The Man With the Iron Fists (2012)

 

The Man With the Iron Fists

(2012)

 

 

Voici le projet fou du rapper RZA, un hommage improbable aux films de kung-fu d’antan avec lesquels il a grandit. Cependant son idée n’était absolument pas de reproduire à l’identique ces productions mais au contraire d’en livrer une version un peu fantasmée, déformée par le prisme de la nostalgie et des souvenirs lointains. De ces films d’exploitations, RZA se souvient surtout du meilleurs, ce côté fou et outranciers que l’on ne retrouvait pas ailleurs, avec des scènes carrément improbables. Exactement comme Quentin Tarantino et Robert Rodriguez en fait, qui avec leur Grindhouse et sa reproduction parodique de ces pelloches barrées, ont donné naissance à un véritable genre.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la mention “Quentin Tarantino présente” apparaît ici, pas plus que le fait que le rapper se soit associé avec Eli Roth pour écrire le scénario, celui-ci étant un protégé du réalisateur de Pulp Fiction. Autant le dire de but en blanc: The Man With the Iron Fists est juste un sous Kill Bill. On en retrouve a peu près tout, des personnages hors-normes à la mise en scène hyper stylisée, et c’est probablement ça qui est à l’origine de toute cette mauvaise presse autour du film. La mode commence à se fatiguer et nombreux sont ceux qui rejette ces films faussement vintage.
Mais en ce qui me concerne, je partage a peu près la même vision du cinéma d’exploitation. Si je ne suis pas dupe quant à la qualité de la majorité des films et que je sais pertinemment quels sont leurs (nombreux) défauts, j’ai la même passion pour ces bandes en roue libre total, capable de tout et dégageant une énergie brute incomparable. De ce fait je ne peux dénigrer un film comme The Man With the Iron Fists

 

 

Passons quand même sur le problème principal du film, relevé de tous et effectivement handicapant: l’interprétation de RZA dans le rôle principal. Il est vrai que le jeu d’acteur du rapper est tout simplement catastrophique, le bonhomme affichant une mine inexpressive a chacune de ses apparition et ponctuant le récit d’une voix off monotone. C’est bien simple, RZA semble être en léthargie là où tous les autres acteurs du film en font des caisses !
Pire, son personnage est finalement le moins intéressant de tous, peut-être même également le moins présent au sein de l’histoire alors qu’il est supposé être au centre de toute l’intrigue. Le titre du film est censé lui faire référence, bon sang ! Voilà un rôle qui aurait grandement gagné a être joué par un autre acteur, quelqu’un comme Michael Jai White par exemple, puisqu’en l’état on ne s’y intéresse pas du tout.
Ainsi le pire moment du film est probablement le flashback révélant ses origines. On y voit comment Thaddeus, un jeune Noir travaillant comme forgeron dans une plantation du Sud des États-Unis, est affranchie à la mort de son Maître. Malheureusement pour lui certains refusent de l’accepter en Homme libre et une bagarre éclate, laissant un type sur le carreau. Thaddeus fuit le pays mais son bateau fait naufrage, le laissant seul survivant sur une plage de Chine, et il est alors recueillit par des moines…
S’ensuit la classique initiation du héros qui va permettre une renaissance, le jeune homme se conformant aux traditions bouddhistes qui lui sont enseignées (et qui honnêtement ici évoquent plus un gros tas de conneries qu’autre chose), mais RZA ruine toute la scène par son manque de vitalité. Il semble hagard, décalé, et pas un instant ne ressent-on la moindre empathie pour le personnage…

 

 

Heureusement que l’histoire de The Man With the Iron Fists tourne autour d’autres protagonistes, Thaddeus se retrouvant au milieu de tout ça un peu par hasard et disparaissant souvent au profit des autres.
Nous nous attachons surtout au gang des Lions, l’une des nombreuses organisations criminelles qui œuvrent au sein de Jungle Village, un petit coin de province malfamé. Différents clans s’y font la guerre, qu’il s’agisse des Hyènes, des Loups ou encore des Oiseaux, et sa seule zone “neutre” est le Pink Blossom, un bordel renfermant les “meilleures prostituées” du pays. Un jour l’Empereur de Chine se retrouve contraint de faire passer un convoi d’or dans cette zone et commande à Gold Lion, leader du gang des Lions, de protéger le transport. Celui-ci accepte mais se fait alors assassiner par ses deux lieutenants, Silver Lion et Bronze Lion, qui souhaitent naturellement s’emparer du trésor…
A partir de là l’intrigue se divise en deux branches qui se rejoignent:

