L’Éveil de la Bête
Beast Rising
(1987)
Comédien confirmé ayant fait ses preuves au théâtre, et œuvrant occasionnellement pour le petit écran en faisant l’acteur dans quelques séries et téléfilms sans envergures, Gregg Almquist s’est aussi par deux fois attelé à l’écriture avec ce Beast Rising, puis Wolf Kill. Malgré une belle prose, notre écrivain cumule pas mal de passages à vide et au final ne raconte pas grand-chose d’intéressant…
Dans un coin perdu du Minnesota, près du Lac de la Femme et des marais, arrive Laird Menton, un jeune homme perturbé tout juste sorti de la clinique où il fut interné après le suicide de sa petite amie. Afin de se ressourcer il s’installe chez un parent éloigné, Rosmer Erasmus Olson – dit Remo, un vieil excentrique alcoolique qui est obsédé par le lac ainsi que par le Livre de Gilgamesh, œuvre antique qu’il considère comme sa Bible. Peu à l’aise par les délires de Remo et le manque d’ambiance du petit bled, Laird se laisse aller au travail physique et se fait draguer par une jeune femme sans même y prêter attention. Il accepte tout de même son invitation à la baignade malgré le comportement de Remo qui est du genre à prendre le fusil pour chasser les intrus de “son” lac. C’est alors qu’une amie qui les accompagne disparaît subitement sous l’eau. Son corps ne sera pas retrouvé. Intrigué par tous les secrets tournant autour du lac, Laird décide d’enquêter…
Transposition du mythe du Monstre du Loch Ness aux USA, Beast Rising possède la même particularité que son sujet d’inspiration: du vent et rien que du vent ! Alors que le titre nous évoque l’apparition d’un Léviathan gigantesque, nous passons le plus clair de notre temps à nous demander si la bête existe vraiment. La faute non pas à l’histoire, car la créature est belle et bien là mais volontairement cachée au lecteur, mais à l’auteur qui passe son temps à nous décrire les paysages (on va le savoir que le mica ça fait joli sous l’eau !) et à nous servir des discussions très dispensables car sans utilité aucune à l’intrigue.
Attention, le style de Almquist est loin d’être indigeste et même s’il a tendance à bien trop surcharger ses descriptions (notamment celles des marais et du lac, très poétique mais redondantes, surtout au bout d’une dizaine de chapitres), le tout se lit facilement voir même rapidement. Seulement le récit traîne en longueur bien plus qu’il ne le devrait et aurait mérité d’être condensée plutôt que de s’étaler inutilement sur quatre parties. L’intrigue progresse avec peine, l’auteur insiste beaucoup trop sur le Livre de Gilgamesh au point d’en assommer le lecteur alors qu’il aurait pu se limiter à une ou deux références, la vie des bouseux du coin donne lieu à des scènes et des dialogues vides d’intérêt mais plein de remplissage (la partie de base-ball, trop longue par rapport à ce qu’elle apporte, par exemple) et surtout l’enquête de Laird qui n’aboutit qu’en fin d’histoire est un brin trop longue. D’autant plus que le lecteur a un bon train d’avance sur lui, même si l’on est officiellement au courant de l’existence du monstre en même temps que le protagoniste.
Autre défaut, et c’est un comble pour une histoire si étirée, le sous-développement total de certains personnages ! Comme Billie, la tenancière du bar qui a vu son père être l’une des victimes de la créature lorsqu’elle était jeune et qui est persuadée que le Mal rôde dans le lac, mais qui ne va pas un seul instant mener son enquête excepté dans une conclusion franchement expédiée et pas particulièrement nécessaire au vu de ce qui était raconté dans le chapitre précédent (bouclant la boucle assez habilement concernant le personnage de Laird). Ou encore le monstre lui-même, au final une simple créature au long cou, à grosses bosses et tête de dragon. Un plésiosaure dont l’espèce a été piégée lors de la reformations des continents. Trop simpliste et cela s’avère franchement irritant.
Relativisons tout de même: si Beast Rising peut être ennuyeux par ses longueurs, il sait se montrer sympathique au détour de quelques séquences. On note ainsi le climat oppressant qui se fait ressentir a chaque fois que Laird se promène autour du lac, et ça dès sa toute première baignade où il est témoin de l’étrange frétillement d’un banc de poissons, et une atmosphère de paranoïa qui règne lorsque Remo lui affirme qu’il est entrain de perdre les pédales: le vieillard s’empresse d’évoquer le séjour en clinique du jeune homme à ses proches et les soupçons finissent naturellement par se porter sur celui-ci, lequel devient de plus en plus nerveux. Et puisque la créature est pratiquement invisible de tout le bouquin, on en vient effectivement même à avoir des doute quant à son état de santé mental…
On peut aussi saluer le fait que Laird ne soit pas représenté comme un parfait héros. Bien au contraire, il ne témoigne d’aucune sympathie pour qui que ce soit, même pour la pauvre jeune femme qui lui fait du charme. La mort des quelques personnes de son nouvel entourage ne l’affecte pas et attise simplement son intérêt et sa curiosité pour les abords du lac. Sans parler de la romance éventuelle avec Billie qui se termine par le biais d’insultes et de coups de fusils ! La conclusion n’a rien d’un happy-end conventionnel et c’est un bon point. Dommage que tout cela soit noyé dans une telle quantité de vide car l’intérêt diminue fortement et toute l’atmosphère mise en place par instant retombe comme un soufflé lors des scènes qui suivent.
On ne retient donc pas grand-chose de ce livre au final, lequel s’étire bien plus qu’il ne le devrait et qui plonge bien souvent dans l’inertie plutôt que de tétaniser d’effroi ou susciter la passion du mystère. Un grand coup d’épée dans l’eau pour cette histoire de monstre marin.
Pas encore lu celui là,cela ne saurait tarder!
Future bonne lecture alors 😉