Constantine
Ep.1.07
Blessed Are the Damned
Constantine marche dans les traces de Prophecy cette semaine là, ce qui fait un bien meilleur épisode que The Rage of Caliban. On y retrouve cette petite chose qui laisse entrevoir un univers riche et plein de possibilité, et même si le résultat est encore une fois loin d’être extraordinaire et aussi fascinant que dans les comics (soyons réaliste, cette saison entière sera du même calibre et il ne faut plus s’attendre à du grand art d’ici le season finale), c’est suffisant pour retenir l’attention.
Pour ceux qui ne connaissent pas Prophecy, permettez-moi d’en toucher quelques mots. Il s’agit d’une série de films réalisés pour le marché vidéo, une trilogie qui s’est vu rajouter sur le tard deux autres volets que je n’ai pas encore vu. Il est difficile de résumer simplement la chose, mais grossièrement c’est d’une sorte de thriller Fantastique mettant en scène la guerre secrète que se livrent quelques Anges et humains pour l’avenir de notre espèce. Tour à tour road movie, polar, film d’action et Fantastique explorant une mythologie religieuse, Prophecy met en scène des personnages inoubliables (l’Ange Gabriel, joué par Christopher Walken) et réuni un casting des plus plaisants, où se croisent Viggo Mortensen pré Seigneur des Anneaux dans le rôle de Satan, Amanda Plummer en zombie dépressive ou encore Bruce Abbott, le héros des Re-Animator. Virginia Madsen, Eric Roberts et Brad Dourif sont également de la partie.
Si d’ordinaire je ne suis pas du tout intéressé par les fictions religieuses utilisant le folklore biblique et les traditions chrétiennes, au point de faire généralement l’impasse sur toutes productions de ce genre, Prophecy m’a fait l’effet d’une saga fascinante et totalement indépendante des sources dont elle s’inspire. L’histoire, prenante, raconte la tentative de l’Ange Gabriel pour détruire l’Humanité, jugeant que nous sommes loin de mériter d’être les “préférés” de Dieu. Certains s’opposent à lui, d’autres partagent son opinion, et une bataille invisible aux yeux de tous se déroule sur notre sol. Des policiers découvrent le cadavre d’un Ange, une femme apprend que son enfant est un Néphilim et des âmes damnées sont parfois utilisées contre leur gré comme sbires, transformés en zombies immortels mais souffrant.
C’est une bonne franchise, bourrées d’idées et de comédiens talentueux. J’ignore si les gars derrière Constantine ont véritablement utilisée celle-ci comme référence pour leur épisode, mais on ne peut dénier une certaine ressemblance et le show en bénéficie grandement.
L’intrigue se concentre ici autour d’un frère et d’une sœur, jeunes adultes qui succèdent difficilement à leur père évangéliste récemment décédé. Leurs ouailles se font rares, l’argent manque et l’un comme l’autre souffrent de blessures secrètes. Elle est gravement malade, probablement mourante, lui est hanté par le souvenir d’un père désapprobateur et surtout de la culpabilité d’une très mauvaise action. Lorsque ce dernier fait son sermon et choisi d’utiliser un serpent venimeux pour un quelconque rituel (ne m’y connaissant pas bien, je ne saurais vous dire d’où provient exactement cette pratique mais on a déjà pu la voir au cinéma comme par exemple dans l’horrible Malédiction IV. L’idée, je crois, est que le pasteur remet toute sa confiance en Dieu qui le protège alors du danger, prouvant qu’il est le sauveur de ceux qui croient en sa Toute Puissance), il se fait accidentellement mordre et décède tragiquement devant son assemblée.
Quelques secondes plus tard, le Miracle s’accomplit et il ressuscite. Dans sa main, une étrange plume qui n’était pas là quelques instants auparavant. Désormais investi d’un pouvoir divin, il peut guérir ses fidèles de n’importe quel trouble: il redonne la vue à un aveugle, soigne une malade condamné, fait repousser la jambe d’un amputé… Son don lui vaut rapidement d’être vénéré et nombreux sont les croyants qui se massent à ses portes. Toutefois la situation est loin d’être aussi idyllique qu’on le pense. D’une part le jeune homme profite surtout de la situation, afin de devenir l’homme qu’il ne se pensait pas capable d’être. Ensuite l’un de ses miraculés se transforme subitement, contaminé par un mal étrange. Il devient une goule, créature primaire tuant quiconque s’approche de lui, et s’évade dans la nature. Enfin Constantine et Zed, qui s’intéressent de très près à cette affaire, découvrent la présence d’un Ange agonisant dans les parages.
