Resident Evil #1
(1996)
Il ne paie pas de mine avec ses douze petites pages et ses graphismes caricaturaux issus des années 90, mais ce comic book se trouve être une petite pièce de collection puisqu’il s’agit du tout premier objet promotionnel jamais conçu pour la franchise Resident Evil. Un titan du jeu vidéo de nos jours, et une valeur sûre malgré qu’il y ait eu plus de bas que de haut ces derniers temps, au point qu’il est difficile de se souvenir qu’il y a encore à peine vingt ans la saga n’en était qu’à ses balbutiements et avait encore toutes ses preuves à faire. La publicité ne se faisait pas encore qu’à coup de campagnes virales ou de vidéos YouTube, et il fallait tout mettre en œuvre afin de se faire remarquer, aussi il n’était pas rare que les comics soient utilisés afin de sensibiliser le public adolescent visé. Quoi de mieux qu’une page d’annonce dans un magazine ? Une bande-dessinée entièrement dédié au sujet, pardi ! Et tant pis si la chose est courte et mal branlée du moment qu’elle attire l’attention !
Dans son genre ce Resident Evil #1 est loin d’être le pire et il peut au moins se targuer d’avoir été publié sous l’étendard Marvel, même si vu l’époque ce n’était pas un gage de qualité pour autant. Car celle-ci avait déjà beaucoup à faire entre ses multiples Big Event où se croisaient de façon confuse des dizaines de titres liés à Spider-Man ou aux X-Men (ah, l’enfer que furent la Saga des Clones et Onslaught…), l’évolution technologique forçant son département de colorisation à se mettre au digital et la sévère concurrence que représentait l’arrivée d’Image Comics et des innombrables indépendants venu saturer le marché. Du coup ce partenariat avec Capcom n’était pas une grosse priorité pour la compagnie, et c’est plus à travers la série de jeu Marvel vs. Capcom que les deux géants profitèrent de leur association. Pour autant le résultat reste acceptable malgré les illustrations forcément datées où les proportions humaines étaient parodiques et les flingues gigantesques.
La BD fait office de préquelle au jeu, se déroulant juste quelques minutes avant le début celui-ci et sa célèbre scène d’intro live action nanardesque. Ainsi les S.T.A.R.S., forces spéciales de la police de Raccoon City, sont chargés d’enquêter sur les disparitions mystérieuses et les attaques sanglantes signalées du côté des montages situées en bordure de la ville. Bravo Team est envoyée sur place mais l’hélicoptère se crash suite à ce qui semble être un incident technique, forçant les membres à trouver refuge dans un mystérieux manoir après qu’ils aient été attaqué par des monstres. Séparé du reste du groupe, Richard Aiken s’est emparé d’une radio et tente désespérément d’appeler à l’aide son supérieur, Albert Wesker, conscient que la bâtisse abrite encore plus de créatures que la forêt environnante. Malheureusement pour lui l’appareil est endommagé et le voilà seul au milieu des zombies, des pièges et de choses plus dangereuses encore. De son côté le chef du commando prend conscience du problème et part donc à la rescousse avec Alpha Team…
L’histoire se fini pile là où le jeu commence, avec l’atterrissage de Barry Burton, Chris Redfield et Jill Valentine dans les montagnes, là où ils vont eux aussi rencontrer les chiens contaminés qui les pourchasseront jusqu’au laboratoire secret d’Umbrella déguisé en résidence luxueuse. Difficile de croire que cet épisode minuscule aura nécessité la participation de quatre écrivains, et pourtant ! L’idée de base fut ainsi établit par les dénommés Chris Kramer et Desmond Church, sur lesquels ils est très difficile de trouver la moindre information, un peu comme s’ils n’existaient pas, puis le scénario fut écrit par Dan Shaheen, un employé de Malibu Comics (un Mortal Kombat et deux Terminator à son actif) qui venait tout juste d’être racheté par Marvel… pour être ensuite réécrit par Kramer avec l’aide d’une Simone Seydoux tout aussi introuvable. Des pseudonymes de circonstance sans aucun doute, qui prouvent que les véritables artistes en charge du projet ne se sentaient pas très privilégiés de travailler sur la licence.
