Blood Beach (1980)

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Blood Beach

(1980)

 

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Face au raz-de-marée de monstres marins qui se partagent les restes laissés par le requin des Dents de la Mer, le réalisateur Jeffrey Bloom (Flowers in the Attic avec Louise Fletcher) comprend que la concurrence est rude et qu’il va falloir innover pour se trouver une petite place. Car entre ceux qui proposent leurs propres squales, ceux qui changent juste de bestioles (crocodiles, orques, pieuvres, piranhas) et ceux qui se croient intelligent en refaisant le film de Spielberg sur la terre ferme (Claws et Grizzly avec leurs plantigrades), ils n’est pas évident de se distinguer. Certains font dans le sérieux, certains tapent dans la parodie, et cinq ans après les faits tout semble avoir déjà été fait. Tout sauf une idée, que le metteur en scène développe avec un copain: et si la menace ne se trouvait pas dans l’eau, là où on l’attend, mais sur la plage, d’ordinaire la zone sûre ?

 

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Cela donne Blood Beach, où la créature mangeuse d’hommes vit enfouie sous terre et happe les promeneurs à la manière de Tremors. C’est un petit coin de littoral en Californie qui en fait les frais, plusieurs habitants disparaissant sans laisser de trace après avoir posé le pied sur l’étendue sabloneuse, dévorés par un monstre d’origine inconnue qui a récemment quitté l’océan pour faire son nid dans la cave d’un bâtiment abandonné depuis des années. La police et les sauveteurs du coin piétinent, incapablent de savoir par où commencer dans leur enquête, et seule une sans-abris locale connait la vérité, observant les attaques sans jamais intervenir puisqu’elle est complètement folle. Le film reste ainsi bloqué sur le même schéma jusqu’au dernier acte, où le héros tombe par hasard sur le garde-manger de la bête avant de prévenir les autorités qui vont préparer un piège explosif…

 

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Le moins que l’on puisse dire c’est que Blood Beach repose entièrement sur son gimmick, car autrement il n’a pas grand chose à proposer hormis ses sympathiques mais peu violentes mises à mort. L’intrigue se divise inutilement sur deux groupes – les flics et les surveillants des plages, sans qu’aucun ne fasse jamais avancer les choses. Les premiers tournent en rond après une première décision pourtant intelligente (ils utilisent une pelleteuse pour creuser les environs), et les seconds se contentent de parler des évènements d’un air concerné mais sans rien faire pour autant. Pour une raison inexplicable les scénaristes choisissent ces derniers comme protagonistes, alors qu’ils n’ont rien à proposer hormis une romance franchement inintéressante entre un pseudo Mitch Buchannon et son ancienne petite amie revenue chercher sa mère, qui fait partie des victimes.

 

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Et si notre bonhomme s’était remis avec une autre, il va pouvoir retourner dans les bras de son ex grâce au monstre qui bouffe son actuelle compagne. Il perd aussi un collègue mais passe le plus clair de son temps à renouer avec la belle plutôt qu’à chercher vengeance. Au moins la police doit composer avec le commité de la ville, forcément en colère par l’absence de résultat, et certains officiers se montrent divertissant par leurs comportements rentre-dedans. Car les toujours excellents Burt Young et John Saxon sont au casting, et l’un comme l’autre font ce qu’ils savent faire de mieux: râler et jurer ! L’éternel interprète de Paulie rejoue basiquement son personnage de Rocky mais en plus odieux, ne possédant aucun sens du tact et critiquant tout et tout le monde. Un plaisir que de le voir récupérer un œil humain dans le sable et demander aussitôt à un proche de la victime de quelle couleur étaient ses yeux, sans se soucier d’être trop direct.

 

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L’une des meilleurs scènes le montre au contraire être très en retrait, prenant la déposition d’une épouse inquiète à propos de son mari. Sur le papier il n’y a rien de particulièrement drôle, mais à l’écran leur échange est hilarant tant les petits détails pour identifier le disparu sont jugés silencieusement, ou avec peu de mots, par l’inspecteur. Saxton de son côté gère les forces de l’ordre avec agacement, comme un père déçu, insultant avec zèle les conseillers municipaux qui veulent lui mettre des bâtons dans les roues et récitant à ses hommes tous les témoignages contradictoires à propos de l’apparence de la Créature de Blood Beach, comme les habitants l’ont surnommée. Si le film avait été entièrement centré sur eux, il aurait été beaucoup plus fun. Car hélas on fini par s’y embêter un peu tant rien ne progresse, et le fait que la bestiole n’apparaisse jamais finit par lasser aussi. Certes elle débarque dans le final, mais pour une poignée de seconde seulement, sans doute parce que le monteur craignait qu’elle ne soit pas convaincante.

