnage. Incapable de lui trouver un véritable fond (victime de la prophétie ou véritable enfant du Mal dès la naissance ?), il n’est pas non plus capable de lui offrir une “forme” correct. Comme je l’ai dis au-dessus, Sebastian est invisible pendant presque tout le film car représenté par une horrible poupée. Que cela soit un choix de production pour éviter de s’encombrer avec un véritable bébé, ou juste une décision de mise en scène pour faire cache-misère, cela n’est pas sans devenir problématique lorsque l’apparence du personnage devient importante à l’intrigue ! Car pendant toute la première partie du film, personne ne semble faire de commentaire sur le bébé. Personne ne remarque qu’il est capable de mordre, ni qu’il dispose de dons surnaturels. De ses parents à la police, en passant par la sœur de l’héroïne, personne ne semble considérer Sebastian comme anormal.
Puis subitement, un postier fini par déclarer trouver l’enfant absolument horrible, la sœur avoue le considérer effrayant, et les divers personnes qui le recueillent lors de sa fuite s’interrogent, décrivant ses crocs et son physique “d’alien”. Dès lors on se demande: le bébé est-il censé être aussi laid en vrai qu’il apparaît à l’écran ? Dans ce cas, comment se fait-il que ni la police ni ses parents n’aient évoqués ces difformités ? Vous pensez bien que les autorités se seraient certainement posés des questions sur les dents longues du bambin lors de l’enquête sur l’attaque du personnel hospitalier !
Peut-être l’idée était que Sebastian, d’apparence normal à l’accouchement, se transforme progressivement en créature monstrueuse à l’approche de la date fatidique, jusqu’à sa renaissance en démon après son sacrifice. Mais je ne peux faire là qu’une supposition puisque Jared Cohn ne laisse aucun indice quant à la possibilité de cette théorie. Au lieu de ça, il balance pêle-mêle des clichés ambulants censés faire monter la pression mais qui n’ont jamais rien à voir avec le sujet: des cadavres de rats s’accumulent autour de la petite famille (en fait toujours la même peluche), l’héroïne rêve que son mari décédé revient la pour la violer, voit son double maléfique se moquer d’elle à travers le miroir et reçoit un coup de téléphone injurieux qui pourrait être de Sebastian lui-même !
Autant d’éléments étranges et décalés qui en rajoutent une couche dans la confusion qu’offre la vision de 12/12/12. Et on peut en rajouter des tonnes, comme cet inspecteur de police qui se retrouve avec une sucette dans la bouche à chaque scène et qui, appelé à cause du rôdeur, déclare n’avoir vu personne dans les parages alors qu’il vient seulement de sortir de sa voiture pour venir sonner à la porte ! Une séquence sortie de nulle part montre l’héroïne croiser un jeune homme a qui il manque quelques doigts, lequel se met alors à sortir une arme pour abattre quelques passants avant de se suicider devant elle. Un moment totalement hallucinatoire et certainement rajouté au dernier moment puisqu’il n’est pas évoqué par la suite et que le sang ayant giclée sur la jeune femme disparaît dès la séquence suivante.
Mais le pompon revient à ce passage incroyable où, véridique, le méchant bambin grimpe dans le lit de sa mère pour venir lui téter le clitoris alors que celle-ci prend son pied ! Une scène qui ne serait pas complète sans quelques plans furtifs d’une fausse foufoune conçue spécialement pour l’occasion !
Je peux comprendre le manque de logique qu’apportent des blancs causés par un scénario inachevé, mais là c’est d’un autre niveau. En même temps je ne devrais pas être étonné quand Jared Cohn possède derrière lui des films aux titres comme Bikini Spring Break ou Underground Lizard People. Dès lors, la scène d’ouverture où une fille nue et attachée se fait sacrifier par un sataniste qui lui verse du coulis de chocolat sur le corps me paraît correspondre tout-à-fait à son style. Et oui, je parle bien de chocolat car le film ne réutilise pas du tout le même liquide marron et épais pour simuler le sang par la suite. Nul doute que l’acteur qui joue ce gourou, à la barbe littéralement tatouée sur son menton, a signé son contrat juste pour pouvoir réaliser ce fantasme de pâtissier…
Maintenant vous vous imaginez bien qu’avec un artisan pareil aux commandes, et Asylum en commanditaire, il n’y rien de bon qui pouvait sortir de ce 12/12/12 ! Le “score” du film est une nauséeuse plage d’easy listening qui n’aide pas à créer l’atmosphère, et les effets spéciaux sont si limités (rats en peluches, poupées ignobles) que le monteur lui-même préfère jouer du hors-champ en coupant le rendu. J’attends encore l’épisode de Monster Man où on nous montrera comment le Sebastian-démon a été réalisé en 24h avec l’idée de faire encore plus moche que les bestioles de Ghoulies IV. Et en parlant du monteur, cet incompétent qui ne possède aucune notion de rythme, de sens logique et de temporalité a tendance à couper le début ou la fin des séquences de façon un peu hasardeuse, déroutant alors même le plus attentif des spectateurs.