Celle-ci est une belle jeune femme du nom d’Imogen, venue chercher le pasteur aux portes de la Mort pour le guider vers l’Au-Delà. Malheureusement l’évangéliste s’est agrippé à l’une de ses ailes et lui a arraché une plume, ce qui lui a permis de revenir et d’utiliser l’énergie résiduelle afin d’accomplir ses guérisons. Hors un Ange aux ailes abimées est privé de son énergie mystique et tombe alors sur Terre, où il devient aussi vulnérable qu’un simple humain et risque même de trouver la mort. Imogen se retrouve donc en grave danger et découvre la notion de douleur, ce qui ne laisse que très peu de temps au duo exorciste pour récupérer la plume et la redonner à sa propriétaire afin de la sauver.
Cependant la tâche est loin d’être facile car, comme l’explique Manny, jamais aucun mortel n’a réussi à arracher une plume d’Ange jusque là et quiconque cherche à la prendre de force est immédiatement repoussé par une puissante magie. John Constantine se retrouve donc incapable de pouvoir mettre la main sur l’objet. Se pose alors la question: s’il n’est pas possible de voler la plume, comment le pasteur a t-il pu la récupérer en premier lieu ? C’est là que la série entre sur le territoire de Prophecy. Au cours d’une discussion entre Anges qui va prendre des proportions inattendues.
Préoccupé par la situation de sa semblable et n’ayant aucune idée des émotions que nous ressentons, nous autres humains, Manny demande à Imogen ce qu’est la douleur et comment elle la ressent. La description qu’elle en fait semble le terrifier et il change de sujet, cherchant une sensation plus paisible à discuter, comme sentir le soleil sur sa peau pour la première fois. Seulement la peur de voir la jeune femme disparaître le pousse à révéler ses véritables sentiments à l’égard de l’humanité: ils sont naturellement égoïste et ne se préoccupent des autres que lorsque cela sert leurs intérêts. Nous avons été mis sur Terre avec le libre arbitre afin que nous puissions progresser et vivre par nous même, mais nous ne faisons que sombrer. “Nous aurions fait mieux” confie l’Ange, et lorsque Imogen lui demande s’il croit ce qu’il dit, celui-ci acquiesce.
A sa grande surprise, la divine créature partage totalement son point de vue. A leurs yeux nous ne sommes que des créations défectueuse et si le premier réalise qu’ils devraient modérer leurs propos et ne pas aborder le sujet, la seconde laisse entendre qu’elle désire récupérer la Terre pour leur race. Vous l’aurez bien compris, voilà un très gros indice sur la vérité derrière l’affaire de la plume, et combiné avec la confession du pasteur (il avoue avoir renversé quelqu’un en voiture après avoir bu dans un moment de perdition, et a fuit les lieux du drame, ce qui signifie qu’il devait aller en Enfer à sa mort et qu’aucun Ange ne pouvait décemment venir le chercher) on a vite fait de rassembler les pièces du puzzle. La plume fut donné sciemment à l’évangéliste par Imogen elle-même, afin d’entrer dans le royaume des mortels. Bien sûr avec des ailes endommagées elle risque la mort, et c’est son énergie corrompue qui à créée les goules, des zombies chargés de retrouver la plume et la lui rapporter afin qu’elle puisse survivre.
Imogen est un Ange déchu, envoyé en Enfer pour avoir commis une faute impardonnable: tuer un être humain, par curiosité et pour confirmer sa supériorité. Désireuse de retrouver la Terre et de détruire les humains, celle qui était un être de bonté a profité du phénomène Rising Darkness (qui semble avoir amincit la barrière entre l’Enfer et la Terre) pour trouver une âme en peine qu’elle pourrait manipuler sans peine. Inutile de dire que ni Constantine ni Zed ne sont de taille à l’affronter, tandis que Manny ne peut en toute logique pas intervenir par décret divin. Une problématique intéressante dont la résolution ne manquera pas d’avoir des conséquences pour certains personnages dans la suite de la saison. A commencer par Manny, qui trouve enfin une utilité véritable dans la narration en plus de voir son personnage se développer un peu depuis ces derniers épisodes.
Sa relation conflictuelle avec Constantine demeure, et à ce titre les comédiens sont très bons pour se renvoyer la balle, mais leur relation semble bien plus profonde qu’elle ne le paraît. Si le John Constantine des comics n’est pas le genre de personnage auquel on peut greffer une sorte de “conscience morale” sous forme d’ange gardien, cela fonctionne un peu plus au sein d’un show s’adressant au plus grand nombre et pourrait avoir une logique dans le cheminement du héros à travers la série. Les puristes râleront peut-être et il est vrai que l’idée paraît peut-être un peu cliché, mais cela fonctionne pour l’instant.
