Yeti: The Giant of the 20th Century
(1977)
Yéti, le Géant d’un Autre Monde date de 1977 et il s’agit tout simplement de la réponse italienne au remake de Kong Kong sorti l’année précédente aux États-Unis. Ce n’est d’ailleurs pas un cas unique puisqu’au même moment en Chine débarquait Le Colosse de Hong Kong tandis que la Corée du Sud s’associait aux américains pour produire A*P*E, que le distributeur français s’est empressé de renommer King Kong Revient pour surenchérir dans l’exploitation. Ici il n’est cependant pas question d’un grand singe mais de l’Abominable Homme de Neige, découvert congelé quelque part dans les glaces du Nord canadien. Mais attention, il ne s’agit pas votre Bigfoot habituel puisque celui-ci fait environ neuf mètres de haut. Un gigantisme qui n’est jamais expliqué et qui est d’autant plus bizarre que la créature n’est pas vraiment un animal mais une sorte d’homme préhistorique à poil et poilu, conservant un visage humain.
Une fois réanimé il s’énerve bien vite, mais cela s’explique facilement vu l’incompétence des scientifiques qui ne prennent jamais la moindre mesure de sécurité. Après l’avoir dégelé au lance-flammes, ils l’enferment dans une grosse cabine qu’ils transportent en hélicoptère pour le fournir en air pur et faire fonctionner ses poumons. Une opération qui s’effectue sans la supervision de l’armée et avec une foule venu voir le spectacle. Sans surprise les choses dérapent vite et le monstre commence à tout casser. “Look out, he got a tree !” s’exclame un idiot le voyant déraciner un sapin. Mais parce que la Bête ne serait rien sans la Belle, le Yéti se calme aussitôt qu’il découvre Jane, une jolie demoiselle dont il va tomber amoureux après qu’elle lui ait accidentellement stimuler les tétons – et non, je ne plaisante pas. D’après un scientifique, il la perçoit désormais comme sa femm, et s’attend même à ce qu’elle remplisse ses devoirs conjugaux !
C’est principalement autour de leur relation que se construit le film, et si l’héroïne n’est d’abord pas très enchantée à l’idée d’être draguée par le grand bonhomme, elle se laisse finalement assez vite conquérir. “Men. They’re all the same.” s’agace t-elle devant ce comportement. Trois secondes plus tard le monstre lui peigne les cheveux avec les arrêtes d’un poisson géant et elle retrouve le sourire… Le reste de l’intrigue demeure très convenue, avec le bras de fer se joue entre le professeur ayant découvert la créature et la compagnie qui a financée l’expédition veut maintenant s’enrichir en l’exhibant. Pour faire court, disons juste que les hommes d’affaires sont tout aussi con que les hommes de science et que leur plan d’action se limite à dépoter le Yéti géant au beau milieu des spectateurs sur le toit d’un immeuble, sans la moindre garde ni même de chaines pour le faire prisonnier. Du coup rebelote, les petits humains font peur à la grande bête qui du coup s’agace très fort et s’échappe en détruisant tout sur son passage.
Malgré quelques séquences de panique en centre ville, l’histoire évite l’habituelle traque du monstre par les autorités: une fois caché dans un entrepôt (comment a t-il pu y entrer demeure un mystère), il tombe vite malade et le suspense tourne plutôt autour de sa survie, sachant que la police est à ses trousses et qu’une compagnie concurrente souhaite sa mort pour empêcher ses propriétaires de se faire de l’argent sur son dos. Il faut plus d’une heure pour en arriver là, mais c’est à cet instant que le film opère un étrange virage à 180° puisque si le ton était jusqu’ici très enfantin pour cibler volontairement un public jeune, il devient soudain beaucoup plus sombre avec plusieurs actes de violence. Subitement l’un des protagonistes se fait fracasser le crâne pour que son meurtre soit attribué au monstre. Un gentil toutou se fait méchamment poignarder et l’héroïne est salement malmenée car elle est devenue un témoin gênant, un assassin venant l’étrangler tout en déchirant ses vêtements.
La bête n’est pas en reste puisqu’elle va vite chercher à venger ses nouveaux amis, traquant et piétinant les agresseurs. Graphiquement cela reste très sage et il n’y a pas vraiment d’effusion de sang, mais l’atmosphère change si brusquement que l’on a presque l’impression de regarder un film totalement différent. Ce qui n’est absolument une critique d’ailleurs, puisque si le cinéma Bis italien est bien connu pour une chose, c’est sa bizarrerie. Et question séquences étranges et décalées, Yéti, le Géant d’un Autre Monde se pose là, à commencer par son thème musical composé par un soit disant groupe surnommé les Yétiens qui repompe basiquement O Fortuna, le plus célèbre morceau de Carmina Burana. Et le plus fun c’est qu’ils nous en font carrément une version disco. Citons aussi ce mannequin taille réel du Bigfoot qui n’est là que pour quelques plans et uniquement parce que le réalisateur voulait singer (héhé) Dino De Laurentis et son fameux robot géant défaillant de King Kong.
Parce que la série Lassie était encore très à la mode en Italie, on se retrouve avec un Colley super intelligent qui a droit à ses propres moments de bravoures. L’aspect « film pour enfant » est très appuyé avec le personnage du président de la compagnie en charge du Yéti, un espèce d’idiot qui passe son temps à se chamailler avec un scientifique comique dans ce qui ressemble à des scènes de comédie burlesque (“Yeti ? Never head of one, what the hell is it ?”). Quant à la créature, lorsqu’elle ne se fait pas soigner une blessure par-balle avec un énorme spray façon Resident Evil, elle joue au yo-yo avec un ascenseur et étrangle un malfrat avec ses orteils ! La séquence la plus spectaculaire est évidemment celle où elle imite King Kong et escalade la façade d’un immeuble en brisant chaque fenêtre avec ses pieds, avec la réaction ultra exagérée des habitants façon comédie burlesque. Enfin, et parce que c’est impossible de ne pas le mentionner, Jane est jouée par une très jeune Antonella Interlenghi, qui est connue pour avoir jouée dans le Frayeurs de Lucio Fulci.
Elle n’était âgée que de 17 ans mais le film persiste à la considérer comme une femme adulte. C’est honnêtement assez bizarre, surtout lorsque le macho de service commence à la draguer alors qu’il pourrait être son père, mais magnifique comme elle est, comment résister à ses charmes ? A ses côtés, les vieux routards du cinéma d’exploitation reconnaitrons quelques têtes bien connu comme Tony Kendall, vu dans Le Corps et le Fouet de Mario Bava et le Retour des Morts-Vivants de Amando de Ossario, et Donald O’Brien dans un tout petit rôle, celui des Quatre de l’Apocalypse de Lucio Fulci, du Emanuelle et les Derniers Cannibales de Joe d’Amato, et surtout de Zombie Holocaust. Le Yéti, lui, est joué par un quasi inconnu à la filmographie super mince mais joliment nommé Mimmo Crao, qui avec le maquillage poilu ressemble énormément à Barry Gibb, le chanteur des Bee Gees ! Le réalisateur, qui se cache sous son pseudonyme habituel de Frank Kramer, il s’agit ni plus ni moins de Gianfranco Parolini, un sacré nom du Bis italien et réalisateur de nombreux péplums et westerns dont, excusez du peu, la trilogie des Sabata et le tout premier Sartana.
Yéti, le Géant d’un Autre Monde était l’un de ses derniers films et apparemment même un projet personnel qui lui tenait à cœur. Comme souvent dans ces cas là ce n’est pas ce que l’on retiendra de sa carrière, mais le résultat vaut certainement le coup d’œil.
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