 

 

Il y a d’une part la trame liée au trésor de l’Empereur, mêlant assassinats et complots. Alors que le clan des Lions est aidé dans sa quête par Poison Dagger, un mystérieux assassin qui semble en savoir long sur les méthodes de l’Empereur, un européen nommé Jack Knife infiltre la ville pour espionner le gang. Madame Blossom, la tenancière du bordel, s’intéresse de très près à l’affaire, souhaitant prendre le pouvoir sur tout Jungle Village grâce à l’or, mais le convoi est protégé par un redoutable couple de tueurs professionnels, les Gémeaux…
L’autre scénario est une classique histoire de vengeance qui s’intéresse au fils de Gold Lion, Zen-Yi. En apprenant la nouvelle, celui-ci se rend à Jungle Village pour découvrir le coupable, revêtant une incroyable armure bardée de lames rétractables lui valant le surnom de X-Blade. Afin de se débarrasser de lui, Silver Lion fait appel à Brass Body, un géant littéralement invulnérable puisque son corps se transforme en métal pour le protéger de la moindre attaque.

 

 

Et dans tout ça, il y a Thaddeus. Résidant à Jungle Village où il gagne sa vie en tant que forgeron, créant les armes incroyables pour différents clans, il ne rêve que de pouvoir gagner assez d’argent pour racheter sa bien aimée au Pink Blossom. Conscient que Jungle Village n’est pas un havre de paix, il se contente d’observer les évènements sans jamais s’impliquer… Jusqu’au jour où lui et sa compagne recueillent X-Blade, terriblement blessé après son affrontement avec Brass Body. Parce qu’il a décidé de le protéger, le forgeron est questionné par le clan des Lions et se fait amputer des deux bras…
Par curiosité, Jack Knife décide de le sauver et d’entendre son histoire. Lorsqu’il réalise que le forgeron a la capacité d’animer les objets grâce à sa maitrise du Chi, il l’aide à construire deux bras d’acier qui pourront l’aider à détruire Brass Body. Et avec l’aide d’un X-Blade rétablit, le trio se prépare à affronter le gang des Lions une bonne fois pour toute et éviter que Jungle Village ne soit rasé par les troupes de l’Empereur…

 

 

Cela fait beaucoup d’élément pour un seul film, et a vrai dire il y a une petite histoire derrière cela. Il faut savoir que RZA et Eli Roth ont passé environ deux ans à travailler sur le script, détaillant chaque arme et chaque personnage. Un travail de longue haleine que le rapper, réalisateur débutant, s’est probablement senti obligé de retranscrire dans son intégralité. Résultat le premier montage du film avoisinait quatre heures de long. Inexploitable en l’état, et RZA aurait suggéré de diviser le tout en deux films… Comme pour Kill Bill !
Devant le refus d’Eli Roth, le produit final fut réduit à une durée beaucoup plus conventionnelle d’une centaine de minutes, ce qui n’est déjà pas si mal, même si cela signifie la perte de beaucoup de données. A ce sujet, je suppose que les origines de Thaddeus furent très certainement sacrifiées…
Heureusement le résultat n’en souffre pas trop et le film se laisse suivre sans que l’on s’y perde entre les différents protagonistes et leurs relations. Certains, comme les tueurs Gémeaux, ne font d’ailleurs qu’une courte apparition, et l’on se retrouve en fait avec seulement une poignée de personnages principaux à suivre.
Une deuxième vision pourra certainement clarifier les choses pour ceux qui ont du mal à suivre mais ce n’est franchement pas indispensable. La plupart des spectateurs s’en moqueront puisque nous sommes surtout là pour les scènes “folles”. Celles justement pour lesquelles RZA a fait le film.

