Friday the 13th: Jason vs. Jason X
(2006)
Pour cette ultime aventure Vendredi 13 chez Avatar Press, Mike Wolfer opère pratiquement en solo. Il scénarise et illustre son histoire, laissant la couleur à une tierce personne comme c’est de mise sur la licence House of Horror, et réalise même la plupart des couvertures alternatives avec un petit coup de pouce de Juan Jose Ryp. Presque comme s’il voulait prouver qu’il était en total contrôle de cette dernière mini-série. Et ça tombe bien puisque celle-ci se révèle être la plus intéressante, la plus fun et la plus mémorable du lot, parvenant même à se montrer originale par sa simplicité là où Bloodbath et Fearbook n’étaient que des reprises de thèmes déjà vu auparavant dans la franchise. Profitant pleinement du vaste potentiel SF de Jason X, l’auteur livre un crossover où se confrontent les deux versions du tueur au masque de hockey, l’original et son double cybernétique, pour un match titanesque façon daikaiju eiga. En fait c’est là tout le concept de ce Jason vs. Jason X (qui techniquement devrait être Jason vs. Über Jason, mais il faut avouer que ce surnom n’ai pas employé dans le film et que le public lambda se souviendra plus facilement du titre de l’œuvre, le “X” suffisant à évoquer l’élément futuriste), a tel point que le scénariste ne s’embarrasse presque pas d’intrigue !
En dehors du prétexte servant à ressusciter le Jason “zombie”, le plus gros du récit se concentre sur la lutte violente entre les deux personnages (avec de nombreuses victimes collatérales), et la BD se termine pile à la conclusion du duel avec l’émergence du vainqueur. Et ça marche puisque le rythme est comme dicté par les coups brutaux que se donnent les monstres, toujours plus fort et sans jamais marquer de pause. En fait il n’y a aucun temps mort car même avant que les stars se rencontrent, chacun poursuit ses activités de son côté, nous valant les scènes de massacre gores et inventives très satisfaisantes. Bon point également pour ignorer totalement l’intrigue du Jason X – Special précédent avec sa mort de la race humaine. Le résumé d’ouverture se contente de mentionner la capture de l’Über Jason à des fins expérimentales par une généticienne, et zappe toutes les idées incongrues comme l’IA de Madame Voorhees ou les hologrammes meurtriers, se contentant de nous rappeler comment le tueur s’est retrouvé catapulté vers un vaisseau spatial de croisière, le SS Fun Club, dont l’équipage semble très occupé à partouzer. Libérer de sa capsule de sauvetage, celui-ci s’attaque évidemment à eux.
Nous découvrons ici que la navette est grande, et ainsi tout le monde n’a pas conscience de sa présence. Les hôtesses et pilotes androïdes vaquent à leurs occupations sans réaliser que leurs humains se font découper en morceaux ici et là, et l’équipe technique résidant sur le pont inférieur ignore tout de la situation… Pendant ce temps, non loin dans l’espace, les débris du Grendel sont découvert par un groupe de pilleurs d’épaves qui espère bien récupérer des éléments de valeurs, comme l’unité de nanotechnologie médicale. Ils se dirigent alors vers le laboratoire, inconscient du passif des lieux et du fait que des morceaux de corps du Jason Voorhees original trainent encore dans le coin. On y retrouve notamment sa moitié de visage détruite durant sa confrontation avec KM-13 – une légère entorse faite à la continuité, puisque la tête n’avait pas été découpée mais oblitérée d’un coup de feu: il ne devrait rester que des fragments et non une moitié de crâne intacte. C’est lors d’une secousse que celui-ci va retomber sur la table-scanner, laquelle dispose d’encore un peu de jus pour se mettre en route…
Comme dans Jason X, la machine ne réalise pas que son patient est mort et va chercher à remplacer les parties manquantes par un substitut afin de les reconstruire. Seulement plutôt que d’utiliser le fuselage du vaisseau et fabriquer un nouveau cyborg, l’ordinateur va cette fois puiser dans les cadavres encore présent dans le Grendel. Jason Voorhees revient donc à la vie sous sa forme “normale”, même si l’illustrateur reste fidèle au design sélectionné par Avatar Press et reproduit le zombie de Freddy vs. Jason plutôt que le quasi humain de Jason X. Il est permis de se demander comment cela fonctionne au niveau moléculaire, mais il est vrai qu’une version “vivante” du personnage à la Vendredi 13 n°2-4 serait forcement moins puissante face à l’Über Jason. Difficile aussi d’établir la moindre règle concernant le corps du monstre après Jason va en Enfer, et ainsi on peut supposer que ce clone redevient un zombie puisque c’est de toute façon ce qu’il est, fondamentalement. On laissera le soin au lecteur d’imaginer comment ses vêtements et son masque ont été reproduit, et de toute façon il ne faut pas chercher la moindre logique dans ce qui n’est qu’un comic-book de divertissement ! Un second Jason est créé par l’équipement nanotech en utilisant un bout du cadavre original, point.
