My Better Half (1993)

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My Better Half

(1993)

 

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De son véritable titre 烹夫 (cuisinier), My Better Half est avant tout l’idée de son producteur, Pak-Sang Luk, alias Po Sheng Lu (The Devil, Butcher Wing), qui en écrivit le scénario et dont se fut le tout dernier film. Il proposa sont projet au prolifique Yee-Hung Lam, un spécialiste du cinéma d’exploitation ayant touché à tous les postes: acteur, compositeur, directeur artistique, scénariste (Seeding of a Ghost), mais surtout réalisateur avec essentiellement des œuvres de genre à son actif, comme The Devil Strikes, The Woman Behind ou le polisson The Other Side of Dolls. Des titres pleins de sexe et de violence généralement classés category III, ce qui tombe bien puisque c’était justement requit de sa part ici. Car à la manière de Dr. Lamb, le sujet principal s’inspire d’un crime sordide véritable ayant défrayé la chronique en son temps. Il n’est donc guère surprenant de voir que l’affiche elle-même évoque celle de The Untold Story, qui fit un gros carton cette même année.

 

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Pour autant My Better Half se veut plus déprimant que choquant, tournant finalement moins autour des meurtres sanglants que des relations conflictuelles mari / femme. En choisissant le format de l’anthologie avec trois histoires d’environ trente minutes chacune, le script présente avant tout le portrait d’épouses malheureuses dont les mariages vont finir en tragédie. Le premier épisode, 胭脂扣 (bouton rouge), se déroule au temps de la seconde guerre sino-japonaise quelque part entre les années 30 et 40 et évoque presque un conte traditionnel qui aurait été mis au goût du jour. L’histoire s’intéresse à une prostituée dont la beauté attire deux prétendants, l’un délicat et amoureux, l’autre rustre et queutard (Maître Shi et Maître Chee selon les sous-titres VCD, ce qui n’est pas confus du tout). Lorsque le premier décide de l’épouser, elle saute sur l’occasion, se faisant même aider de sa gentille maquerelle qui doit certainement en retirer quelques intérêts financiers. Hélas le gentilhomme est malade et ne survivra pas à sa nuit de noces.

 

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Veuve avant même d’avoir pu profiter de son mariage, la jeune femme doit reprendre son ancienne activité même si personne ne veut coucher avec elle suite à ce qui s’est passé. Le manque d’argent commence à se faire ressentir et, avec l’occupation japonaise, les clients se font de plus en plus rare. Seul Maitre Chee se montre intéressé et bientôt l’héroïne se résigne à devoir coucher avec lui… C’est alors que son défunt mari revient sous forme de fantôme, lui sauvant la mise grâce à ses pouvoirs surnaturels et expliquant qu’il reste une chance pour ressusciter avec son aide: en baisant suffisamment avant le lever du soleil, il devrait pouvoir gagner assez d’énergie mystique pour revenir à la vie ! Et le couple de s’y mettre sérieusement, essayant position après position qu’ils annoncent à haute voix comme s’il s’agissait de techniques de kung-fu.Monkey steals a peach” dit l’une. “Mighty dick visits your pussy” répond l’autre.

 

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Tout cela sous le célèbre thème musical de Il Etait Une Fois en Chine bien sûr, sinon ça ne serait pas drôle. Et pas drôle, la conclusion l’est sacrément puisque le rituel va finalement échouer ! La dernière image, montrant le fantôme observer sa femme contrainte de satisfaire un client en pleine rue avant de se détourner et disparaitre, frappe assez fort, donnant le ton pour le reste du film. Le spectateur occidental peu habituer aux changements de tons brutaux du cinéma chinois aura sans doute du mal à comprendre ce brusque virage, étant donné que jusque là le segment faisant plutôt dans la comédie légère et bon enfant. De la maquerelle devant jouer la mère de l’héroïne sans faire de gaffe devant la famille de Shi pour leur présenter la future mariée aux facéties du fantôme pas effrayant pour un sous (il rhabille sa femme par la magie du montage et donne un bon kanchō invisible à son rival), rien ne laisse présager une telle direction.

 

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Mentionnons aussi les deux longues scènes de sexe qui s’éternisent à n’en plus finir et finissent très vite par lasser tant elles sont filmées sans le moindre érotisme, la nudité étant présentée en une succession de gros plans parfois peu flatteurs. On se rattrapera avec les actions franchement amusantes de la gérante du bordel qui provoque accidentellement une érection gigantesque à un client à l’aide de l’acupuncture, et distribue à ses filles leurs salaires misérables auxquelles elle déduit absolument tout, des congés aux jours de règles en passant par les typhons et l’utilisation du moindre matériel. L’actrice revient d’ailleurs dans le deuxième sketch, 应召女郎 (call girl) pour un rôle secondaire similaire. L’intrigue se déroule à une époque plus moderne (les années 60 ou 70 selon tout le monde sur Internet, les années 50 d’après l’affiche) et suit les déboires d’un chef de famille terrassé par la maladie.

