Comme son nom l’indique, Bakekujira (baleine fantôme) est un gigantesque yōkai prenant la forme d’un squelette de cétacé. Parfois appelé Honekujira (baleine osseuse) ou Gaikotsu-Kyogei (squelette de baleine géante), il est originaire du Japon dans la préfecture de Shimané et fut aperçu dans les eaux des îles Oki. Une fois seulement, car il s’agit d’une créature rare et mystérieuse dont on ne sait pas grand chose et qui est au centre d’une seule histoire. Celle-ci raconte que les harpons des pêcheurs n’ont aucun effet sur lui puisqu’il est dépourvu de chair, et lorsque son corps émerge à la surface comme pour respirer, il est accompagné de bancs d’étranges poissons tandis que des oiseaux comme on en a jamais vu lui tournent autour. Si la créature n’est pas décrite comme agressive, on prétend que sa présence est un présage de mauvais augure, apportant malheurs et malédictions à tous ceux qui l’aperçoivent. Famines, feux et maladies frappent ainsi les villages des marins l’ayant rencontré.
Malgré son apparence impressionnante, il demeure un monstre mineur au point d’avoir été totalement ignoré par l’œuvre pourtant exhaustive de Toriyama Sekien, célèbre écrivain s’étant donné pour but de recenser tous les yōkai existant par soucis de préservation. On ne trouve aucune trace de lui dans les estampes d’ukiyo-e ni dans les recueils de kaidan, et il fallu attendre le XXème siècle avec les travaux de Mizuki Shigeru pour que le Bakekujira fasse à nouveau surface. En fait certains disent que c’est uniquement grâce à la superbe illustration du mangaka que la baleine a pu se faire remarquer et enfin s’imposer aux yeux du monde…
Fait amusant: Shigeru déclara être lui-même tombé malade étant jeune alors qu’il développait une histoire de baleines monstrueuses, rapprochant l’incident aux “malédictions” que peut engendrer Bakekujira. Impossible de dire cependant si d’autres contes à son propos ont été perdu dans le temps, la tradition orale n’ayant pas permis d’en garder une trace, ou s’il s’agit en fait d’une invention moderne que l’auteur a (volontairement ou non) incorporé au folklore. Toujours est-il que l’on peut trouver une explication plausible concernant les origines de ce fantôme: des carcasses de baleines s’échouant sur les plages, la décomposition apportant puanteur et pestilence alors que les charognards dépouillent le cadavre. Il existe un très ancien culte voué aux mammifères marins par le peuple japonais, qui après les avoir chassés allait enterrer leurs os dans des lieux spécifiques baptisés kujira tsuga, qu’ils remplissaient de monuments de toutes sortes comme des autels, des pagodes et autres tablettes. Ces endroits auraient leurs propres mythes et légendes. On note aussi une bonne centaine de cimetières (kujira haka) et de tombeaux (kujira ishibumi) dédiés aux cétacés dans tous le pays.
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