Ainsi lorsque la sœur de l’héroïne se fait attaquer par Sebastian dans la maison, juste avant que celui-ci ne s’enfuit, la séquence débute en pleine attaque sans aucun préambule, puis se termine avec l’héroïne directement dehors à la poursuite du petit monstre. On devine la mort du personnage et la fuite de Sebastian, mais on ne la voit pas ! En recherche de son fils, l’héroïne parcoure la ville en ce qui doit être une journée entière et se fait interpeller par plusieurs personnages se faisant, mais le tout est monté en petite vignette se succédant les unes aux autres, donnant l’impression qu’elles se déroulent immédiatement les unes après les autres en moins de cinq minutes…
Pour finir ce tour d’horizon de la nullité, le jeu d’acteur est évidemment atroce, avec notamment le comédien jouant le rôle du père en tête de liste. Chacun est en roue libre, cabotinant à l’excès, du second rôle au figurant, tel ce Sataniste borne qui ne tient pas en place. Les protagonistes sont tantôt hostiles, tantôt compatissants (l’inspecteur et la sœur notamment) et seule l’héroïne s’en tire un minimum. Et c’est dire beaucoup quand on sait que son rôle consiste a regarder autour d’elle d’un air effrayée et a pleurnicher tout le temps !
Car la seule chose qui semble avoir été une bonne décision dans tout ce foutoir, c’est bien le casting au premier rôle de la beauté Tahitienne Sara Malakul Lane, dont la seule gloire reste d’avoir était la fille d’Eric Roberts dans Sharktopus. Ça et le fait qu’elle soit effectivement très jolie. Et bizarrement, si Jared Cohn profite de sa présence et la dénude comme il peut, il le fait de la manière la moins érotique possible ! Quand ses charmes ne sont pas représentés de façon peu flatteuses via d’horribles effets spéciaux (son faux sexe pour l’accouchement et le cunnilingus), elle dévoile ses seins en étant couvert de crasses et simule un viol. Mais j’imagine que ça ne détonne pas tellement dans le ramassis d’idées bizarres que contient 12/12/12…
Bref, vous l’aurez compris, ce n’est pas ce film qui va redorer le blason d’Asylum. Fauché à l’extrême, sans originalité, mal joué, mal fait et terriblement confus, le film reflète parfaitement son concept: tourner à l’arrache un produit pour jouer d’une date et le sortir en vitesse au tout dernier moment pour engranger autant que possible. En toute logique, et puisque je n’en ai dis que du mal, il n’y a strictement rien à sauver de ce 12/12/12 qui est un ratage total à tous les niveaux. L’expérience fut cependant bien plus plaisante que l’an dernier. Au moins cette fois je m’attendais au désastre et je ne me suis pas senti insulté. Nous avons affaire là à une production qui est si mauvaise qu’elle en devient drôle, le parfait contre-exemple de ce qu’il faut faire au cinéma. Un film ignoble mais forcément nanar, une expérience donc bien plus satisfaisante que celle du navrant 11-11-11.
Je ne sais pas si c’était l’effet voulu mais toi et tes captures (roh ce bébé en plâtre quoi) m’avez donné envie de le voir, car comme tu le dis ça semble tellement à chier que ça doit en être drôle. Belle chro en tout cas! Tiens, je savais pas que 11-11-11 (celui de Bousman hein) était si naze!
Tant mieux si ça donne envie, parce que… C’était pas du tout mon intention ! Bon courage si tu oses tenter celui-ci en tout cas.
11-11-11 est naze pour deux raisons. Primo c’est un film naze, vite conçu, avec une histoire cliché comme on en a déjà vu 30.000. Ça apporte rien, c’est ni fun ni effrayant, c’est juste du temps perdu. La 2ème raison, c’est qu’il s’agit d’un film pro-chrétien, voir même pro-croyance en général, et qu’il méprise tellement ceux qui ne croient pas en Dieu que ça en devient insultant. Il est clairement montré qu’un agnostique ou un athée est une grosse merde qui est dans le tort, et c’est appuyé plusieurs fois. Du coup j’ai littéralement abandonné ma critique car je passée d’un film de merde à propos de démons, à un film de propagande pondu par des chrétiens intolérants et demeurés.