Chez les amoureux de la contre-culture et du cinéma avec des couilles, il restera à jamais l’inventeur du projet RoboCop. Pour la masse populaire branchée télé-poubelle et émissions interchangeables, il sera reconnu comme une aimable figure paternelle à travers les séries Preuve à l’Appui et NCIS: Los Angeles. Les anciens se souviendront de lui comme du fils de José Ferrer, auteur d’un L’Affaire Dreyfus de 1958, tandis que les autres se rappelleront qu’il fut le cousin de George Clooney.
Mais outre ces reconnaissances, plutôt simples et évidentes, il existe une poignée de personnes qui salueront Miguel José Ferrer pour qui il était vraiment: lui-même.
Avec son improbable tête toute ovale et ses yeux globuleux, l’acteur était un de ces seconds couteaux dont on a tendance à se souvenir de la trogne d’un film à l’autre sans pour autant retenir son nom. Et s’il n’a certainement pas eu la carrière qu’il méritait, nombreuses furent ses apparitions mémorables, de la série B à la grosse production: couard et geignard dans Deep Star Six, il était sans doute l’élément le plus mémorable du film après le titre français (M.A.L. – Mutant Aquatique en Liberté). Il fut ce soldat déprimé a qui Charlie Sheen devait moucher le nez avant de l’encourager à “zigouiller pleins de méchants” Dans Hot Shots ! 2. Il intervint plusieurs fois dans Les Contes de la Crypte, sorte de rite de passage pour tout comédien qui se respecte durant les années 90, fut le vice-président des États-Unis dans Iron Man 3 où il tentait d’être William Saddler à la place de William Sadler (comme on le comprend) et fit un Lloyd Henreid mémorable dans Le Fléau, d’après Stephen King.
Et du binoclard du Maine parlons-en, puisque Miguel Ferrer a surtout participé à l’une des meilleures adaptation de l’écrivain. Probablement l’une des moins connues, mais qui demeure un de mes films préférés. C’était Les Ailes de la Nuit, de Mark Pavia (d’après la nouvelle Le Rapace Nocturne / L’Oiseau de Nuit), qu’il portait en bonne partie sur ses épaules. Il y incarnait l’un des pires trous du cul qu’il soit, le journaliste Richard Dees, qui emmerdait déjà Christopher Walken dans le Dead Zone de Cronenberg. Pas un méchant, pas un assassin, juste un connard égocentrique sans aucune morale, à la recherche de gloire personnelle. Colérique et asociale, le personnage fait son pain sur la misère des autres et semble ne ressentir aucune émotion positive hormis lorsqu’il insulte autrui.
Photographe en perte de vitesse pour un canard à sensation, il y couvre les crimes les plus atroces, prenant les clichés les plus immondes et gavant son lectorat de récits choquants, n’épargnant ni les détails ni la vie privée de ses victimes. Le film commence lorsque, sur le point de se faire remplacer par une jeunette aux dents longues, il se retrouve sur l’affaire Dwight Renfield. Un tueur en série qui se balade en avion, massacrant ses proies d’aérodrome en aérodrome. Sur ses traces, Dees semble d’avoir avoir retrouvé sa hargne d’antan, jusqu’à ce qu’il réalise à quoi point son sujet est tordu.
Les Ailes de la Nuit, ou lorsqu’une sorte de vampire en rencontre une autre…
Et Miguel Ferrer y livrait, à mon humble avis, l’une de ses meilleures performances. Le regard sombre, dépité par son propre rythme de vie et portant un regard cynique sur l’humanité, il y apparaissait comme fascinant malgré son attitude détestable. Un connard, oui, mais un connard tellement vide à l’intérieur qu’il nous faisait comprendre son besoin d’être ainsi. Loin de l’homme d’affaire sans scrupule et cocaïné de RoboCop. il se montrait au contraire bien moins expressif, laissant son charisme naturel fonctionner pour lui.
La perte d’un tel acteur me chagrine, et j’aimais bien sa personne. Disparu il y a quelques heures seulement suite à un cancer de la gorge, il n’aura sans doute pas les hommages qu’il mérite.
L’un de ses derniers travaux, qui sortira posthume dans quelques jours, est son travail de doublage sur le prochain film d’animation de DC Comics, Teen Titans: The Judas Contract, où il incarne Deathstroke. Étrange coïncidence: l’annonce officielle de la sortie du dessin animé aura eu lieu le jour même de son décès… Voilà au moins qui me donnera envie de voir la chose, moi qui était très réservé depuis la baisse de qualité des dernières productions de la compagnie.
Et d’ici là, plutôt que de me refaire RoboCop une énième fois, je réserve ma soirée au vampire volant du King et au crabe préhistorique de Sean S. Cunningham. Parce que franchement voir Miguel Ferrer leur voler la vedette, ça n’a pas son pareil !
“War. It’s fantastic !”
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