Friday the 13th: Bloodbath
(2006)
Il me semble inutile de revenir sur la longue introduction autour d’Avatar Press et sa gestion des licences Horreur de la New Line Cinema. Tout a déjà été dit ici et il est plus simple d’entrer cette fois dans le vif du sujet plutôt que de recopier ces longs paragraphes à chaque nouvelle chronique. J’invite donc le lecteur à naviguer d’un article à l’autre en fonction de ce qui l’intéresse. Pas la peine non plus de revenir sur l’équipe en charge de cette mini-série puisque le duo est le même dans l’épisode précédent. Leur histoire est d’ailleurs plus une suite qu’un nouvel arc, et la lecture du Special est fortement recommandée pour avoir une meilleure appréciation de l’intrigue générale qui nous est raconté dans les pages de Friday the 13th: Bloodbath…
Publiée entre fin 2005 et début 2006, la BD marque un passage à l’étape supérieur en terme de narration, avec l’idée de rendre le récit un peu plus complexe que le bain de sang annoncé. Si celui-ci n’a rien d’original, mélangeant simplement les introductions de Jason Goes to Hell et Jason X en une même idée, introduire le sujet progressivement au fil d’une trame plus classique permet de briser un peu le train-train habituel de la saga et surprendre les lecteurs qui s’attendaient à du Vendredi 13 classique.
On peut n’y voir qu’un énième gimmick, concept sur lequel la franchise se repose beaucoup afin de trouver un semblant d’originalité: le copycat de Part 5, l’argument surnaturel et autoparodique de Part 6, l’héroïne aux pouvoirs psychiques de Part 7, l’escapade à New York dans Part 8, la version démoniaque de Hidden dans Goes to Hell, la virée dans l’espace de Jason X et naturellement le crossover avec Freddy… Autant d’éléments qui permettent de petites variations autour du même thème. Et ici le auteurs utilisent leur rebondissement afin de détourner les codes propres à la série, un peu à la manière de La Cabane dans les Bois d’une certaine façon.
Ainsi, après une introduction faisant directement suite au Special et montrant Jason mettre en charpie un couple de braconniers, pendant les corps dans les arbres comme des trophées de chasse, nous voilà de retour à Crystal Lake six mois plus tard pour l’ouverture d’un tout nouveau camp de vacance, Camp Tomorrow. Dix jeunes sont engagés afin de préparer l’endroit avant son ouverture – un job d’été bien payé et commençant sous les meilleurs auspices puisqu’ils ont droit à une soirée de rêve: jacuzzi, alcool à volonté, un manager qui les poussent à prendre du bon temps…
Les couples se forment presque naturellement, tout le monde y trouvant chaussure à son pied. Y compris l’unique lesbienne du groupe, qui se dégotte une bisexuelle sensible à ses charmes. Tout semble un peu trop parfait et bien vite les fêtards relèvent quelques bizarreries comme le fait qu’ils soient tous des orphelins, ou que leur chef de projet, un pur redneck, s’éclipse pour “aller lire” mais rôde en fait dans les parages avec un complice afin de les espionner… Cela ne les empêche pourtant pas d’en profiter et tous (tous !) vont s’envoyer en l’air, inconscient que Jason observe. Celui-ci passe vite à l’attaque, tuant d’abord les couples isolés tandis que le mystérieux organisateur de Camp Tomorrow entreprend de le traquer avec l’attitude d’un professionnel froid et détaché.
C’est Violet, punkette rebelle et forte tête, qui sent venir le coup fourré et décide de partir à la recherche des disparus alors que personne ne l’écoute. Mais lorsque la présence du tueur ne fait plus de doute, les survivants découvrent qu’ils doivent non seulement fuir Jason, mais aussi leur employeur qui les utilises en fait comme des appâts !
Il se trouve qu’un mystérieux conglomérat international, l’Organisation, cherche à étudier le zombie de Crystal Lake pour découvrir le secret de son immortalité, l’idée étant bien sûr de revendre les résultats pour des applications médicales ou militaires afin d’enrichir. Leur méthode consiste alors a recréer un environnement familier pour leur cobaye, avec un faux décor et un casting de victimes parfaites qui ne manqueront pas de “s’amuser” afin de l’attirer. Tout est mis en place afin que le scénario typique de Vendredi 13 puisse avoir lieu, parties de jambes en l’air comprises.
Les mercenaires cachés n’ont plus qu’à suivre le déplacement du mort-vivant puis le neutraliser. Nous avons là basiquement le plan du FBI au début de Jason Goes to Hell, avec juste un peu plus de soldats et quelques acteurs non consentant. Et parce que le tueur est invulnérable, le plan est de le cryogéniser en utilisant des lances à azote liquide. Ce qui était une des stratégies entreprises au début de Jason X, avant que David Cronenberg ne vienne tout faire foirer. L’Organisation serait arrivée à ses fins sans le moindre problème si elle n’avait pas sous-estimée l’héroïne, pleines de ressources et accessoirement grande fan de Neil Gaiman.
