Gone Are the Days (2018)

 

Gone Are the Days

(2018)

 

 

Mis en boite en 2016 et ne débarquant que maintenant, Gone Are the Days aura un peu trainé avant de nous parvenir. Et en voyant le résultat, on peut facilement comprendre pourquoi: il est, de nos jours, pratiquement impossible de vendre ce type de western. Ces dernières années ont vu un retour en force pour ce genre pourtant déclaré mort depuis plus de 40 ans: le sympathique The Salvation avec Mads Mikkelsen, le surprenant Diablo avec Scott Eastwood, In a Valley of Violence de Ti West, les blockbusters que sont Django Unchained, Les 8 Salopards et le remake des 7 Mercenaires. N’oublions pas le violent Edge, pilote d’une série jamais tournée par Shane Black, et Bone Tomahawk, un quasi remake de La Colline à des Yeux avec des cowboys et des indiens. Indépendamment de la qualité de ces différentes œuvres, il faut reconnaitre une volonté de remettre au goût du jour les aventures de la conquête de l’Ouest Sauvage. La brutalité, la vulgarité, la difficulté de cette époque sont désormais montrées sans détour et les figures héroïques d’autrefois sont déconstruites, les américains tapant l’air de rien dans la version “spaghetti” italienne autrefois moquée, mais tellement plus séduisante par son âpreté.

 

 

Gone Are the Days, lui, n’a rien de tout ça. C’est un film lent, bavard, contemplatif et qui fait exprès de se détourner des scènes d’action hormis pour une fusillade finale tout à fait classique. Une grande partie de ce parti pris est, il faut le dire, lié à son budget riquiqui et sa nature de DTV. Le réalisateur aurait pu livrer l’habituel film d’action moisi et mal foutu, mais a préféré utiliser le peu de moyens dont il disposait en faveur du script. C’est un drame qu’il nous livre, où les acteurs et leurs personnages sont plus important que l’esbroufe et les coups de Colts. L’intrigue semble pourtant permettre l’inclusion de nombres de bagarres et règlements de compte, et il faut d’ailleurs voir la bande-annonce pour se marrer un peu, celle-ci se focalisant justement sur tout ce qui n’a pas lieu dans le film: des idées de vengeances, un braquage de banque sanglant, une lutte à 5 contre 1 dans un saloon… Autant de séquences prometteuses qui sont en réalité désamorcées ou effectuées hors champ. Le film choisi volontairement d’ignorer ces codes modernes, se rapprochant alors plus des classiques d’antan. Là où chevaucher un cheval et voir une reconstitution des villes d’époques était l’intérêt même du projet.

 

 

C’est quelque chose de forcément dépassé et il est vrai que cela rend le film parfois pénible. Mais le fait est que le cinéaste est totalement conscient de ce qu’il fait, et malgré son point de départ prometteur, ce ne sont pas les péripéties qui l’intéressent mais l’exploration de son personnage principal joué par un Lance Henriksen plus habité que jamais. Ainsi l’intrigue présente Taylon, ancien hors-la-loi réputé et désormais vieillard agonisant. Un homme anéanti par la vie et la maladie, se mourant d’un cancer et perpétuellement hanté par la mort de sa femme qui fut lynchée et pendue parce qu’elle était l’épouse d’un brigand. Il dû même se séparer de sa fille, encore bébé, pour la protéger, la donnant à un complice ayant une meilleur situation que lui. Quand le film commence, il est au bout du rouleau, en souffrance, s’énervant d’un rien et songeant au suicide. Et s’il fini par accepter son sort, il décide de partir dans un dernier baroud d’honneur plutôt que de mourir seul et perdu au milieu de nulle part. Cela coïncide étrangement avec le retour de Virgil, un ancien partenaire qui décide illico de l’accompagner dans cette ultime mission: le braquage d’une banque à l’ancienne, dans la ville voisine.