 

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C’est l’avis d’Internet tout entier justement, comme si tout le monde s’attendait à voir un Graboid bien foutu malgré l’époque et le budget. En vérité il y avait de l’idée derrière son design, même si cela se perd au montage faute de pouvoir l’étudier plus longuement ou de la voir en action: la chose est une sorte de ver tubicole géant, comme le Lamellibrachia ou le Sabella, doté d’une base massive façon anémone et dont la bouche évoque une plante carnivore attrape-mouche. Sa méthode de déplacement nous est inconnue (pour des raisons évidentes de manque de moyens) mais sa façon de chasser surprend puisque au lieu d’émerger comme un monstre basique, elle opère de manière furtive et somme toute assez réaliste, en aspirant le sable autour de sa proie, les faisant tomber à travers des trous. Une belle façon d’économiser puisque les acteurs disparaissent simplement, sans effusion de sang et sans renforts d’effets spéciaux.

 

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Le revers de la médaille c’est que les morts sont toutes les mêmes, et passé l’efficacité de la première fois cela perd sacrément de son impact au fil du film. Heureusement le script se rattrape par le contexte, chaque agression possédant un petit quelque chose d’unique: une vieille dame appelle un nageur à l’aide mais disparaît avant que celui-ci ne puisse sortir de l’eau, une femme en route pour un rendez-vous galant est avalée juste devant la maison de son mec, le voyant l’attendre par la fenêtre, et un sauveteur est lentement tiré dans le sable, tendant les bras vers la clocharde avec qui il papotait pour qu’elle le tire de là, mais celle-ci le regarde mourir sans émettre la moindre émotion puisque mentalement dérangée. Et puis bien sûr il y a le violeur, qui s’en prend à une femme sous un ponton et fini par se faire dévorer la bite alors qu’il rampe au sol. Dans la scène d’après des mômes balance à Burt Young le membre coupé qu’ils ont retrouvé dans les dunes ! Un chien est retrouvé décapité par sa maitresse, et une adolescente enterrée dans le sable par ses amis se met subitement à hurler de douleur, révélant des jambes horriblement lacérées une fois dégagée.

 

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Enfin difficile de ne pas sourire lorsque l’héroïne, qui espère retrouver sa mère durant tout le film, voit sa tête coupée lui tomber dessus quand elle visite l’antre de la bête. Et puis quelle conclusion: alors que la police truffe l’endroit d’explosif pour se débarasser de la créature, un scientifique ne peut s’empêcher de théoriser sur les propriétés régénératives de certains vers, qui peuvent se dupliquer s’ils sont coupés en deux. Que se passerait-il si le monstre était réduit en miettes et que chaque petit fragment pouvaient donner naissance à une nouvelle bête ? La réponse se trouve dans le générique de fin, qui au lieu de se dérouler sur fond noir montre des vacanciers profiter de la plage désormais sans danger, alors que partout autour d’eux se forment de petits tourbillons… Le réalisateur se rattrape plutôt bien donc, malgré des passages à vide qui auraient pu sérieusement nuir à l’oeuvre. Cela ne fut pas suffisant pour certains en revanche, et la version allemande du film est désormais bien connue pour rajouter deux brèves scènes supplémentaires afin d’ajouter un peu de violence, de nudité et de bestiole.

 

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Des scènes honteusements volées à un ou deux films, même si leurs provenances n’ont encore pas été identifiés. La jeune fille enterrée est désormais griffées par une patte reptilienne, et une femme se retrouve attirée dans une caverne souterraine, nue car perdant sa robe durant la chute et dévorée par ce qui ressemble à un dragon lovecraftien aux yeux rouges. Des rajouts grossiers mais marrants qui transforment la créature en une improbable chimère, mais qui ne sont pas assez nombreux pour justifier l’existence de cette version alternative qui est en outre incomplète car plusieurs scènes « normales » ont été supprimé. Il existe désormais un fanedit (la Extended and Uncut de Tranzor) qui réinjecte ces images dans le montage original. Cela n’en fait cependant pas la version ultime de Blood Beach, puisque le film est encore inédit depuis les années VHS, la faute à de mystérieuses raisons de droits et possiblement de la disparition du négatif original, et donc coincé dans un format 4:3 qui laisse apparaître trop d’informations en haut et en bas de l’image, avec l’apparition de quelques micros. Rien de grave pour les amateurs de série B et les nostalgiques des vidéo clubs, mais ce n’est pas dans cet état que Blood Beach sera revalorisé.

 

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