Il va sans dire que celui-ci ne perd pas de temps et va attaquer les voleurs. Seule Melda, la pilote, va s’en sortir puisqu’elle était restée dans sa navette. Mais Jason s’est introduit à son insu dans l’appareil, prenant sa voix à travers un micro pour celle de sa mère: car il apparait que ce clone, conçu a partir d’une moitié de cervelle seulement, n’a pas toute sa tête ! De Pamela Voorhees et de Crystal Lake, il n’en conserve que des images sans que cela n’ait de véritable sens pour lui. De son côté l’Über Jason se souvient des mots réconfortant de sa génitrice sans se rappeler à quoi elle ressemble. Et lorsque le clone vient au monde, l’original amélioré semble réaliser que quelque chose s’est produit. Un peu comme lorsque deux Immortels se détectent à distance dans Highlander, Jason et Über Jason savent qu’ils doivent s’affronter, et qu’il ne peut en rester qu’un. A vrai dire cette amusante idée ne marche pas autant que Wolfer aurait aimé puisqu’elle est beaucoup trop subtile. Aucune narration ne vient le souligner et il faut se contenter de quelques cases qui pourront paraitre un peu cryptiques. Heureusement le synopsis du second numéro nous confirme tout cela, et bien vite les enjeux apparaissent clair: avec une mémoire divisée, les Jason vont se battre pour récupérer de l’autre leurs souvenir manquants.
Parce que le tueur a endommagé son vaisseau, Melda ne peut plus atterrir et évite Terre II pour s’amarrer au SS Fun Club en lançant un appel de détresse. Et tandis que la jeune femme se promène en attendant les réparations, espérant se détendre, le clone de Jason fait son entrée: il dégomme les techniciens qui n’ont pas le temps de sonner l’alarme et part à la poursuite de la pilote, sans doute par réflexe. La pauvre va d’abord tomber sur l’Über Jason en plein carnage, en entrant dans une pièce, pour ensuite se retrouver nez-à-nez avec son double alors qu’elle prend la fuite ! Elle se retrouve prise au piège entre les deux monstres, mais heureusement ces derniers n’ont plus aucun intérêt pour elle, la repoussant et se commençant à se battre. Le reste de l’intrigue se contente de montrer le terrible affrontement tandis que Melda cherche désespérément à fuir le vaisseau. Après la mort (disons la destruction) du pilote de ce vaisseau de croisière, elle devra prendre les manettes pour faire atterrir l’engin sur Terre II, Jason et son clone terminant ainsi leur lutte dans la fameuse zone qui ressemble à Crystal Lake, vue à la fin de Jason X… Une manière de rétablir le statu quo si l’on peu dire, et de ramener le personnage là où il devrait être.
Très sincèrement tout ceci n’a que peu d’importance, encore qu’on peut féliciter le scénariste de laisser sa blonde pilote s’enfuir à travers les bois plutôt que de se débarrasser d’elle avec dédain comme il l’avait fait pour Violet dans Friday the 13th: Fearbook. Seul compte la bataille entre les deux tueurs et la créativité derrière certaines séquences: ils se frappent, se balancent, se découpent, mais sans jamais mourir. Ils ne pensent jamais à leur environnement et se retrouvent d’une salle à l’autre par pur hasard, traversant les murs. La meilleure scène les montre ainsi débarquer auprès d’un grand jacuzzi: les fuyards sont aussitôt mis en pièces par les machettes des deux adversaires tandis que les baigneurs immobilisés sont attrapés pour servir de boucliers humains ! Quand la baignoire automatisée réalise que quelque chose ne va pas, elle cherche à contenir l’eau du bain en activant un couvercle: une pauvre victime va attraper des rideaux pour sortir sans s’approcher des monstres, et un Jason a vite fait d’arracher le tissu, la faisant retomber dans le bassin au dernier moment. Elle se retrouve aussitôt coupée en deux par les plaques de verre se refermant…
Avatar Press oblige, les mises à mort sont toujours particulières vicieuses et violentes. Un chaud lapin glisse sa main dans la culotte d’une demoiselle et se fait aussitôt couper le bras, un technicien se fait arracher le nez d’un coup d’outillage à vaisseau spatial et des gorges sont broyées avec tellement de force que les têtes manquent de tomber. Le clone meurtrier éventre un type d’un bon coup de poing donné dans le dos, le cadavre ressemblant alors à une victime de Chestbuster d’Alien. Aussi, plus d’une personne se fait couper en deux dans la diagonale. Le second degré n’est pas oublié avec les androïdes de renseignements, pas du tout programmé pour faire la sécurité et ignorant totalement les appels à l’aide de l’héroïne, lui souhaitant un bon séjour à défaut d’autre chose ! La nudité est de mise, là encore grâce à l’éditeur, très permissif, et les deux numéros recèlent de séquences chaudes tandis que les jeunes femmes sont vêtues de tenues sexy dont le design reste raccord avec celles du film Jason X. Même chose pour les décors, mais c’est moins intéressant. Le Tiamat est mentionné, et le robot avec lequel Melda parvient à s’enfuir se nomme Alice, en référence à l’héroïne du tout premier Vendredi 13.
