Constantine (1.04)

Constantine
Ep.1.04

A Feast of Friends

 

 

Voilà un épisode qui aurait pu être très bon, mais qui n’est finalement qu’extrêmement banal. Ce n’est pas parce que l’histoire est mauvaise, ni même que le scénario manque d’intérêt. Celui-ci fait même preuve d’un peu d’audace et met en scène quelques rituels de magie assez graphiques et proches de l’univers de Hellblazer. Le problème c’est que, à cause de la structure de narration, l’intrigue reste coincée dans un format très basique et ne donne jamais l’impression d’exploiter les dimensions fantastiques qu’elle explore. En gros, il y a beaucoup d’éléments très intéressants ici, entre la nature de la menace, l’introduction d’un personnage brisé par la vie et la conclusion particulièrement amer. Seulement l’ordre des séquences est monté d’une telle façon qu’il rend tout cela moins important que le sous-texte, le thème de l’épisode qui est exploré en filigrane. Lequel ? La drogue, c’est mal.
C’est comme si les producteurs avaient prit peur du potentiel pourtant prometteur de l’épisode et avaient choisi de mettre plus en avant le message, la métaphore, que le surnaturel proprement dit. Ce n’est pas nécessairement un mal, seulement Constantine n’a pas encore assez de force pour paraître audacieux ou intelligent dans ses propos, et tout cela donne surtout l’impression de revenir 20 ans en arrière, à l’époque où les séries télés n’osaient pas encore se développer au fils des épisodes, de peur de perdre les nouveaux venus.

 

 

De la manière dont est présenté le sujet, A Feast of Friends narre les déboires de Gary Lester, une ancienne connaissance de John Constantine qui a sombré dans la drogue depuis l’affaire de Newcastle et l’exorcisme raté de la petite Astra. Alors qu’il rentre au pays après avoir traîné à l’étranger pour fuir ses problèmes, il ramène avec lui une antique bouteille qui renferme une puissante créature qu’il est parvenu à enfermer. Mais alors qu’il voulait retrouver Constantine pour l’impressionner et lui demander son aide, il est arrêté dès son arrivé à l’aéroport et un garde libère l’esprit. Celui-ci est un démon de la Faim et saute de corps en corps pour consommer toute nourriture qui lui tombe sous la main, jusqu’à ce que son hôte soit consumé de l’intérieur, l’obligeant à trouver un nouvel hôte.
Alors que les médias se saisissent de l’affaire, la population pensant à une épidémie mortelle d’origine inconnue, Constantine voit d’un mauvais œil le retour de son “ami” qui ne lui apparaît que comme un junkie incapable. Maintenant que le démon commence à faire des victimes, l’exorciste n’a pas d’autre choix que de s’occuper de lui mais réalise, à son grand étonnement, que celui-ci est beaucoup plus puissant qu’il ne l’aurait cru et qu’il va avoir besoin d’aide pour le neutraliser…

 

 

Ces prémices ne sont pas plus mauvais que d’autres, même si raconté comme ça, c’est loin d’être original. Enlevez le nom de Constantine et ça donne l’impression de lire le résumé d’un épisode d’une quelconque série fantastique comme Buffy Contre les Vampires, Poltergeist: The Legacy, la seconde saison de Baywatch Nights ou bien sûr Supernatural. C’est d’autant plus probant que le thème socio-écologique de l’épisode renvoie directement aux années 90, ce bon vieux temps où les jeux d’arcades affichaient le message “Winners don’t use drugs” et où les dessins-animés nous faisaient prendre conscience des affres de la pollution, avec Captain Planet et autres Widget.
Gary exhibe des traces de piqûres sur les bras et toute sa relation avec Constantine tourne autour de promesses non tenues et de manque de confiance, comme n’importe quelle liaison avec un drogué en manque. Une première scène avec Zed tourne autour de l’effet de bien-être qu’elle ressent lorsqu’elle utilise ses pouvoirs, ce que l’exorciste décrit alors comme le fait de planer et de perdre le contrôle. Le démon lui-même peut être perçu comme une représentation de l’addiction puisqu’il est montré comme une bête inintelligible qui ne fait qu’engloutir, au risque de se détruire lui-même comme le montre le rituel nécessaire à son bannissement. Aussi, Constantine doit absorber une drogue magique afin de trouver ses réponses pendant son trip.
Vous l’aurez compris, c’est loin d’être subtile et vu a quel point John Constantine est censé abuser des substances toxiques comme la liqueur et la cigarette, c’est totalement hors propos.

