Superman / Supergirl: Maelstrom
(2009)
Publiée début 2009 en cinq numéros, la mini-série Superman / Supergirl: Maelstrom est en quelque sorte une suite à la storyline The Supergirl From Krypton, tirée des pages de Superman / Batman en 2004 et dessinée le regretté Michael Turner. Elle en reprend le même thème: l’exploration du personnage de Supergirl, qui vient à peine de débarquer sur Terre et a besoin d’être guidée, formée, pour devenir l’égale de son cousin Superman. On y retrouve les mêmes idées comme la solitude de l’adolescente qui a passé son enfance dans une navette spatiale, son manque de confiance en elle et son inexpérience dans l’utilisation de ses pouvoirs. Darkseid, dieu-dictateur qui est plongé dans une guerre éternelle contre tout ce qui est bon et pure, vient encore une fois leur causer quelques problèmes, et les deux Kryptoniens vont avoir quelques discussions à propos de leur surhumanité, des conséquences de celle-ci et de leur vision de l’humanité. Rien de neuf sous le soleil (jaune ou rouge) et il est vrai que toute l’histoire derrière Maelstrom apparait comme anecdotique dans la vie de nos héros. Un peu à la manière d’une virée en camping dans la vie de tous les jours, qui s’apprécie mais s’oublie presque aussitôt moins quelques images plaisantes. Et ça tombe bien puisque, de camping, c’est essentiellement le sujet de ce comic-book !
L’histoire s’intéresse au personnage de Maelstrom, une esclave sur Apokolips qui évoque une sorte de Big Barda maléfique puisqu’elle en partage le physique attrayant mais pas du tout la mentalité. Car malgré sa condition d’esclave et de chair à canon, la jeune femme aime son Maitre et accepte son sort avec joie. En fait elle apparait même véritablement amoureuse de Darkseid au point de fomenter un plan pour entrer dans ses bonnes grâces et devenir son épouse ! Elle s’imagine déjà Reine de cette planète de souffrance mais sait que cela demeure impossible, à moins d’offrir au tyran un cadeau digne de lui: la tête de Superman. Tout juste libérée de la Section Zero de Granny Goodness, d’où elle a sûrement apprit l’art du combat, Maelstrom en profite pour voler un Boom Tube (un téléporteur) et se rend sur Terre dans l’espoir de triompher du Man of Steel. Pas de chance celui-ci est absent, occupé à rendre à une planète lointaine le vaisseau spatial perdu d’un de leur plus grands explorateurs. C’est la jeune Supergirl qui surveille Metropolis et, surprise par la force et la férocité de son adversaire, celle-ci se retrouve rapidement vaincue. Dans sa colère, la guerrière d’Apokolips fait un grand nombre de victimes, détruisant même tout un hôpital juste pour prouver qu’elle en a la force…
Superman revient, la neutralise rapidement et la renvoie d’où elle vient en utilisant contre elle son gadget technologique. Affaire classée ? Pas vraiment. D’une part Clark réalise que sa protégée est grandement secouée par sa défaite et le fait de n’avoir pu sauver tout le monde. Ensuite, bien que sévèrement punie pour son vol, Maelstrom n’abandonne pas son projet et fini par être remarquée par Darkseid. Et tandis que Clark décide d’emmener sa cousine loin de la Terre pour qu’elle se change les idées, et dans l’espoir de lui apprendre à ne pas compter que sur ses super-pouvoirs en cas de problème, la folle amoureuse remonte progressivement les échelons de l’esclavage afin de prouver à son dieu qu’elle est digne de lui et qu’elle a droit à une seconde chance… Ainsi, passé le premier numéro qui sert de prologue, le reste du récit montre en parallèle le long cheminement des sœurs ennemies jusqu’à l’inévitable match retour. Supergirl se retrouve avec Kal-El sur une planète dotée d’un soleil rouge, ce qui annule leurs dons et les rends totalement vulnérable. Là elle va devoir faire fasse à des bêtes sauvages et à une sérieuse remise en question a travers des conversations avec Clark, forcément plus habitué aux coups durs, mais aussi à de nombreux imprévus:
Manque de nourriture et de papier toilette (!), invasion de créatures plus ou moins dangereuses et risques d’accidents constant qui finiront par mettre le Man of Tomorrow hors-circuit, forçant l’adolescente à gérer la situation par elle-même. En gros, bien qu’elle déteste être là, à des milliers d’années-lumières de sa télévision, de son canapé et de son confort, Kara va gagner en maturité et en assurance, entendre ce que Superman a à lui dire et enfin sortir certaines choses qu’elle garde sur le cœur depuis son arrivée sur Terre. Les deux Kryptoniens partagent plus d’un moment, se chamaillent comme des frères et sœurs, et c’est effectivement tendre et divertissant. Le soucis c’est que le plus gros du travail avait déjà été effectué dans The Supergirl From Krypton et que cette nouvelle histoire n’amène pas grand chose de neuf. En fait il y a même beaucoup de répétition dans l’écriture si l’on lit les histoires l’une derrière l’autre, et certains évènements de la storyline précédente avaient déjà permis à Supergirl de s’affirmer. C’est un petit pas en arrière qui s’effectue ici, comme si les scénaristes voulaient simplement réexplorer ces moments, peut-être par peur qu’ils n’aient pas assez été perçus par les lecteurs ? Pour autant il ne faut pas bouder ce Maelstrom qui sait quand même s’amuser avec son concept: un road trip familial sur une autre planète avec une adolescente difficile et un adulte plus mature (et extrêmement patient) mais avec un twist galactique.
