Dead Trigger: Unkilled
(2017)
Il y a peu de chances pour que vous ayez entendu parler de Madfinger Games, et c’est sans doute mieux comme ça. Pour résumer il s’agit d’un anecdotique développeur de jeux vidéos pour téléphones mobiles, d’origine tchèque, qui ne compte qu’une douzaine de titres à son actif depuis son lancement en 2009. Dans le lot il y a Dead Trigger, un médiocre FPS priorisant les microtransactions qui se déroule dans un univers post-apocalyptique où les morts-vivants ont envahie le monde. Rien de spectaculaire ni même d’intéressant, mais les retours furent suffisamment positif pour permettre à la compagnie de produire une suite plus ambitieuse, Dead Trigger 2, et un successeur spirituel nommé Unkilled. Une trilogie sans véritable intérêt même si le côté très série B qui en découle (mutants géants et femmes ninjas sont au programme) rappelle les éléments les plus fun des House of the Dead, et on peut comprendre en quoi l’idée d’une adaptation cinématographique de la franchise est séduisante. Oui mais voilà, il n’y a aucun budget et les responsables du projet n’ont que très peu d’expérience en la matière. Du coup tout est simplifié à l’extrême et le résultat n’est pas différent des milliers d’autres films de zombies qui infestent le genre.
Le soucis ne vient finalement pas du fait que Dead Trigger est un DTV quelconque, mais plutôt des problèmes évident qu’à rencontré la production en cours de développement. D’une part on peut voir que l’écran-titre affiche le nom Dead Trigger: Unkilled, comme si les producteurs ne savaient même pas de quel jeu ils devaient se réclamer précisément (les affiches rectifieront plus tard le problème en supprimant le sous-titre). Sorti vers fin 2017, le film a vu le jour trop longtemps après le dernier opus de Madfinger sur le sujet, datant de 2015, pour engendrer le moindre intérêt: Unkilled est déjà oublié et technologiquement dépassé, et donc le coup de pub désiré par la compagnie tombe complètement à l’eau. Mais surtout le générique affiche pas moins de deux réalisateurs et trois scénaristes pour une intrigue finalement très banale, prouvant qu’il y a eu des désaccords au sein de l’équipe quant à la direction que devait prendre le projet.
Citons un premier gaillard crédité pour le script et l’histoire de base, puis le premier réalisateur qui est également présenté comme scénariste, et enfin un troisième énergumène, second réalisateur dont le nom apparait sur un écriteau différent de son collègue comme pour préciser qu’il n’y a pas eu de collaboration entre ces deux là. D’après certaines sources, celui-ci serait également responsables de réécritures qui eurent certainement lieues lorsqu’il reprit les rennes du tournage. Difficile de savoir qui est responsable de quoi, mais il y a effectivement de graves conséquences: des enjeux vagues et confus, un épilogue incompréhensible et un manque de cohésion entre la première partie qui se veut amusante et la seconde, trop sérieuse pour son propre bien. M’est avis que le deuxième metteur en scène a eu pour ordre de boucler le tournage en vitesse avec l’obligation de conserver ce qui avait été fait auparavant, le monteur se retrouvant forcé de tout combiner en dépit du bon sens pour éviter aux producteurs de tout recommencer à zéro.
L’intrigue, pourtant simple, se déroule 2025, cinq ans après une apocalypse zombie qui a dévasté les États-Unis mais a pu être contenue. Pour empêcher de nouvelles invasions, un groupe d’intervention spécial a été formé, le Contagion Special Unit, spécialisé dans l’éradication des morts-vivants. Parmi eux, Walker, joué par le toujours génial Dolph Lundgren, un ancien flic qui a dû tuer sa femme et sa fille pour survivre lors de la toute première épidémie et qui est devenu un exterminateur légendaire. Lui et ses hommes sont alors contacté par la compagnie Cyglobe, un fabricant d’arme qui a fait fortune depuis la guerre entre l’humanité et les morts mais qui cherche désormais à étendre son marché en développant un vaccin qu’il pourrait revendre à un prix d’or. Seulement le laboratoire où sont les données se trouve à Terminal Island, île abandonnée où tout à commencé et où les zombies rôdent encore depuis, car la présence d’une population survivante empêche légalement toute frappe nucléaire de la zone.