 

 

Dommage car si l’épisode s’était ouvert dans l’ordre chronologique des évènements, ou durant les divagations droguées de son héros, cela aurait fonctionné du tonnerre. Parce que au-delà de la métaphore, A Feast of Friends narre une histoire particulièrement tragique et ose s’aventurer sur un territoire visuel un peu plus copieux que les semaines dernières. Voyez plutôt:
Tout commence au Soudan, où le démon Mnemoth utilise la population à son avantage. Il tire sa puissance de la famine et saute de corps en corps afin de dévorer tout ce qu’il trouve, y compris la force vitale de ses hôtes. Un shaman, désespéré par la situation, comprend qu’il doit agir et n’a pas d’autre choix que de sacrifier une vie pour ce faire. Un jeune homme a qui il grave des symboles sur le visage, des marques permettant de garder prisonnier l’esprit qui le possède. Le garçon est abandonné dans une hutte, ligoté, car Mnemoth finira tôt ou tard par se consumer lui-même en dévorant l’hôte auquel il est lié. Malheureusement celui-ci parvient à s’enfuir et se retrouve à errer dans les quartiers chauds du pays, son chemin croisant alors celui de Gary…
Celui-ci est un homme totalement anéanti par la culpabilité et la consommation de stupéfiants. Pour dresser un rapide portrait du bonhomme, disons que celui-ci a toujours été une sorte de profiteur, un petit filou doué pour obtenir ce qu’il désir et de la façon la moins honnête possible. Admirateur de John Constantine comme beaucoup d’autres, il faisait partie d’un petit groupe le suivant partout et apprenant les ficelles du métier d’exorcisme. Mais suite à l’affaire Newcastle, Gary a préféré fuir et tente désormais d’oublier.

 

 

Parce qu’il avait fumé de l’herbe et planait totalement durant le rituel qui a coûté la vie à la petite fille, Gary se sent responsable et a sombré dans une profonde dépression qui l’a transformé en junkie. Lorsqu’il rencontre par hasard le garçon possédé par Mnemoth, comprenant que quelqu’un l’a condamné à mort en gravant les symboles, il voit là une occasion de se racheter. Sa seule chance de rédemption. Il pratique un exorcisme et le démon ne se fait pas prier pour sortir du corps, trouvant refuge dans une bouteille scellée et attendant son heure. Parce que le rituel s’est bien passé, Gary décide de rentrer au pays et de montrer le résultat à Constantine, pensant pouvoir remonter la pente et peut-être récupérer un semblant de vie. Seulement Mnemoth se libère et commence à infester la population locale, ce qui vaut au drogué d’être immédiatement rejeté par son ancien mentor. Seule Zed, la nouvelle protégée, est touchée par son histoire et tente de lui donner du courage…
Voilà qui fait une histoire de rédemption bien plus intéressante, surtout qu’elle trouve dans ses derniers instants une conclusion pour le moins amer, Constantine décidant d’utiliser Gary pour parvenir à ses fins, montrant que l’un ne vaut finalement pas mieux que l’autre. De quoi briser la confiance que Zed éprouve pour lui, et le peu d’espoir qu’avait Manny (l’Ange) pour le voir devenir quelqu’un de bien.

 

 

