Young and Dangerous
(1996)
Par Andrew Lau, à l’époque plus l’auteur de Raped by an Angel que des Infernal Affairs, Young and Dangerous est l’adaptation d’un manhua, Teddy Boy par Cowman et Yu Kwok-Lun, très populaire mais un temps baigné de controverse car considéré comme glorifiant le milieu criminel chinois. Cela n’empêcha pas l’industrie du cinéma de s’en emparer, tournant l’un derrière l’autre non pas deux, mais trois films consécutifs avec la même équipe, le réalisateur s’en allant ensuite diriger deux autres séquelles, une préquelle et un spin-off (Born to Be King) grâce au succès sans appel de la série. L’histoire s’intéresse à un groupe de garçons, amis d’enfance ayant grandi dans la citadelle de Kowloon et s’étant retrouvé confronté à la criminalité depuis leur plus jeune âge. Intégrée au clan Hung Hing sous la bienveillance de son chef, Oncle Bee, la petite bande se retrouve en charge de diverses missions qui vont jusqu’à inclure le meurtre.
Désormais des vétérans de dix ans, ils assassinent un associé gênant de leur patron et vont ainsi s’attirer la colère d’un autre boss, Ugly Kwan, à qui la victime devait une forte somme. Celui-ci va tenter de recruter leur leader, Chan Ho Nam, mais lorsque celui-ci refuse il fini par les piéger lors d’une autre mission afin de les supprimer. L’un d’eux y laisse la vie et Cham est capturé, drogué et poussé à jouer dans un porno amateur avec la petite amie de son pote Chicken, qui va se sentir trahi et s’enfuir à Taiwan. Humilié et contraint de quitter les Triades, Chan va tenter de vivre une vie simple en tenant un petit bar et en s’intéressant pour la première fois de sa vie à une fille. Mais lorsque Kwan destitue le président de la société criminelle pour prendre sa place et abuse de son pouvoir pour tuer Bee, le jeune homme va retrouver ses anciens camarades afin de le venger, bientôt aidé par Chicken qui a entre-temps formé son propre clan à l’étranger…
S’il sera difficile de juger de la fidélité de Young and Dangerous envers son modèle (dur à trouver et peu traduit), il semble que les responsables aient fait leur possible pour coller à l’oeuvre, utilisant même quelques planches pour présenter les protagonistes et opérer des transitions entre certaines scènes). Bien sûr il y a d’énormes différences entre le style très prononcé de l’artiste et la recréation réaliste, mais du point de vue d’un profane sela semble sincère et on peut même détecter différentes story arcs tout au long de l’aventure. Il est assez surprenant de voir tout ce que le scénariste parvient à caser en un seul film, même s’il doit faire pas mal de raccourcis et supprimer quelques éléments (Chicken disparaît en cours de route et son aventure n’est pas montrée, l’amoureuse du copain tué, pourtant présentée comme sa compagne depuis toujours, n’a aucune scène après la tragédie). Typique des films de mafias, les protagonistes passent par différentes étapes de la hiérarchie, commençant dans les rues comme subalternes pour devenir leurs propres maitres, enterrant une figure paternelle et rivalisant avec les têtes pensantes de l’organisation.
L’originalité n’est d’ailleurs pas le propos, et à la manière de nombreuses autres productions chinoises c’est plutôt la camaraderie et la loyauté qui est au centre de l’intrigue, les jeunes héros censé être plus fous et enragés que leurs aînés se montrant finalement plus nobles et moins corrompus. Cela se fait au détriment de la violence cependant, pourtant très présente dans le manhua qui n’hésite pas à verser dans des thèmes sombres (drogues, meurtres, viols) mais ici réduite à une peau de chagrin. Hormis un headshot remarquable à la fin et ce moment où Chicken abat plusieurs types au fusil à pompes dans une ruelle déserte, l’action semble presque volontairement diminuée par le réalisateur. Ainsi les bastonnades et autres affrontements sont souvent parasités par un effet d’images saccadées difficilement lisible, ou filmé de loin sans permettre de s’y sentir impliqué (le combat sur le pont entre les hommes de Chicken et de Kwan). La faute peut-être à la logistique de ce tournage triple difficile à gérer, ou à la conception du film prévu pour une sortie en salle large et sans une classification de type category III (il écopa simplement d’un II B, sans doute à cause de son sujet).