 

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Affaiblit au point de ne plus pouvoirs travailler, celui-ci est coincé au lit tandis que sa femme doit travailler deux fois plus pour gagner un peu d’argent. Seule leur gentille colocataire leur permet de tenir un peu, veillant sur leurs jeunes enfants et ne leur réclamant pas leur part du loyer. Une urgence médicale va malheureusement aggraver les choses et l’épouse dévouée apprend que son mari va devoir subir une opération coûteuse qu’elle n’a pas les moyens de payer. Désespérée, et un peu poussée par son amie, elle décide alors de vendre son corps à un voisin de quartier, un marchand de poulet au courant de sa situation et très intéressé par elle. C’est l »affaire d’une seule fois mais cela ne sera pas sans répercutions une fois l’époux rentré au bercail. Désormais en meilleur forme, il réalise à quel point il a négligé sa femme depuis ces derniers temps et entreprend de lui faire l’amour… sans comprendre que celle-ci est toujours traumatisée par ce qu’elle a dû faire.

 

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Contrairement au cas précédent le script ne donne jamais dans l’humour et ne laisse pas de doute quant à la manière dont les choses font se terminer. L’homme va évidemment accuser sa femme d’adultère et se montrer violent, celle-ci rétorquant qu’elle n’a jamais été heureuse depuis qu’elle a été mariée avec lui, n’ayant jamais une seconde de répit. La dispute est honnêtement plus triste qu’autre chose, les sentiments des deux partis étant parfaitement compréhensible, et en ressort une atmosphère teinté d’un réalisme douloureux. Même l’argument sexuel de l’histoire est mis en retrait par le réalisateur qui semble vouloir se concentrer sur le drame dans son ensemble plutôt que la partie de jambes en l’air qui n’a rien d’émoustillante. Jusqu’au-boutiste, l’histoire finira dans le sang avec la tentative de meurtre-suicide d’un des protagonistes sur l’ensemble de sa famille.

 

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Une crise de folie que l’amour parviendra cependant à atténuer un tant soit peu pour notre grande surprise, d’autant que les category III n’ont pas tendance à épargner qui que ce soit dans ce type de situation. La présence d’un prêtre chrétien joué par un gweilo, semble même aborder des thèmes comme le Pardon, puisque si la colocataire va d’abord rejeter l’homme d’Église car croyant en Bouddha et ne se sentant pas à l’aise avec le concept du péché présent en chacun de nous, elle fera finalement appel à lui pour offrir aux défunts une oraison funèbre. Si ce n’est pour un malheureux sous-titre involontairement drôle lors d’un moment de tension (“Damn you, dirty woman, I must strangle you !”), Call Girl se montre beaucoup plus efficace et équilibré que le segment précédent, n’hésitant d’ailleurs pas à se montrer plus graphique comme lorsque l’héroïne se fait taillader le visage à coups de couteau.

 

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Et avec ça My Better Half embraye sur son “vrai” sujet, l’adaptation très libre d’une affaire criminelle datant de 1988: le cas Ma Jiezhi, où une femme tua son mari et découpa ensuite son corps en morceaux avec une tronçonneuse avant de faire bouillir les morceaux dans une grande marmite pour les rendre méconnaissable. La meurtrière avoua le crime à sa fille et la police enquêta, mais aucun corps ne fut jamais retrouvé. L’absence de tests ADN empêcha toute identification formelle sur les tâches de sang retrouvées dans le récipient, et on diagnostiqua à la suspecte une schizophrénie sévère avec hallucinations, rendant difficile de savoir si elle a véritablement tuée son mari ou imagina l’avoir fait. Cela força le juge à transformer l’accusation de meurtre au premier degré en homicide involontaire et elle fut condamnée à un internement en établissement psychiatrique. Elle fut relâchée en 1995, soit deux ans après la sortie du film avant de disparaitre mystérieusement.

