Spartacus: War of the Damned
Ep.3.10
Victory
Ainsi s’est achevée, vendredi dernier, l’odyssée sanglante de Spartacus. Une série que beaucoup regrettent déjà, malgré le fait qu’ici l’histoire se conclut volontairement sur une très bonne note. Nous sommes nombreux à espérer un spin-off par la même équipe, afin de suivre les aventures de Jules Caesar et de Marcus Crassus, mais en attendant ce jour s’il arrive (espérons-le), parlons une dernière fois de Spartacus et de sa Guerre des Damnés.
Il me semble maintenant inutile de revenir sur toutes les qualités de cette série télé, aussi bien en terme d’écriture et d’interprétation que de mise en scène. En revanche il est assez amusant de revenir loin en arrière, après la vision du tout premier épisode (Spartacus: Blood and Sand). Le résultat évoquait énormément les films d’exploitation dans sa manière de présenter les choses: beaucoup de sexe et de violence, des personnages jurant sans cesse et au comportement loin d’être théâtral. Spartacus ne semblait être en fait que 300, la série, en reprenant justement son esthétisme hyper stylisée et surréaliste. Rien de grave, mais rien de prometteur non plus, et je me rappel avoir hésité pour continuer à suivre cette fresque “historique”.
Et dès le 3ème épisode, quelque chose s’est passé. Pas juste pour moi, à en croire les réactions sur le Net, mais pour beaucoup. Les personnages ont commencés à apparaître plus profonds qu’on ne le pensait, l’intrigue s’est développée bien au-delà de la simple vengeance du Thrace devenu esclave et la réalisation a commencé à nous faire sentir qu’elle allait se permettre beaucoup de choses. Un sentiment qui a littéralement explosé dès l’épisode suivant, et à tout ceux qui suivirent…
Crixus, le rival jaloux de notre héros, toujours de mauvais humeur, s’est révélait être doux comme un agneau auprès de la petite Naevia, la suivante de sa Maîtresse. Le duo totalement improbable que formaient les Batiatus (John Hannah, le guignol des Momies de Stephen Sommers, et Lucy Lawless, alias Xena la Guerrière !) fonctionnait tant l’on désirait les voir surmonter tous les obstacles qui se dressaient contre eux, pour mieux être pourfendu par Spartacus lui-même. L’impressionnant Peter Mensah y brillaient dans le rôle de l’entraineur des gladiateurs et les rebondissements étaient tels que le scénario, pourtant connu (Spartacus se libère et forme une rébellion d’esclave contre l’Empire Roumain), en devenait totalement imprévisible…
Après la fabuleuse préquelle Gods of the Arena, la saison Vengeance balaya en quelques minutes la question que beaucoup se posaient: la série pouvait-elle survivre en se “déplaçant” de l’univers (restreint) des gladiateurs en faveur d’espaces vastes et des stratégies de guerre ? Tout à fait, au point que l’on oublie très vite le budget réduit qui ne peut pas nous montrer des batailles du niveau du Seigneur des Anneaux. Puis vient War of the Damned, où après de nombreuses victoires héroïques et méritées ,nos héros vont finir par tomber. On ne change pas l’Histoire, même si on le souhaite. Le changement est amorcé dès le début avec les querelles entre les héros, l’apparition de grandes figures romaines (César) et un scénario qui nous montre nos “gentils” esclaves exterminer sauvagement des citoyens romains enchaînés et sans défense. Tout devient gris et plusieurs fois la série semble poser un lieu pour une bataille finale (la cité occupée par les esclaves, les montagnes enneigées) et sceller le destin de ses protagonistes (Crixus et Naevia) pour mieux nous manipuler.
Et enfin le dernier épisode. Cette fois tout semble jouer d’avance, et d’une certaine façon c’est le cas. Pourtant Spartacus possède encore des ressources et nous surprend, joue avec nos nerfs et peut même frustrer quant au décision qui ont été prise. Je pense notamment au sort de Gannicus, que beaucoup voyait comme l’ultime survivant, et qui est particulièrement injuste il est vrai.
On s’attendait à une dernière bataille façon “carnage” comme celle dont a été victime le Undefeatable Gaul, mais les surprises sont nombreuses. Les esclaves parviennent encore à surprendre Crassus, et pratiquement prendre le dessus en cours de combat, au point que l’on espère encore leur victoire jusqu’à la fin. Le duel tant promis entre Caesar et Gannicus a bien lieu sur le champ de bataille, mais son issu est très différent de ce que l’on imaginait. Ou espérait, pour choisir le mot juste. Quant à Spartacus, s’il ne peut pourfendre Crassus, il gagne tout de même dans une certaine mesure… Bref, nous héros brillent une dernière fois avant de s’éteindre pour toujours. L’écriture, fluide, laisse les choses se faire et évite heureusement le côté Tragédie, où tout va mal parce que cela doit se passer ainsi.