 

 

Naturellement le spectateur est surtout amené à interroger l’existence de ce camarade qui débarque de nulle part et parait bien trop jeune pour être un cambrioleur du temps de Taylon. Trop neutre, trop compréhensif de la situation du héros pour que cela soit naturel. Et pour cause: si Gone Are the Days ressort ce twist final désormais éculé qui veut que Virgil n’existe pas réellement, il ne s’agit en fait pas du tout d’un twist. Considérant l’état mental du personnage principal, il semble clair que le scénariste ne camoufle pas du tout la vérité, chargeant au contraire son script d’indice quant à la véritable nature de ce jeune homme qui représente évidemment La Mort, qui accompagne simplement le vieil homme jusqu’au bout du chemin et le rappel à l’ordre lorsqu’il s’égare sur le chemin de la Vie. Car bien vite il apparait que le fameux hold-up n’aura pas lieu, puisque Taylon a une dernière chose à faire avant de disparaitre: remettre une lettre à sa fille pour tout lui expliquer. Un bref détour qui va s’éterniser puisque les choses ne sont pas ce qu’elles devraient être: son vieil équipier est mort et son business a été récupéré par un sinistre individu qui a transformé son hôtel en maison de passe. Sa fille Heidi, autrefois serveuse, et désormais une prostituée.

 

 

Le retour fracassant du hors-la-loi ne se fait donc pas puisque celui-ci va tout remettre en question, restant sur place à chercher comment ramener la jeune femme sur le droit chemin. C’est là que le film “dégringole” pour celui qui s’attendait à de l’action – et à ce titre il est vrai qu’il y avait là beaucoup de potentiel. Gone Are the Days aurait pu se trouver à la croisée de Impitoyable et Logan avec un peu de Blood Father pour faire bonne mesure. Mais en l’état, les personnages ne dégainent jamais et Taylon apparait surtout amer et dépassé par les évènements, sa maladie l’empêchant de toute façon d’avoir le dessus sur qui que ce soit. Il est bien vite passé à tabac par les gros bras du proxénète. Abandonné dans le désert et laissé pour mort, son sort est pratiquement réglé. D’ailleurs il a déjà payé Charon, qui prend les traits d’un Danny Trejo hilarant, pour traverser la rivière. Mais il reste une étincelle de vie en lui et, lorsqu’il apprend que Heidi a décidé de s’enfuir et qu’elle est pourchassée, il se remet en selle afin de lui sauver la vie. Pendant ce temps le shérif du coin à vent de la situation. Supposément un ancien Texas Ranger, c’est en fait un vieux partenaire du brigand qui s’est fait une nouvelle vie et se retrouve maintenant contraint d’agir alors qu’il ne le désire pas…

 

 

Un final qui apparaitra ridicule pour le spectateur moderne et / ou habitué aux fusillades énervées. Ici le représentant de la loi ne tire par une seule balle, refusant de faire son boulot puisque connaissant son opposant. Et si le cambrioleur soulage bien la banque de ses billets, il le fait en grande vitesse, pressé par le temps car devant donner l’argent à sa fille et la jeter dans le premier train avant qu’elle ne soit découverte. Ce refus de jouer avec les codes n’est pas juste une volonté de frustrer le spectateur, ou de faire de l’anti-spectaculaire pour se faire remarquer: il s’agit juste de représenter la vieillesse des héros. Ce sont les décisions qui comptent, les choix, puisque la mort est proche et qu’une balle ne fera plus la différence désormais. Bien sûr il y a quand même quelques coups de feu et le héros se débarrasse clairement de l’antagoniste et de ses hommes afin de protéger Heidi, mais cela n’a pas vraiment d’importance. La jeune femme sauvée, il importe peu que les méchants soient punis et c’est surtout les retrouvailles entre Taylon et le shérif qui intéresse. Où les deux anciennes gloires aux passés extraordinaires apparaissent comme deux vieillards fatigués, incapable de se taper dessus ou de se disputer.

 

 

L’ultime scène est d’ailleurs la meilleur, lorsque l’un laisse l’autre repartir et qu’une fillette interroge le représentant de la Loi. Pourquoi ne pas l’arrêter pour l’amener devant le juge ? Parce qu’il est justement entrain de s’y rendre. Le freeze frame final vient ternir un rien cette belle image, donnant subitement à Gone Are the Days l’aspect d’un téléfilm alors que la narration et les acteurs nous tenaient parfaitement, mais cela reste excusable. Car si le film est techniquement déplorable (un petit budget, une musique insignifiante, des effets de montage regrettables qui ruinent l’ambiance et le format original qui a été retouché artificiellement, provoquant un flou désagréable sur la gauche et la droite de l’image façon œil-de-bœuf), il tient avant tout sur les solides épaules de son interprète principal qui se révèle être magistral et captivant. Depuis combien de temps Lance Henriksen n’avait pas eu un rôle à la hauteur de son talent ? A force de signer pour tous et n’importe quoi, nous avons fini par être habitué à le voir cachetonner dans les tréfonds de la série B, parfois sans grande implication de sa part. Dying God, La Secte des Vampires, Mangler 2, Lost Voyage, Hellraiser: Hellworld… La liste est longue.