Parmi d’autres références, le combat de Freddy vs. Jason semble carrément reproduit ici, lorsque Jason et son double continuent de se battre même après le terrible crash de la navette, en dépit du choc, des flammes et des débris. L’un d’eux va même perdre un bras durant le combat, tandis que le perdant se fera décapiter. Le scénariste va un peu plus loin ici puisqu’il montre carrément le Jason triomphant arracher le masque de son adversaire et lui ouvrir le crâne à main nue pour s’emparer du bout de cerveau qui lui manquait. Et non seulement l’affrontement n’est pas interrompu par l’héroïne (qui préfère foutre le camp aussi vite que possible), mais en plus il y a bien un véritable gagnant. On se souvient de la fin “libre d’interprétation” du crossover cinéma, similaire en ce sens à celle de King Kong contre Godzilla, et de l’agacement de nombreux fans qui auraient préférés avoir un véritable résultat. Alors certes il n’est pas difficile de deviner qui va l’emporter étant donné la nature “factice” d’un des challengers, mais cela reste appréciable malgré tout, car ce n’est pas tout les jours que l’on peut voir Jason se faire botter les fesses de façon légitime !
Mike Wolfer termine son récit en laissant une porte ouverte grande à de nouvelles aventures sur Terre II pour le tueur au masque de hockey, mais hélas Avatar Press perdit la licence et lorsque Wildstorm s’empara de celle-ci, la compagnie se préféra se concentrer uniquement sur le vrai Jason et non son équivalent futuriste. Cela rend Jason vs. Jason X encore plus précieux, encore plus unique, même si l’on trouvera toujours quelques pisse-vinaigres pour dénigrer cette interprétation de la franchise, sans doute trop différente de leur idée de ce que doit être Vendredi 13: trop stupide, pas assez “classique”, etc. Et manque de bol, avec la récente affaire judiciaire qui oppose Sean S. Cunningham à Victor Miller, on ne risque pas de revoir l’Über Jason de si tôt. Friday the 13th: The Game avait annoncé son arrivé dans le jeu, avec une nouvelle map inspirée du Grendel, mais tout nouveau contenu se trouve désormais bloqué par la procédure. Quelques hackeurs ont réussi à débloquer au moins le skin du modèle, pour déguiser les autres Jason, mais ce n’est pas tout à fait pareil. Alors à moins que l’un des partis ne se décide à céder (ou à mourir de vieillesse), il y a peu de chance que Jason ne ressorte de sa tombe de si tôt, quelle que soit sa forme…
GALERIE
Salut Adrien
désolé de mon absence pendant plusieurs semaines !!
J’aime pas trop les dessins ! J’ai du mal.. après si l’histoire est bonne, on peut faire abstraction. Je suis surpris qu’une version française n’a jamais vu le jour.
Quand je pense que la bande dessinée des séries REC a eu droit à sa VF…
Aucun problème, j’ai moi-même été loin du site pendant quelques semaines.
Oh je comprends tout à fait, et dans le cas présent cette impression est valide puisque l’artiste a un style trés particulier. Néanmoins il vaut mieux que la majorité des trucs qu’on trouve actuellement chez les petits (Zenoscope et consorts), où les illustrateurs font tellement le strict minimum qu’on se sent un peu flousé.
Et malheureusement question comics Horreur, la France est comme toujours très snob a ce regard. Même les fans ont tendance a ne pas trop y prêter attention car ils jugent les BD comme de simples produits dérivés. En creusant il y a portant tellement: Destination Finale, REC, 28 Jours Plus Tard, Motel Hell, Freddy, Jason, Chucky, Leatherface, Michael Myers, Leprechaun, Warlock, Waxwork, et bien plus obscure encore ! Un vrai vivier que j’aimerai creuser un peu plus.