Le CSU active alors la Dead Trigger Initiative (si cela vous évoque l’Avengers Initiative de Marvel c’est bien normal), qui vise à recruter de nouveaux talents très spécifiques parmi la jeunesse américaine. Walker doit former rapidement cette nouvelle escouade qui se compose de clichés ambulants (un voyou Black des banlieues, un asiatique hackeur, une experte en MMA ultra agressive, et le couple de héros qui ont un passé tragique similaire qui va les rapprocher) afin d’aller récupérer les scientifiques survivants et leurs précieuses recherches. Mais la dirigeante corrompue de Cyglobe cache bien des choses aux soldats, comme le fait que sa compagnie est directement responsable de la création du virus ayant engendré les morts-vivants, et elle engage un traitre chargé de se débarrasser des potentiels témoins une fois l’objectif accompli. Cela va évidemment faire déraper un peu plus cette situation déjà compliquée puisque le CSU doit déjà gérer les cadavres ambulants, des spécimens mutants plus dangereux que la normal, des mercenaires tueurs de zombies et la population humaine de Terminal City qui demande à ce qu’on lui vienne en aide…
Sur le papier tout cela semble fonctionner, mais à l’écran on découvre bien vite qu’il faut faire de la gymnastique mentale pour associer les différents éléments ou leur trouver une logique. Pourquoi le CSU ne déploie pas une unité ordinaire mais expérimenté sur le terrain plutôt qu’une bande de rookies qui n’ont même pas terminé leur formation ? Pourquoi la dirigeante de la compagnie risque de faire rater la mission quand elle a le bras si long qu’elle pourrait récupérer son bien sans avoir le moindre compte à rendre ? La seule raison pour laquelle les protagonistes réalisent que la firme est coupable est à cause de son comportement suspect au moment de l’extraction. Et que dire du traitre qui, prit la main dans le sac, explique que sans nouvelle de sa part, son employeur traquera les survivants afin de les retrouver et de les faire taire ? Logique en apparence, sauf que Cyglobe va finalement préférer faire bombarder l’île pour tuer tout le monde, sans même savoir si son homme a pu s’enfuir comme prévu ni même se dire que l’explosion détruira forcément les données convoitées !
Bref, les motivations et décisions de l’antagoniste n’ont aucun sens et la mission aurait été accomplie sans problème si elle s’était contentait d’attendre un peu. Nul doute que les multiples réécritures sont à l’origine de ces problèmes, tout comme la rupture de ton et de style en plein milieu du film. Ainsi, dans un premier temps, Dead Trigger repompe sans vergogne Starship Troopers avec sa vidéo de recrutement exagérément patriotique et le centre d’entrainement cruel où sont envoyé les adolescents. Un idiot s’explose le crâne en faisait tomber son fusil à pompe, un autre est mordu par un véritable zombie utilisé comme cible et doit se faire amputer le bras… On y retrouve tout, des amourettes qui se forme aux disputes entre unités (pour les vétérans, Dead Trigger est la Suicide Squad du CSU) jusqu’à l’uniforme gris porté par les jeunes soldats. La satire manque évidemment et les gags ne sont pas si drôles, mais le concept se marie plutôt bien au genre zombiesque.