Et tandis que Kara passe son temps à reprocher des choses à son cousin débarquent des monstres tentaculaires flottant qui menacent d’engloutir la jolie blonde, des crapauds géants que Superman fait fuir en agitant sa cape comme le ferait Batman et une tribu d’hommes-homards qui s’en prennent à la navette spatiale de nos héros. La jeune femme est couverte de slime extraterrestre façon bukkake, s’insurge d’avoir à chasser pour se nourrir avant de se demander comment fait Aquaman sous l’océan: s’il parle aux poissons, est-ce qu’il les entends hurler comme des personnes lorsqu’il les abat ? Lorsqu’elle se plaint d’avoir maigri à force de ne pas manger, elle n’évoque pas sa ligne mais déclare avoir perdu un bonnet de soutien-gorge. Et Kal-El de prendre sur lui, de lui faire la leçon, et surtout de s’en prendre plein la tronche maintenant qu’il est vulnérable: il se casse un bras, manque de se noyer dans une rivière et se fait empoisonner par une fléchette empoisonnée. Et malgré ça, il ne se plaint même pas et continue d’être émerveillé par ce nouveau monde qu’ils explorent. Au moins Superman reste Superman quelle que soit la situation, et ça fait toujours plaisir.
Et Maelstrom pendant ce temps ? Car après tout la mini-série porte son nom. Et bien elle est très intéressante également, peut-être plus même, bien que les auteurs lui accordent finalement moins de temps qu’à la super-héroïne. Contrairement à Kara, la grande brune est seule mais déterminée. Torturée pour son crime, elle est “rétrogradée” et doit de nouveau montrer qu’elle mérite sa survie dans un arène de combat, le Terrorium, où elle affrontera des gladiateurs génétiquement modifiés qui évoquent des personnages des Maîtres de l’Univers ! L’un fabrique des grenades à partir de sa propre chair, un autre possède des canons qui lance des crânes à la place des mains… Et elle de n’avoir d’yeux que pour son Maitre, s’interrompant à chaque meurtre pour lui demander si cela lui convient. Elle est abandonnée dans les mines, où elle est contrainte de récupérer du minerai précieux servant à la construction ininterrompu d’armes de guerre, se rebelle et tente vainement d’entrainer ses camarades avec elle. Ils ne partagent pas sa détermination et la laisse se faire battre par les gardiens. Ai-je dis que Superman s’en prenait plein la gueule ? C’est pire pour Maelstrom: électrocutée, battue, fouettée, abandonnée au fond d’un trou visqueux où des sangsues mutantes se collent sur son corps…
Et malgré tout, pas une seule fois elle ne se remet en doute, pas une seule fois sa détermination ne flanche. Tant et si bien que Darkseid lui-même doit intervenir, comprenant que la torture classique ne viendra pas à bout de cette femme. Il tente même de lui faire entendre raison, lui expliquant que jamais il n’aura d’épouse, les femmes ne l’intéressant pas, et que malgré sa grande puissance elle ne pourra jamais triompher de Superman. Mais parce qu’elle insiste, il fini par “céder” et lui donner sa fameuse chance. Il l’arme et lui donne quelques Furies (troupe de combat d’élite et exclusivement féminine) afin d’occuper Supergirl tandis qu’elle se battra contre le Kryptonien. Un piège, bien sûr: il est évident que Maelstrom ne gagnera pas et Darkseid précise qu’en cas d’échec, elle sera bannie à jamais d’Apokolips, la privant ainsi de son rêve. Voilà le genre de plan tordu qui fait de Darkseid un “vilain” unique et intéressant. Quant à Maelstrom, sa folie en fait la parfaite antithèse de la Supergirl dépeinte dans ce titre et on attend la nouvelle confrontation avec impatience. Quel dommage alors que tout cela soit précipité, voir bâclé, dans les dernières pages…