Tout comme à l’époque du pilote, cet épisode n’est pas sans renvoyer au film Constantine avec Keanu Reeves, où le grand méchant de l’histoire se révélait être un Ange désireux d’altérer définitivement le cours de la vie humaine. Et force est de constater que encore une fois, la série fait un bien meilleur travail que l’œuvre cinématographique en conduisant son intrigue dans un cadre limité (une petite affaire dans une petite ville) plutôt que de tenter le récit épique avec l’idée de sacrifice du héros. Et puis Imogen est nettement plus charismatique que Tilda Swinton en Gabriel androgyne façon David Bowie.
La conclusion est plus intéressante également car ne montrant pas Constantine conduire une action qui amène à sa rédemption, bien au contraire. Celui-ci s’en sort encore une fois en manipulant ses amis d’une certaine façon, poussant Manny à agir et à prendre la responsabilité de ce qui en découlera ; et le final vient dresser le parallèle entre l’exorciste et le pasteur, lequel reprend son rôle d’évangéliste en espérant trouver le pardon avant sa mort prochaine, pour éviter l’Enfer.
Voilà qui fait remonter Constantine, la série, de quelques points dans mon estime après le très mauvais numéro de la semaine précédente, et qui ravive mon espérance. Même en s’éloignant du Hellblazer extravagant et sûrement inadaptable dans ce format télévision chez NBC, les responsables ont un matériau prometteur entre les mains et laissent souvent entrevoir les multiples possibilités d’un tel univers. Maintenant si seulement le show pouvait évoluer suffisamment pour prendre son envol et devenir autre chose que l’habituel saga d’enquêtes surnaturelles qu’on se goinfre depuis des lustres…
Épisode de transition, Blessed Are the Damned fait un peu avancer le fil rouge à l’approche du mid-season. Outre Manny qui obtient enfin un rôle et un avenir dans les évènements à venir, Zed se fait draguer par un beau jeune homme qui travaille en fait pour quelqu’un qui la recherche (sa famille, vraisemblablement) et si Chas est absent, au moins sa vie de famille est mentionnée au détour d’un dialogue. Constantine se montre de plus en plus impuissant face au menace qui pèse sur le monde et on sait maintenant que l’Apocalypse risque de ne plus trop tarder maintenant que l’Enfer déborde sur la Terre.
Du reste, quelques traces d’humour qui marchent plutôt bien: Constantine qui embarque des capotes en guise d’outils de travail juste pour perturber sa collègue, un peu trop coincé à l’égard du caractère religieux de leur mission, Zed qui apprend que les Anges existent et tient absolument à les voir, réclamant sans cesse comme une gamine, le sermon final du pasteur repentant, qui explique à ses fidèles que le libre arbitre est une chose plus puissante que les forces du Bien et du Mal, et en général toute l’attitude cynique de l’exorciste devant le besoin de Foi et de miracles des croyants. Si Zed vient évidemment jouer le rôle de la modératrice, arguant qu’on ne peut insulter des gens éprouvant le besoin de suivre un Guide, ou d’espérer qu’une force supérieur puisse les aider, l’épisode traite plus ici d’une différence de point de vue sur un mode de vie que l’habituelle lutte athée / croyant qui agace tout le monde.
Tout au plus un seul véritable défaut: la manière dont la plume revient à Imogen, qui semble un peu tirée par les cheveux en l’état. Découvrir que les goules travaillaient pour elle depuis le début aurait été un très bon moyen de révéler sa nature maléfique, peut-être dans une scène où ceux-ci apparaissent comme pour l’attaquer avant de lui remettre l’objet qu’elle convoite. Mais la scénariste préfère jouer sur le personnage de Zed, séduite par les propos du pasteur tout en le manipulant afin de se rapprocher de lui. Au final, elle subtilise la chose très facilement au cours d’un baptême alors qu’il ne fait pas attention. Comment peut-elle voler la plume s’il est impossible de la prendre de force ? Simplement parce qu’elle a obtenu une vision quelconque lors de sa première rencontre avec l’évangéliste, et qu’elle possède ainsi un peu de son “énergie”, lui permettant alors de passer outre la magie protectrice du talisman.
C’est grossier, sortant de nulle part, et il y a fort à parier pour que l’on ne réentende plus jamais parler de cette capacité spéciale par la suite !
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