Tout cela est balayé lorsque la mission commence, le film se rapprochant alors d’un House of the Dead II au scénario similaire, le budget et les idées en moins. Tout s’y déroule comme convenu, le groupe traversant bâtiments et couloirs, pièces après pièces, tandis que les personnages meurent un à un bien souvent à cause de leur propre stupidité. L’absence d’effets gore devient vite ennuyeux et seule la vitesse avec laquelle le casting succombe éveille l’intérêt. Le scénario de se montre plutôt surprenant à ce sujet, se débarrassant de pratiquement tout le monde y compris la mignonne blondinette que l’on pensait être l’héroïne, laquelle se suicide à la grenade lorsqu’elle se retrouve encerclée par les morts-vivants. Ceci est malheureusement au service d’un épilogue incompréhensible où il apparait que tout cela n’était… qu’un jeu vidéo en ligne, les membres de Dead Trigger étant en fait les joueurs. Mais une voix off vient soudain nous expliquer que la véritable catastrophe (celle de 2020 évoquée en début de film) se déroulera finalement bel et bien quelques semaines plus tard, les héros ayant survécu grâce à leurs entrainement virtuel.
Rendre caduc tout ce qui s’est déroulé précédemment une très mauvaise technique narrative en soit, mais le soucis est que les réécritures empêchent de savoir ce que les scénaristes avaient véritablement en tête avec cette idée. Ou bien l’adaptation fait un simple hommage à son modèle, sous-entendant que jouer à Dead Trigger 1 et 2 (ou à Unkilled) permet de s’entrainer à une éventuelle véritable apocalypse zombie, ou alors l’idée était de faire du film un prologue aux jeux vidéos, la catastrophe « à venir » étant celle qui a lieu dans les jeux vidéos. Dans tous les cas le concept était visiblement prévu depuis le départ car on peut voir de nombreux adolescents se promener avec un téléphone portable greffé à la main ou un casque VR visé sur la tête durant la première partie. Dans tous les cas les titres de Madfinger Games ne sont pas assez populaire pour que cela fonctionne, et le spectateur sera plutôt agacé d’avoir investi son temps dans une intrigue qui n’a finalement aucune importance.
Que reste t-il a relever de ce Dead Trigger: Unkilled ? Pas grand chose. Les zombies peuvent ici être tué comme n’importe quel humain, ce qui les rends beaucoup moins menaçant puisque l’on peut se contenter de tirer sans viser ou de les égorger afin de les abattre. Il y a Subject Zero, un mort-vivants géant à la force surhumaine qui encaisse les balles comme une éponge, mais celui-ci est détruit aussitôt qu’il apparait, et on ne voit même pas l’explosion qui le pulvérise faute de moyens. Citons un joli cadavre au visage explosé lors de l’accident de fusil durant l’entrainement (notable car différent des gerbes de sang digitales qui parsèment le film), un joli plan aérien de Terminal City en ruine avec des immeubles squelettiques et où la nature à repris ses droits, et cette demoiselle dont l’uniforme militaire se compose d’un mini-short et d’une jupette fendue lorsqu’elle ne porte pas son joli top au décolleté lacé. Les maquillages sont décevant car très simple et parfois même honteusement minimaliste, même si l’on peut s’amuser de voir un scientifique dont l’œil pendouille hors de son orbite, une stripteaseuse décomposée qui tourne toujours autour de sa barre de pole dance et quelques enfants décharnés à la fin du film. Ah si, il reste ce moment où des zombies se suivant à la queue leu-leu dans un escalier s’écroulent comme des dominos une fois que le meneur a été poussé en arrière.
Finalement seul Dolph Lundgren mérite notre attention, celui-ci parvenant toujours à divertir grâce à son charisme naturel même s’il a conscience de ce qui se passe autour de lui et n’assure que le minimum syndicale. Intéressant de voir à quel point il bouffe l’écran même en faisant le moins possible ! Ne perdez donc pas votre temps avec ce pauvre petit film mal branlé, finalement tout aussi limité et oubliable que les jeux dont il s’inspire. Si vous voulez voir Ivan Drago défoncer du morts-vivants, préférez-lui Battle of the Damned, tellement plus fun et plus généreux, tandis que House of the Dead II: Dead Aim vous servira la même histoire mais de manière bien plus présentable et satisfaisante.
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