 

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Pak-Sang Luk s’inspira très certainement d’un téléfilm conçu par Asian Television sur le sujet, Hong Kong Criminal Archives – Husband in Cook, sorti en 1992. De quoi lui donner du grain à moudre à une époque où les serial killers deviennent à la mode à Hong Kong, et avec 烹夫, qui donne son titre à l’anthologie, il livre une adaptation très libre de ces évènements, louchant du côté de Daughter of Darkness et Dr. Lamb pour en reprendre la structure. Nous sommes dans les années 90 et une femme suspectée du meurtre de son époux est questionnée par la police par la police. Ils n’ont pas de corps mais une marmite et une tronçonneuse tâchées de sang ainsi que ses propres déclarations, celle-ci avouant sans hésitation l’avoir démembré. N’ayant que deux jours pour obtenir des explications concrètes de sa part, les enquêteurs lui demandent de tout reprendre depuis le début mais vont se heurter à sa folie toujours plus grandissante.

 

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Hôtesse dans un bar, l’héroïne séduisit un riche client qu’elle épousa peu après pour profiter de sa situation. Agressive et maladivement jalouse, elle fini quelques années plus tard par s’inventer des infidélités imaginaires dès que son mari devait partir pour son travail, bien aidée il est vrai par le fait que celui-ci la délaissait. C’est après un avortement particulièrement dégueulasse (le médecin retire des morceaux de fœtus à la pince sans pratiquer d’anesthésie) qu’elle bascula, séquestrant et poignardant son mari afin de lui faire avouer ce qu’il n’a jamais commis, le forçant même à prendre soin d’elle malgré sa blessure ! Les faits réels sont évidemment complètement détournés et de nombreux éléments sont modifiés, supprimés ou rajoutés sans aucun état d’âme. Peu importe au scénariste et au réalisateur qui veulent simplement nous montrer la maniaque débiter un cadavre à la tronçonneuse dans la douche à la Scarface: ce qui compte c’est l’exploitation de l’horreur.

 

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My Better Half étant doté d’un budget minuscule, ce qui saute aux yeux avec ses décors minimalistes donnant parfois l’impression de regarder une adaptation de pièce de théâtre, le gore n’est pas franchement au rendez-vous. La découpe se déroule hors champ et il faudra se compter de quelques jets de sang, même si une tête coupée et quelques débris humains sont bien plongés dans une cocotte minute. Et si cela suffit au film pour gagner ses galons de category III crado, ce sont finalement plus les scènes au poste de police qui intéressent, le personnage ayant complètement basculé dans la folie à ce moment là. Elle se caresse devant les flics en pensant à ses relations sexuelles, veut donner le sein à un bébé en plastique qu’elle pense être son enfant et désigne sa propre photo lorsque la police lui demande d’identifier la maitresse du défunt. Un commentaire politique peu subtile sur la rétrocession à venir est même glissé ici.

 

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Assez grinçante de nos jours cette scène où la suspecte refuse de collaborer avec la police hong kongaise, sous prétexte que 1997 n’est pas encore passé et leur criant “Long live liberty, long live freedom” à la figure. Tout cela fait de Cuisinier, ou Cook, le sketch le plus convenable du lot. Celui qui correspond le plus à ce que l’on imagine être un category III dans sa démarche et finalement le plus divertissant malgré qu’il s’agisse du moins honnête et artistique. Comme avec le premier segment, on pourra reprocher quelques longueurs, notamment dans ses scènes de sexe faisant du remplissage, et une conclusion abrupt et précipitée montrant les enquêteurs se résigner à ne pouvoir condamner la meurtrière faute de corps au détour d’un court échange avec leur chef. La dernière image demeure assez lugubre cependant, s’attardant sur les traces de sang évocatrices au fond de la marmite. L’absence de l’actrice Eliza Yue peut aussi être vu comme un malus.

 

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Non contente d’être magnifique et très douée, la comédienne, aussi connue sous le nom de Yu Chai-Wai, est une spécialiste du cinéma Bis chinois (The Big Score de Jing Wong, Born to Fight de Godfrey Ho et tout un tas de cat III comme Curse et Evil Black Magic). Elle incarne ici la tenancière de la maison close de la première histoire ainsi que la gentille colocataire de la seconde, seules personnages positifs aidant les héroïnes des deux tragédies autant que possible, sans parvenir à les sauver pour autant. Un concept intéressant aussitôt bazardé quand vient le troisième chapitre. Pas grave, sa présence aide déjà beaucoup ce petit film qui certes n’a pas de quoi tenir la comparaison avec les plus gros représentants du genre, mais demeure intéressant dans sa manière de se focaliser sur ses personnages et leur drame avant tout, et ce malgré un déluge de nudité certainement commandité par le producteur / scénariste. Coup de chance ou bonne recette ?

 

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