 

 

Ici, non seulement tient-il le premier rôle, ce qui nous change de ces apparitions de quelques scènes même lorsque son nom est inscrit en tête d’affiche, mais il choisi d’incarner à fond ce personnage de vieux criminel aux portes de la mort. N’étant plus tout jeune lui-même, il n’a pas grand chose à faire pour représenter sa vulnérabilité mais se donne à fond lorsqu’il s’agit d’être confus, perdu, dégoûté et surtout en proie à la douleur physique et mentale. On retrouve là l’acteur qui s’était montré très marquant dans Aux Frontières de l’Aube, Pumpkinhead, Johnny Belle Gueule ou The Pit and the Pendulum. Vous savez comment certains parlent de ne regarder un film que pour un comédien, même s’il s’agit d’un navet insupportable ? Loin de critiquer Gone Are the Days en soit, il est presque recommandé de se jeter dessus juste pour Lance Henriksen, surtout si vous êtes fans de l’acteur. C’est un plaisir immense que de le voir enfin jouer et pas simplement faire acte de présence. A ses côtés, pour un rôle bien plus réduit, c’est également Tom Berenger que l’on retrouve en grande forme. Lui aussi oublié par beaucoup malgré des capacités incroyables (Platoon, Sniper), il apparait bien souvent triste, vide, jouant pour gagner sa croûte dans des thrillers sans importances.

 

 

Ses apparitions aux côtés de Billy Zane dans les derniers Sniper, dont il n’est plus le héros depuis longtemps, donnent particulièrement l’impression que l’acteur n’y croit plus, ayant abandonné l’idée de jouer depuis longtemps. Là, il semble avoir rajeuni de dix ans et offre plus d’énergie dans ce rôle pourtant passif que dans toutes ces dernières apparitions DTV. Rien que sa voix semble plus claire, plus assurée. Impossible alors de ne pas dresser un parallèle entre les personnages et leurs interprètes, deux anciennes gloires sur le déclin, qui ne veulent plus entendre parler du bon vieux temps mais qui demeurent capables de grandes choses lorsque le destin leur en offre la possibilité. Il est presque dommage que Danny Trejo n’ait pas droit à ce traitement, jouant pour le coup le rôle de la guest-star dont le nom sera utilisé comme appât puisqu’il n’a qu’une seule scène. Pour autant, plutôt que d’être impassible et d’utiliser sa voix rocailleuse de Machete, il ricane et semble s’éclater dans ce rôle de Passeur surnaturel qui existe peut-être ou peut-être pas, et se met forcément le spectateur dans la poche malgré ses quelques secondes de présence à l’écran.

 

 

Il ne faut pas se mentir: Gone Are the Days n’est pas un grand film et il fait montre de grands défauts. Il n’y a pas d’argent, pas d’action, un rythme indolent qui ne plaira pas à tout le monde, des visuels ratés et une intrigue qui s’éloigne volontairement des sentiers battus. C’est un premier film, tant pour le réalisateur que le scénariste, et cela se ressent. Ce n’est pas un hasard s’il fut tourné et mis de côté il y a presque deux ans. Cependant, les responsables auraient pu en faire un énième Un Dollar Pour Un Mort et s’en laver les mains. Un téléfilm d’action parfaitement oubliable et mal branlé. A la place, ils accouchent de quelques jolies scènes (l’introduction, où Taylon apparait pathétique dans son pyjama trop grand pour lui et montre toute sa haine pour l’arbre sur lequel sa femme fut pendu, ou lorsqu’il contemple sa lame d’un rasoir d’un songeur avant de se tailler la barbe) et ont permis à Lance Henriksen et Tom Berenger de renouer avec le jeu d’acteur, nous rappelant qu’il y a une raison pour laquelle nous n’avons jamais oublié leurs noms et que nous continuons de voir les films dans lesquels ils tournent, même lorsqu’ils sont mauvais. Que ces deux là ont un talent incroyable et méritent un meilleur sort que celui qui est le leur actuellement.

Pour cette raison uniquement, Gone Are the Days vaut la peine d’être vu. Il y aura toujours un autre western violent et dynamique à se mettre sous la dent. Il n’y en aura sans doute pas qui s’intéressera aux derniers jours d’un vieux bonhomme détruit par la vie, avec une impression de fatalité franchement réaliste et émouvante.

 

 

 

   

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