Night of the Living Dead: New York
(2009)
Aux alentours de 2009, la série régulière Night of the Living Dead commence à être progressivement déphasée par Avatar Press, qui a récemment trouvé plus hardcore que les zombies. Crossed de Garth Ennis a prouvé être très populaire, et ses créatures – des contaminés devenus littéralement la lie de l’humanité – sont beaucoup plus permissives pour élaborer des scènes chocs: auto-mutilation, cannibalisme, inceste, torture, viol, zoophilie… Rien n’est tabou et les monstres peuvent parler, intéragir avec tous types d’objets et même évoluer, ce qui est très utile pour éviter la répétition au fil des épisodes. A côté de ça nos pauvres morts-vivants avec leur petit appétit pour la chair humaine font vite pâle figure, et si cela n’empêche pas les artistes d’y aller à fond question nudité et gore, le sujet apparaît vite plus restrictif. Et pour des raisons de droits, c’est bien uniquement de La Nuit des Morts-Vivants dont il faut s’inspirer, et ô grand jamais conjurer George A. Romero dans l’affaire.
Pire: il convient de reprendre avant tout les idées développée par John Russo, qui se répète en boucle depuis sa novélisation pondue en 1974 à qui il a rajouté maintes suites et spin-off (Children of the Living Dead, Le Réveil des Morts-Vivants, l’édition spéciale 30ème Anniversaire de La Nuit avec ses horribles scènes supplémentaires). Sans surprise Night of the Living Dead: New York, petit one shot faisant office de special dans le catalogue de l’éditeur, coche à peu près toutes les cases: méchants bikers prenant des otages, personnages antipathiques, scènes de sexe gratuites. Ne manque que la condamnation religieuse des mœurs hippies et le compte serait bon ! On ne sera donc pas surpris de retrouver le nom de Russo au poste de scénariste, encore que son implication est sans doute à relativiser, ici en partenariat avec Mike Wolfer, créateur de l’arachnéenne Widow et responsable des quelques Friday the 13th publiés chez Avatar.
L’intrigue se déroule au huitième jour de la résurrection des morts, alors que le phénomène était jusqu’ici confiné en Pennsylvanie. Si les rapports officielles prétendent que les choses s’améliorent, ce n’est évidemment pas le cas mais la population générale est encore peu concernée par cette catastrophe s’étant déroulée dans un seul état. Mais une nuit les zombies finissent par débarquer, envahissant la Grosse Pomme en masse, et la BD suit le sort fatidique de quelques personnes s’étant réfugié dans un petit diner. Dans le lot un couple de touristes, une maman avec son bébé et trois voyous armés et violents, qui ne vont aucunement s’entendre alors que la fin du monde arrive. Mais si vous vous attendez à une exploration du comportement humain dans tous ses torts et ses travers, vous serez bien déçu: typique de John Russo, la caractérisation est simpliste au possible avec des criminels exagéréments brutaux et une femme mauvaise rabrouant constamment son compagnon. Pas de toute nous sommes bien dans la Nuit des Morts-Vivants version Avatar Press, mais honnêtement cela n’est pas tellement un problème ici du fait de la courte durée de lecture. Bien sûr le concept aurait mérité une véritable mini-série pour exploiter tout ce que New York peut offrir en cas d’attaque zombie, mais l’idée semblait juste de présenter une atmosphère de fin du monde avec quelques situations sincèrements cauchemardesques, et là-dessus c’est plutôt réussi.
Un tunnel de circulation est envahi tandis que les automobilistes sont coincés pare-chocs contre pare-chocs, les goules brisant les fenêtres pour les happer hors des véhicules, le chaos du centre-ville provoque quelques accidents entre voitures et piétons, un lâche abandonne un bébé dans la rue lorsque celui-ci se met à pleurer, attirant l’attention des créatures, et quelques malheureux s’étant réfugié en haut de l’Empire State Building finissent par se jeter dans le vide en réalisant qu’ils sont piégés comme des rats, les morts-vivants venant d’atteindre le dernier étage… Le cadavre déchiqueté d’une stripteaseuse est visible dans une cabine de peep show, un ferry devient hors de contrôle et tourne en rond entre les îles avec le capitaine mort à la barre, et il y a même ce qui pourrait être une référence à L’Avion de l’Apocalypse (mais probablement pas) quand l’héroïne perchée en haut d’un gratte-ciel voit un hélicoptère lui envoyer une échelle, mais que son poid combiné à celui de quelques zombies ayant également grimpé fait crasher le giravion dans un immeuble voisin. Aussi il y cette idée survolée qui veut que les morts se montrent stratégiques dans leur invasion, se rendant à New York par les quatre points cardinaux comme pour repousser la population en un même endroit, à Time Square. Et puis la dernière image est intéressante, les monstres débarquant à Liberty Island en tenant des têtes coupées qu’ils lèvent en l’air comme pour imiter la posture de la Statue de la Liberté, tandis que la narration évoque le poème du Dernier Colosse avec son fameux “Give me your tired, your poor”. L’Amérique, nouvelle terre d’accueil.
Du reste Night of the Living Dead: New York demeure du pur Avatar Press avec gore et nudité à foison, sous les pinceaux de Fabio Jansen (Justice League: The Rise of Arsenal). Une femme à poil suce un producteur de film dans une limousine (tandis qu’il pense faire fortune en exploitant le filon morts-vivants, sans doute une énième pique de Russo envers son ancien partenaire), les zombies couverts d’hémoglobine font un carnage, creuvant des yeux avec leurs ongles, arrachant des gorges et démembrant leurs victimes, des crânes explosent sous l’effet des balles et les corps des défenestrés explosent en gerbes de sang et de tripes à l’impact. Après tout voilà bien le gagne-pain de l’éditeur, et si l’intérêt s’en retrouve forcément limité, il demeure efficace ici grâce au rythme frénétique de l’histoire qui donne assez bien la sensation de voir la ville être subitement mise à feu et à sang. Encore une fois un tel concept aurait dû être raconté en plusieurs numéros afin de pleinement fonctionner, mais en l’état ce n’est pas si mal que ça. A condition de savoir à quoi s’attendre. Peut-être que si la série n’avait pas été remplacée progressivement par Crossed, nous aurions pu voir d’autres numéros spéciaux du même genre comme Night of the Living Dead: Los Angeles ou Night of the Living Dead: San Francisco. Voilà qui aurait fait très bien sur les étagères, juste à côté du Night of the Living Dead: London de FantaCo.
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