Hellblazer #292 – House of Wolves (2012)

ROAD TO HALLOWEEN IV

 

 

Hellblazer #292

House of Wolves

(2012)

 

Well, you know the french. Everything’s got to be about sex.

 

 

L’amateur éclairé d’Horreur et de Fantastique pourra faire un rapprochement entre John Constantine et Harry D’Amour, deux détectives de l’occulte british dont les aventures baignent dans une ambiance ouvertement horrifique. Deux anti-héros qui boivent, fument, baisent, sont tatoués et percés et qui luttent contre des abominations venu d’autres dimensions. Malgré quelques différences mineurs dans leur physique et leur comportement, il faut admettre qu’on les confondraient volontiers. Hasard ou non, ils partagent d’ailleurs la même date de naissance: 1985. D’Amour tient la vedette de la nouvelle The Last Illusion, publiée dans le sixième Livre de Sang de Clive Barker (plus tard transformé en film par son propre auteur, Le Maitre des Illusions) tandis que Constantine fait ses premiers pas dans les pages du Swamp Thing d’Alan Moore, sous le label Vertigo de DC Comics. L’analogie va encore plus loin puisque, quand celui-ci devient suffisamment populaire pour avoir sa propre série, le titre considéré à l’époque n’est autre que… Hellraiser ! Mais la sortie au même moment du film Hellraiser sur les écrans, tourné par Barker lui-même d’après son roman, entraine un changement de dernière minute et le comic-book devient alors Hellblazer – la sonorité demeure. Des dizaines d’années plus tard, la saga cinéma est adaptée sous le même média chez Boom ! Studio, qui fait de D’Amour l’un des personnages principaux. Tout ça pour dire que les fans de l’un ferait bien d’aller voir chez l’autre, ça pourrait leur plaire.

 

 

Et plaisant, Hellblazer #292 l’est. Petit épisode indépendant ne nécessitant heureusement pas d’avoir lu les 291 autres qui le précède, House of Wolves est moins une histoire de loup-garou que l’exploration de la relation bestiale qu’entretiennent ses protagonistes. Car à l’époque la série touche à sa fin et le créateur en charge de la série, Pat Milligan (un vétéran de Vertigo ayant aussi bossé chez 2000 AD), aura pas mal secoué le protagoniste durant son run: mort d’une compagne, mariage avec une autre, amputation d’un doigt, conflit familiale avec sa propre nièce que son alter-ego démoniaque a violé… En cinquante numéros (Hellblazer #250-300) l’auteur aura énormément chamboulé un Constantine pourtant habitué aux coups dur et à une vie de misères. En témoigne sa relation plutôt extrême avec Epiphany Greaves, jeune alchimiste et fille d’un gangster londonien notoire, dont il s’éprend et fini par épouser (#275). Une relation chaotique, forcément borderline étant donné leur style de vie extrême. Et c’est justement ce qu’explore la présente intrigue, s’amusant surtout à visiter leur passé comme pour faire un commentaire sur leur situation actuelle. Ainsi l’histoire commence de façon anodine, quand Constantine et Piffy (oui c’est apparemment le diminutif de Epiphany, faut s’y faire) rentrent d’une soirée cinéma après avoir vu un petit film d’horreur du nom de House of Wolves. Un truc de loup-garou qui va sérieusement les perturber…

 

 

Le couple ne se l’avoue pas, mais chacun se remémore une expérience passée avec un lycanthrope dont ils ont gardé, l’un comme l’autre, quelques séquelles psychologiques. Ainsi, dix ans plus tôt et alors qu’elle n’avait que quatorze ans, l’alchimiste fut contrainte de créer une drogue sexuelle pour une groupe d’élite londonien sur lequel son père avait des vus. Parce qu’il désire s’élever au-delà du rang de simple criminel, le paternel promet une solution miracle pour les problèmes d’érection des vieux riches avec qui il traine, en échange d’une introduction dans l’un de leurs clubs. Il en profite même pour attirer leur attention sur Piffy, précisant a quelle point sa fille est belle, intelligente et “pure”. C’est quelque chose qui n’échappe pas à l’adolescente et d’aucun pourrait arguer que si sa potion n’est pas parfaite, c’est plus ou moins volontaire de sa part, façon de se venger. Quoiqu’il en soit le problème est que le produit fonctionne trop bien. Car après injection, les vieillards deviennent beaucoup trop vigoureux durant leur parties de jambes en l’air, se transformant en bêtes féroces… littéralement ! Devenu loups-garous, ils dévorent leurs partenaires et quiconque se dresse sur le chemin. L’un d’eux, qui n’avait prit qu’une faible dose, parvient à redevenir lui-même et menace le père de la responsable pour qu’il trouve une solution. Et alors que sa fille fabrique un antidote, celui-ci doit désormais retrouver un des lycanthropes qui s’est égaré quelque part dans la ville…

 

 