 

 

Et là dessus nous sommes relativement bien servi, même si The Man With the Iron Fists est quand même très loin de ce que l’on peut voir dans des productions type Sushi Typhoon ou équivalentes (Tokyo Gore Police, Machine Girl, Mutant Girls Squad, etc). Pas aussi fou, pas aussi gore, et donc finalement très “américain” dans son approche, le film s’approche bien de ce que l’on peut voir chez Tarantino ou Rodriguez.
Ainsi Lucy Liu décapite un adversaire d’un coup de pied tandis que RZA fait valser un œil hors de son orbite avec ses poings d’acier. Les Gémeaux possèdent une épée formant le symbole du Yin-Yang, l’armure tranchante de X-Blade évoque tout aussi bien celle du Butterfly Murders de Tsui Hark que le berceau des Baby Cart, et Jack Knife dispose d’une véritable Gunblade façon Final Fantasy. Brass Body, lui, rappel le célèbre Colossus des X-Men. Une crypte piégée imite les Indiana Jones tandis que le film mime parfaitement les ballets câblés des productions chinoises: combats aériens, lancés de tissus, pluies de pétales, décors formidables et très colorés.
Des idées délirantes il en y a encore plein, du costume “cowboy chic” de Russel Crowe à la manière dont les gentilles prostituées se transforment subitement en véritables assassines vêtues de noire. La palme revient cependant à cette séquence diffusée au cours du générique de fin, sorte de gros gag à la manière du final de Kung Pow qui laisse présager une séquelle encore plus incroyable. Il est ici question du clan des Oiseaux, capturant l’épouse de X-Blade et la retenant prisonnière d’un énorme nid à oiseau au sommet d’une montagne, où se cache une ville flottante qu’ils atteignent en volant !

 

 

Il va sans dire que tout ceux qui sont réfractaire aux films trop irréalistes, ou tout ceux qui préfèrent avoir un véritable scénario plutôt qu’une succession de vignettes rigolotes, resteront de marbre devant The Man With the Iron Fists. Le film a beau essayer autant que possible de divertir et / ou d’impressionner, il n’y a rien de vraiment original et nous avons tous déjà vu ce type de choses auparavant. Je pourrait citer de nombreux titres mais je m’abstiendrai car je ne suis pas là pour faire la mauvaise langue.
A la place, je préfère souligner l’atmosphère détendue de toute cette entreprise, qui est probablement le gros atout du film. Et peu importe si RZA a l’air sur le point de s’endormir dans toutes ses scènes, le reste du casting semble s’être vraiment amusé durant le tournage et cela se ressent avec un plaisir salvateur. Lucy Liu rejoue son personnage de Kill Bill mais avec un peu moins de retenue, se permettant de broyer les couilles à Russel Crowe. Ce dernier a probablement signé parce que son personnage passe une grande partie de son temps au bordel, s’envoyant en l’air avec plusieurs donzelles en même temps et jouant avec des gadget (une poire d’angoisse !), et l’ex-catcheur Batista fait valdinguer des mioches. Mais celui qui s’amuse le plus c’est probablement Byron Mann dans le rôle de Silver Lion.
Sans conteste LE point fort du film, celui qui interpréta Ryu dans le mémorable Street Fighter nous livre un véritable one-man show, gesticulant et grimaçant avec une énergie qui fait plaisir à voir. Il faut le voir imiter le cri de détresse du gars qu’il s’apprête à tuer, ou flirter ouvertement avec Lucy Liu… De quoi permettre à un personnage de méchant “classique” de retenir grandement notre attention.
Mentionnons enfin la présence de Pam Grier, qui fait une apparition dans le rôle de la mère de Thaddeus, et du grand Gordon Liu, qui était déjà présent dans Kill Bill. A ses côtés on retrouve également quelques anciennes gloires de la Shaw Brothers tel que Chen Kuan-tai et Bryan Leung.

 

 

Voilà donc le peu de chose que je peux dire à propos de The Man With the Iron Fists. Un film très bancal et sans grande ambition, sorte de madeleine de Proust un peu puérile pour cinéphages déviants. Pas original mais décomplexé, le film s’apparente finalement bel et bien à ses bandes d’exploitations qu’il tente d’imiter: un grand moment de n’importe quoi, ne pouvant plaire qu’à un public très restreint et dont on ne retient au final que deux-trois moments.
RZA livre ici une version cinéma de son Wu-Tang Clan, un “hommage” que l’on imagine sincère même si on ne voit pas toujours bien le rapport avec le genre d’origine.
Devant mon incapacité à rester objectif sur le sujet, je vous laisse à votre propre jugement, les quelques détails que j’ai pu fournir suffisant amplement à se faire une idée de la chose.

 

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