• Agron et Nasir auront probablement le destin le plus surprenant, mais puisque le premier semble avoir été inventé de toute pièce pour la série, cela semble plutôt logique. D’autant plus que cela permet d’éviter la redite avec la capture et crucifixion d’Agron, vue plus tôt dans la série.
• Naevia travers l’épisode comme un fantôme. Elle n’a plus de raison d’être, littéralement, et ne combat même pas par vengeance. Son destin est scellé depuis longtemps mais la manière dont César se comporte avec elle ne fait que renforcer la cruauté romaine à l’égard de leurs esclaves.
• Saxa, un peu écartée de la scène depuis que Gannicus lui a préféré une autre, aura fini avec la jolie brune qui lui avait fait du rentre dedans dans la cité. Combattante hargneuse, elle périra cependant dans les bras de son Dieu de l’Arène, laissant sous-entendre qu’il s’agissait sûrement de la chose qu’elle désirait le plus au monde.
• Lugo est toujours là et, même dans ses derniers instants, se dresse comme un combattant vindicatif, continuant d’abattre sa masse alors qu’il brûle vif. Fidèle à lui-même, ses derniers mots seront des flots d’insultes à ses adversaires.
• Gannicus est peut-être la figure la plus tragique de cet épisode, son sort semblant particulièrement cruel. L’épisode lui permet cependant un dernier moment très tendre avec Sibyl où il confesse que, si elle pensait que les dieux l’avait fait apparaître pour la protéger, c’est elle qui a fini par le sauver lui. Comme pour nous achever, une dernière vision d’Oenomaus, de l’arène et les acclamations de la foule nous ramènent loin en arrière…
Les romains sont quant à eux un peu laissés pour compte, puisqu’il n’y a plus grand chose à ajouter. Crassus découvre la vérité sur son fils, semble se réconcilier avec Kore pour mieux la crucifier comme les autres à la toute fin. César utilise ses légions pour prendre le dessus sur Gannicus et, plutôt que de lui donner une Mort Glorieuse, le fait également crucifier par pur sadisme. Pompée fait une apparition éclaire afin de dérober toute la gloire au deux compères, comme le veut l’Histoire, et semble surtout ici pour annoncer le fameux spin-off sur César.
Et c’est tout. C’est peu et cela m’a donné l’étrange impression qu’il manque une sorte de “conclusion” mais il ne servait à rien d’en faire plus. Surtout si Caesar voit le jour, dont la première saison ne manquera pas de nous montrer les conséquences de cette guerre pour César et Crassus. A vrai dire, il n’y a qu’à lire Wikipédia pour se faire une idée de la suite: l’alliance secrète formée entre Crassus, Pompée et César, pour prendre le pouvoir sur Rome, la bataille d’Alésia contre Vercingetorix, sans parler de la mort légendaire (et non authentifiée) de Marcus Crassus, forcé à boire de l’or en fusion par un de ses adversaires, afin de se moquer de sa quête de richesses…
Tout est là pour “poursuivre” l’univers de Spartacus en laissant le gladiateur reposer en paix. Quelque chose qui n’est pas donné à toutes les séries, entre celles qui sont injustement annulées par la production, ou celles que l’on rallonge trop en dépit du bon sens.
L’épisode final de Spartacus: War of the Damned tient toutes ses promesses et plus encore. Du “serpent rouge” évoqué par Sura dans le premier épisode, au générique final qui fait revenir chaque personnage pour se terminer sur un hommage à Andy Whitfield (le premier Spartacus, avant son triste décès), tous les éléments sont là pour saisir le spectateur et provoquer l’émotion.
On en ressort à la fois nostalgique (la fin d’une grande série, on quitte des personnages auxquels on s’était attaché), triste (le sort de beaucoup de protagonistes, le fait qu’il n’y aura plus d’autres saisons) mais heureux.
Heureux parce qu’on a fait le chemin jusqu’au bout avec les personnages. On a pu voir ce qui n’était qu’une simple histoire de vengeance grandir et prendre des proportions épiques, proposer plus que de l’action décérébrée et développer une narration crédible, maline et des personnages attachants. Le tout sans jamais renier ses débordements graphiques qui peuvent faire rougir de honte de nombreux long métrages, et une mise en scène plus que soignée, qui parfois renvoie jusqu’au Dario Argento de la belle époque.
Pour une série qui avait commencée comme une simple lecture “sex & violence” du mythe de Spartacus, c’est probablement la plus grande de toutes les victoires.
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