C’est là que John Constantine entre en jeu puisqu’il est celui qui se fait engager pour traquer la bête et lui injecter le sérum. A l’époque il ne connait pas Epiphany si ce n’est de réputation, et traite avec son père sur quelques petits jobs de ce genre. On comprends alors vite que, si le couple n’en a pas conscience, il partage en fait le même secret. Et donc, après avoir accepté la mission parce qu’il a besoin d’argent, le détective se fait évidemment blesser par le monstre une nuit de pleine lune. La transformation est immédiate mais, avant de perdre ses esprits, il se remémore que la fille de son partenaire peut lui fournir l’antidote. Cela va inconsciemment influencer sa version lycanthrope qui débarque dans la maison de son complice… pour tomber aussitôt nez-à-nez avec sa future femme ! En toute logique la créature ne devrait faire qu’une bouchée d’elle, mais c’est alors que quelque chose se passe. Un bref moment entre eux, inexplicable. Puis Constantine est neutralisé d’un bon coup de batte en argent sur le crâne par le père de l’adolescente, et sans épiloguer sur la conclusion de cette histoire, est évidemment sauvé. Même si son compère le vire à coups de pied au cul, très mécontent de son attitude. Une décade plus tard, ce souvenir étrange le hante encore et le détective espère que ce qui reste du Loup en lui s’est dilué avec le temps.

 

 

Le scénario explore les retombées de toute cette intrigue sur la vie présente des protagonistes. Constantine se souvient du goût d’une jeune femme sans savoir pourquoi, ni de qui il s’agit. Piffy n’a qu’à moitié conscience que sa rencontre avec le loup-garou a éveillée sa sexualité. L’attirance qu’elle a ressenti pour lui était difficile a décrire et a accepter, l’adolescente se demandant même ce qui cloche chez elle. Et plus tard, après réminiscence, le couple va faire l’amour très sauvagement, chacun cédant à ses pulsions “animales”. Milligan n’hésite pas à faire à utiliser les grands sabots pour faire le rapprochement entre le lycanthrope et le sexe, comme lorsqu’il explique l’expression française “rencontrer le loup” (symbolisant la perte de la virginité) ou lorsqu’il évoque le besoin de violence dans la vie sexuelle du couple, Piffy aimant parfois saigner durant leurs rapports. Malgré les jardins secret ou comportement finalement solitaire dont peuvent faire preuve Constantine comme Epiphany, les deux se retrouvent assez bien ensemble dans ce genre de vie agressive. La dernière image les montrent tout prêt à remettre ça, tandis qu’une célèbre réplique du Petit Chaperon Rouge est recyclée pour l’occasion. Tout ceci est évidemment sublimé par les illustrations du légendaire Simon Bisley, dont le style si particulier colle totalement au thème de cette histoire. Son travail inclut la couverture qui est d’ailleurs très évocatrice. Seul bémol ? Ses couleurs généralement vibrantes (voyez la couverture justement) sont absentes, l’artiste n’ayant fait que les crayonnés et l’encrage. C’est un autre coloriste qui le remplace et celui-ci a opté pour des tons plus sombres et dépressifs. Rien de mauvais en soit, mais on perd une partie de ce qui fait la renommée du prestigieux dessinateur et c’est bien dommage.

 

 

Hellblazer #292 résume parfaitement la vie de ses héros: instable, violente, sauvage, mais d’où découle une forme de plaisir bestial, instinctif et finalement très satisfaisante. Ce n’est évidemment pas chez des personnages plus « polis » de DC Comics que l’on retrouverait ça, et même en évoquant d’autres maitresse de John Constantine comme la belle et désirable Zatanna, il est peu probable que le détective puisse autant se laisser aller. Probablement une belle preuve que Hellblazer et son anti-héros nécessitent le label Vertigo pour rester eux-même. Huit numéros plus tard, le titre se termine pour de bon et une version plus lisse du détective de l’occulte apparaîtra durant l’ère misérable de New 52 chez l’univers super-héroïque de DC, sous le titre de Constantine. Même la série télé qui en découle n’est parvenue que difficilement à emprunter des éléments de Hellblazer, devant faire des pieds et des mains pour montrer son héros fumer ! Cette nouvelle version rendra l’âme bien vite, remplacée par Constantine: The Hellblazer, supposément en retour en forme pour l’exorciste même si le mal est déjà fait. Garth Ennis se moquera évidemment de la situation dans un de ses propres livres, Sixpack and Dogwelder: Hard-Travelin’ Heroz, avec un one-shot intitulé Heckblazer où Constantine apparait carrément en larmes sur la couverture.

 

 

Constantine version télé a purement été annulé plutôt que d’être corrigé et le projet cinéma Justice League Dark (inspirée du comic-book du même nom, écrit par Milligan et se déroulant en parallèle de Constantine, où le détective retrouvait Zatanna pour des aventures en équipe) semble au point mort depuis un moment. Le constat est malheureux mais DC, malgré ses bonnes décisions avec Rebirth (un relaunch forcé vu les mauvaises ventes et qui corrige pas mal d’erreurs de New 52) ne semble pas décidé à corriger le tir. Preuve en sont les prochaines apparitions à venir du personnage: une invitation dans des épisodes de la série Legends of Tomorrow, forcément tout public, et une série animé, Constantine, dont on ne sait pour l’instant pas grand chose. Par miracle, Matt Ryan est impliqué dans tous les cas, c’est toujours ça de pris !

 

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