La plupart des critiques trouvables sur ce Resident Evil sont généralement mauvaises, sans doute rédigées par des fans déçus de voir qu’il ne raconte finalement pas grand chose. Ce n’était pourtant pas le but, puisque l’idée était simplement de faire un coup de pub et d’offrir une courte introduction au jeu tout en gardant le secret au maximum sur son contenu, afin d’attiser la curiosité du public sans leur gâcher la surprise de la découverte (rappelez-vous, c’était alors une nouveauté). Alors oui, cette BD ne montre rien. Ni morts-vivants sanguinolents, ni affrontements sauvages, pas même un coup de feu ! Mais le teasing est pour le moins soigné via un Richard Aiken totalement secoué et incapable de raconter avec exactitude ce qui lui est arrivé. Il butte contre une colonne qui reposait sur un bouton pressoir, libérant un gaz dangereux qui indique au lecteur que le manoir lui-même est piégé. Des zombies, on n’en croise que des silhouettes décharnées, aux crânes trouées ou transpercés d’un tournevis.
Rebecca est évoquée comme l’une des S.T.A.R.S. survivante se cachant quelque part dans l’édifice et les roquettes qui serviront à abattre le derniers boss sont chargées “juste au cas où” par une Alpha Team sur le pied de guerre. Le script fait même l’effort d’évoquer Dewey, le pilote de Bravo Team et membre généralement oublié des S.T.A.R.S, qui est décrit comme ayant été déchiqueté par “quelque chose d’horrible”. Trop révélateur est en revanche l’introduction d’Albert Wesker, directement présentée comme le traitre de service travaillant pour Umbrella et responsable du sabotage l’hélicoptère de Bravo Team. Loin du personnage froid et calculateur que l’on connait, il apparait ici trop expressif et autoritaire, comme un vulgaire méchant de dessin animé. Au moins les autres personnages restent fidèles à leur version numérique, entre un Barry Burton déjà bad ass, un Brad Vickers trouillard et un jeune Chris Redfield vu comme un petit connard arrogant et un rien pessimiste. L’air de rien, ça lui convient beaucoup mieux que ce côté G.I. Joe invincible qui le caractérise désormais !
Rayon bizarrerie on peut aussi relever quelques détails intéressant, comme une première représentation du QG des S.T.A.R.S. bien avant Resident Evil 2, dont les locaux sont déjà tout décrépis. Amusant aussi de voir Chris fumer sa clope puisque la version internationale du jeu censurera cette mauvaise habitude. Enfin on se surprendra à découvrir que le contact de Wesker chez Umbrella se nomme Holden, un personnage qui n’a jamais existé concrètement dans la franchise mais dont on retrouve pourtant l’existence aussi bien dans l’autre série comics qui sera publiée plus tard chez Wildstorm que dans le scénario écrit par George A. Romero pour son adaptation cinéma ! Ici il ressemble à l’habituel man in black à la X-Files avec un mug Umbrella sur son bureau. Enfin, la couverture signée Bill Sienkiewicz, un très grand nom de l’industrie, se retrouva recyclée pour créer la pochette du jeu pour les versions américaines et européennes. Dommage que l’on ne puisse pas vanter les dessins intérieures de la même façon…
C’est pourtant Dave “The Reverend” Johnson qui régale, artiste sur Superman: Red Son et gagnant d’un Eisner Award en 2002 pour son travail sur les couvertures de 100 Bullets et Detective Comics chez DC. En 1996 il n’était pourtant plus un débutant, mais son trait est ici particulièrement médiocre, brouillon, comme s’il cherchait à reproduire le style extrême d’Image Comics sans trop oser le faire. Un impératif éditorial, peut-être… Non pas que cela importe vraiment étant donné la nature publicitaire de l’ouvrage, et d’ailleurs les lecteurs d’alors ne furent sans doute pas très regardant car peu nombreux. En effet ce Resident Evil #1 (ne cherchez pas de #2, c’est un simple one shot et l’industrie à la mauvaise tendance de numéroter ses revues en dépit du bon sens) ne fut jamais commercialisé mais offert gratuitement par Capcom à quelques chanceux, en bonus avec le jeu, durant une courte campagne promotionnelle. De nos jours, l’objet est revendu à un prix d’or sur les sites de vente aux enchères. Désormais absolument inabordable, cette première BD Resident Evil est une rareté difficile à obtenir même si les plus acharnés pourront trouver quelques scans de qualité variable à travers des sites de fans ou de partage.
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