Car si combat il y a lieu, et si les deux personnages mettent à profit tout ce qu’elles ont pu gagner de leur périple (Maelstrom lâche ses Furies qui dévastent Metropolis en un rien de temps, Supergirl trouve des parades à leur combativité et se montre plus détendue, lâchant quelques blagues), les conséquences sont finalement nulles. L’escouade de guerrières est rapidement mis hors d’état de nuire, et surtout Maelstrom elle-même, malgré qu’elle ne s’en sorte pas si mal contre Superman, est bien vite stoppée. Elle était pourtant en plein argument avec son adversaire, expliquant comment leur combat met les habitants en péril et que Superman, cherchant à l’arrêter par la force, ne fait qu’accentuer le problème. Mais ou bien les auteurs ont dû écourter leur histoire d’un numéro, ou bien la conclusion ne les intéressaient pas. On dit souvent “ce n’est pas la destination qui compte mais le chemin parcouru”. Alors certes, mais l’absence de conséquence peut rendre tout cela caduc ! Et c’est là où The Supergirl From Krypton se montrait beaucoup plus satisfaisant. Ici le danger est littéralement expulsé hors de l’histoire, Kara jetant les prisonnières dans une navette destination la planète où elle a passée du temps avec Clark. Avec assez de carburant pour un voyage unique. Et c’est tout.
On ne voit pas la réaction de Maelstrom en découvrant son nouvel échec et son exile d’Apokolips, on ne voit pas la réaction de Darkseid lorsqu’il apprend que son plan s’est déroulé comme il le souhaitait, et surtout il est permis de se demander pourquoi ni Supergirl, ni Superman, ne s’inquiètent de la population primitive habitant sur le monde où des Furies entrainées dans l’art de la mort vont se défouler. Les hommes-homards n’avaient-ils pas offert l’antidote du poison qui aurait pu tuer Clark ? Ils montraient des signes d’intelligence et de civilisation, et ne devraient donc pas être mis en danger de cette manière. Mais j’imagine que ce n’est pas très grave puisqu’ils ressemblaient à de grosses écrevisses… Voilà une erreur grossière, surtout sur un titre de Superman. Reste la conclusion montrant Kara écouter la Terre et refuser de s’amuser comme elle souhaitait le faire depuis son voyage, trop perturbée par à la misère du monde. Son cousin vient lui rappeler que si elle peut faire la différence et protéger l’Humanité de catastrophes et d’invasions, elle doit tout de même les laisser régler ses propres problèmes lié aux guerres et à la politique car les surhumains ne peuvent imposer leur volonté au reste du monde. Et l’adolescente d’envoyer chier la bonne morale pour aller sauver des gens qui en ont réellement besoin.
Ce faisant, elle encourage Clark à participer, signe qu’elle peut également influencer Superman via sa jeunesse, sa bonne volonté et son absence de retenue face à des dilemmes politiques. Sympathique mais ça ne rattrape pas la petite déception engendré par la fin de cette mini-série. Le duo Jimmy Palmiotti et Justin Gray, deux vétérans qui bossent souvent ensemble (citons leur participation au jeu vidéo Mortal Kombat vs. DC Universe), a fait beaucoup mieux par le passé mais aussi par la suite. Heureusement ils sont secondés par l’illustrateur Phil Noto, dont le style absolument unique et immédiatement reconnaissable fait des merveilles, comme d’habitude. Ses traits sont simples mais suffisant pour faire passer les émotions, et s’il est vrai qu’il a tendance à rendre Superman un peu trop vieux ou à sacrifier ses décors, ultra simples voir inexistants, au profit des personnages, Superman / Supergirl: Maelstrom demeure appréciable en grande partie grâce à lui.
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