Capturée mais furieuse, celle-ci n’hésite pas à se jeter sur ce traitre d’organisateur pour lui arracher un morceau d’oreille ! Dotée de ce qu’elle décrit comme un “sens d’Araignée”, elle est capable de pressentir le danger et se montre bien plus prudente et pro-active que les personnages habituellement croisés dans la franchise. Ainsi n’hésite t-elle pas à tirer sur l’hélicoptère de transport contenant un Jason congelé afin qu’il se crash, l’incendie réanimant alors le monstre…
Elle est au centre des meilleurs scènes du comic book, et particulièrement dans le final qui la montre conduire un énorme camion citerne rempli de nitrogène tandis que Jason, perché sur le toit, essaie de la tuer – ceci alors que le véhicule s’engage sur un champ de mines et que si le véhicule explose, tout sera congelé sur cent mètres à la ronde ! Bad-ass, elle n’hésitera pas à faire péter tout ça afin de se débarrasser tant du tueur au masque de hockey que des soldats qui lui tirent dessus, devant alors courir pour échapper à la déflagration glaciale. Disons-le franchement, Violet sert globalement de substitut à Cassie Hack de Hack/Slash, la parfaite Final Girl. Elle adopte le même physique, le même look et la même attitude, et fait pour un adversaire coriace que l’on soutien immédiatement.
Son compagnon de route Rich, bien que globalement laissé sur la touche suite à une blessure par balle, n’est pas en reste et amuse pas mal la galerie via des répliques décalées. Lorsqu’il voit Jason encaisser de multiples rafales, il se demande où est Schwarzy quand on a besoin de lui. Les mercenaires à la solde de l’Organisation, il les décrit comme de “bloodthirsty, second amendment cocksuckers”, et du mort-vivant cristallisé par l’azote, il déclare “He looks like a serial killing popsicle”. Aussi, il n’hésite pas à poignarder celui-ci dans les couilles pour protéger sa petite copine et semble considérer Sandman comme l’un des meilleurs comics du monde, ce qui est sans doute vrai.
Et Jason alors ? Il y est splendide, l’air parfaitement décomposé derrière son masque et exagérément puissant. A un couple qui fait l’amour sous son nez, il transperce leur deux corps d’un seul coup de pied ! Un autre, il les coupe en deux en même temps d’un unique coup de machette. Lorsqu’un mercenaire est distrait par deux jeunes femmes sexy s’embrassant, il arrive discrètement derrière lui, place sa machette entre ses jambes et remonte la lame afin de le trancher entièrement dans le sens de la longueur…
Son invincibilité est pleinement démontrée par les nombreux coups de mitrailleuses et de fusils à pompe qu’il encaisse, et sa force démentielle est l’objet d’une séquence mémorable lorsque, réveillé de sa prison de glace, il s’empare de la pale de l’hélicoptère écrasé afin de l’utiliser comme machette géante ! Notons également quelques passages en vue subjective avec les contours des trous du masque apparent, la présence de chasseurs qui le trouvent si moche qu’ils pensent avoir affaire à un extraterrestre, et un bref moment où le zombie à l’air tuer afin de venger la mort d’un cerf, comme s’il était une sorte de gardien de Crystal Lake contre la connerie humaine.
Enfin, il faut souligner a quel point la première partie de la BD évoque désormais beaucoup le récent jeu vidéo Friday the 13th: on y retrouve les adolescents éparpillés aux quatre coins du campement, certains devant fuir Jason en trouvant des cachettes ou repousser ses attaques en utilisant de petits couteaux. Ils leur faut même gérer un véhicule qui refuse de démarrer (ici trafiqué) tandis qu’un couple découvre par hasard la cabane du tueur, celle du deuxième film. A ce niveau là, c’est pratiquement une adaptation.
Friday the 13th: Bloodbath est une petite réussite qui parvient à garder l’esprit de la franchise tout en la modernisant un peu. L’introduction de l’Organisation est parfaite pour créer une Némésis différente à Jason Voorhees et placer celui-ci dans un rôle d’anti-héros, sans pour autant diminuer ses propres méfaits: lorsque l’on voit de sales types faire disparaitre les cadavres de leurs victimes innocentes dans des incinérateurs miniatures, afin de couvrir leurs traces, on ne peut qu’espérer que Jason leur fera la peau. Tout monstre qu’il soit, il ne possède pas cette malfaisante intelligente typiquement humaine et on se retrouve dans la même thématique que la franchise Alien, avec d’un côté les Xénomorphes cauchemardesques et de l’autre la puissante Compagnie, au moins tout aussi monstrueuse. Violet aurait fait la Ripley parfaite pour la suite des évènements.
Hélas le volume suivant, Fearbook, ne sera pas écrit par Brian Pullido et viendra gâcher tout cela en achevant plusieurs personnages-clés et en clôturant l’arc de manière expéditive. Peut-être un choix de la part d’Avatar Press en réalisant qu’elle ne garderait pas les droits de la licence plus longtemps. Un scénario préférable à celle de l’incompétence des successeurs sur le titre, dont le one-shot aurait plombé les ventes et obligé New Line Cinema a renégocier son contrat avec l’éditeur…
GALERIE
Commentaires récents