Deux scènes sortent un peu du lot cependant, certes calquée sur la version papier, mais qui rappellent que cette adaptation demeure produite par Jing Wong, Grand Mogul de l’exploitation à la hong-kongaise. L’une où la famille de Bee est enterrée vivante dans une carrière, avec deux petits enfants parmi les victimes, et l’autre où Kwan se rend à la morgue pour visiter un confrère mafieux exécuté. En larmes lors de la découverte du corps, celui-ci s’avère en fait être accablé par la perte de la dette que le défunt avait envers lui, et il demande aussitôt à sa maîtresse de le sucer sur place pour le détendre ! Notable aussi la scène où Chan se rend à la veillée funèbre de Bee et doit encaisser les coups des membres du clan sur son chemin jusqu’à l’autel afin de pouvoir lui rendre hommage.
D’autres séquences qui auraient pu marquer se retrouvent anecdotiques faute de nous montrer quoique ce soit, comme lorsque le mêmegarçon est brûlé avec un bouquet d’encens en punition pour l’échec d’une mission, ou lorsqu’il s’accouple avec la copine de Chicken sous l’effet de stupéfiants que les hommes de Kwan leurs ont injectés, filmant leurs ébats pour alimenter leur filiale pornographique. Soyons déjà heureux que l’héroïne, une petite arnaqueuse bègue se faisant passer pour une prostituée, se balade constamment en soutien-gorge durant la première partie du film, se retrouvant même attachée à la voiture de Chicken qui fonce à toute allure en plein centre-ville en représaille pour avoir volé le véhicule. Heureusement nos braves ont un cœur d’or, et plutôt que de la violer comme ils semblent sur le point de le faire, ils l’invitent simplement à manger quelques beignets avec eux avant de l’abandonner sur la route.
L’air de rien cette interaction résume à merveille l’âme du film, à savoir le bon esprit qui transpire de ces héros, dangereux uniquement lorsqu’ils sont poussé à bout. Certes ils se comportent comme tout bon chinois des années 90: humour misogyne et homophobe, ou centré sur le sexe (le surnom de l’un d’eux est Foreskin), tempérament soupe au lait (ils tabassent un petit boss plus en raison de son arrogance que du crime dont ils l’accusent et dont il est justement innocent), et ils n’ont aucun problème avec le meurtre ou la prostitution, mais comment les détester ? Chan intervient aussitôt que la demoiselle avec qui il a eu une altercation est sur le point d’être “auditionnée” pour un porno par la bande de Kwan, Chicken sympathise avec un prêtre chrétien prétendant avoir été un voyou nommé Lethal Weapon et Foreskin n’hésite pas à se travestir juste pour entrer dans des toilettes pour femmes afin de tabasser la vieille maman de l’antagoniste (une odieuse mémé qui le mérite bien, en toute honnêtée).
Même Simon Yam est de la partie, le Dr. Lamb himself jouant ici le très courtois et raisonable chef surpême des Triades, à l’opposée totale de celui qu’il joue dans les Election. A ses côtés Francis Ng (The Bride With White Hair, Raped by an Angel 2) compose un Ugly Kwan psychopathe mais drôle à souhait qui reviendra d’ailleurs dans diverses préquelles et spin-off. Ekin Chen (Legend of Zu, Return to a Better Tomorrow) et sa gueule d’ange est impeccable dans le rôle de Chan le vertueux gangster, et la mignonne Gigi Lai (Raped by an Angel 5 et petite fille du cinéaste Lai Man-Wai, dit le “père du cinéma hong-kongais”, sacré CV) est franchement adorable dans le rôle d’une petite magouilleuse jamais prise au sérieux à cause de son bégaiement. Pas surprenant que le public se soit attachée à eux et que la série se soient envolée avec des Young and Dangerous 2, 3, 4 et 5.
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