Via une excellente séquence montrant le maître des Arts Sombres faire un voyage spirituel pour découvrir l’identité et les faiblesses de Mnemoth, où il absorbe une drogue si puissante que ses effets durent pour toujours à moins de prendre un antidote, nous découvrons à quel point le démon est ancien et puissant. Que cela soit lié ou non au fil rouge de la monté en puissance du Mal importe peu, nous réalisons surtout que même Constantine n’est pas de taille pour affronter un tel monstre. La seule solution qui s’impose est celle du shaman, un sacrifice humain. Et alors qu’on devine ce que le « héros » a en tête, on doute un moment que l’épisode puisse prendre cette direction. Non pas tellement à cause du personnage ou de l’univers, après tout il s’agit d’une adaptation de Hellblazer, mais parce que jusqu’ici la série télé s’est montrée particulièrement sage. Rappelez-vous qu’elle ne peut même pas montrer le personnage principal fumer une cigarette ! Du coup l’idée qu’il puisse manipuler une connaissance, lui faire croire en ses capacités pour finalement l’utiliser comme hôte et capturer Mnemoth, ça fait une limite qu’on ne pense pas pouvoir franchir dans le cadre de la diffusion télévisuelle.
Après une première apparition inutile (il arrive pour repartir aussitôt, allez comprendre), l’intervention de Manny est cette fois lourde de sens. Il fige le temps pour apparaître à l’exorciste et, sans entrer dans les détails, montre son refus d’en arriver à de telles extrémités. Seulement il ne peut pas intervenir et laisse Constantine faire. En fin d’épisode, il revient et, sans un mot, reste au côté d’un Gary agonisant, lançant un regard noir à son partenaire. Lequel tente de persuader ses compagnons (et lui-même par l’occasion) qu’il n’avait pas d’autres choix.
Durant ces instants, A Feast of Friends surpasse grandement ses prémices d’épisode gimmick, d’histoire à message d’intérêt public, et offre une intrigue pour le moins originale, une tentative échoué de rédemption aux conséquences dramatiques.

 

 

Du reste, l’épisode est visuellement semblable a ses prédécesseurs. De bonnes idées mais beaucoup trop sage, beaucoup trop banal et déjà-vu. L’apparence de Mnemoth elle-même ne prend pas de risque et se limite à une invasion de gros cafards volants qui ne sont pas sans évoquer les scarabées de La Momie version Stephen Sommers. Quand bien même cela a un sens ici, thématiquement parlant (il s’agit de Khapra beetles, ou trogodermes, l’une des espèces les plus envahissantes du monde), il aurait été préférable que le démon de la Faim prenne une apparence plus mythologique, ou démoniaque. Un peu comme le Pale Man du Labyrinthe de Pan par exemple, qui évoquait un obèse ayant fondu et se retrouvant avec des pans de peau flottante sur tout le corps.
En l’état, c’est surtout pratique d’un point de vue logistique puisque les insectes numériques se glissent très facilement dans la bouche de quelques acteurs vaguement grimés, jouant la carte de la facilité et évoquant le génial Hidden de Jack Sholder. Au moins les possédés affichent parfois un look soigné, comme cette personne aux dents proéminentes, mangeant comme une bête sauvage la carcasse d’un porc dans une chambre froide, puis reprenant la célèbre Spider Walk de Regan, de la célèbre scène coupée de L’Exorciste. Mais bien sûr rien ne vaut le sacrifié, jeune homme dont les symboles gravés à même la peau renvoient aux tatouages maoris ancestraux, et évoquant alors d’emblée le sublime Cabal de Clive Barker dont le héros portait les mêmes stigmates. Et ce n’est pas une mauvaise référence étant donné que l’écrivain a, en quelque sorte, inventé son propre John Constantine avec Harry d’Amour, personnage vu dans le film Le Maître des Illusions et présent dans plusieurs de ses histoires. Et comme pour mêler un peu plus la ressemblance, les deux protagonistes ont été crées globalement la même année, quelque part entre 1984 et 1985.

 

 

Pour la forme on peut toujours noter l’emploi de quelques visuels osés et fulgurants. Un marabout arrache l’œil de Constantine pour le mettre à la place du sien durant leur trip hallucinatoire, un shaman arrache une langue au couteau avant de graver les chairs (une tâche qui se montre particulièrement pénible tant pour le bourreau que le supplicié) et le démon Mnemoth bouffe la joue d’un gardien de sécurité tentant de le neutraliser. Belle occasion manquée avec ce possédé qui plonge sa main dans l’huile bouillante pour récupérer quelques malheureuses frites, car le membre ne montre aucun signe de blessures, ce qui diminue fortement l’impact de la scène.
Et dans un registre totalement différent, notre exorciste se montre sarcastique devant les mascottes souriantes d’une usine à viande. Un trait d’humour sans importance mais qui fonctionne et prouve que, encore une fois, Matt Ryan est parfait dans le rôle.

 

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