B-Movie Posters, Volume 3 (2019)

 

B-Movie Posters, Vol. 3

(2019)

 

 

Les volumes se suivent et se ressemblent, et du coup il me parait difficile de parler de ce troisième B-Movie Posters sans répéter tout ce que j’ai déjà dis à propos des livres précédents. On ne change pas une équipe gagnante et nous retrouvons donc le journaliste Damien Granger et son maquettiste Matthieu Nédey pour une nouvelle fournée débarquant juste quelques mois après le dernier opus. Une vitesse de production assez hallucinante puisque cette fois ce sont carrément deux tomes qui nous parviennent en même temps: l’attendu Volume 3 et le spin-off Creature Feature Edition, qui comme son titre l’indique traite exclusivement des gros monstres peuplant le genre horrifique, des animaux géants aux mutants radioactifs. D’ailleurs pratiquement aucun gloumoute ne vient pointer le bout de son museau dans ce numéro 3, comme pour bien réserver l’exclusivité à son compagnon de lecture. A la place, l’auteur préfère traiter d’à peu près tous les autres thèmes relatifs genre, du clown psychopathe à l’aventure post-apocalyptique en passant par les films de prisons de femmes, et privilégie surtout le micro budget.

 

 

La préface annonce la couleur puisque l’écrivain y explique vouloir cette fois s’intéresser au “côté obscure de la série B”, c’est-à-dire les œuvres plus rares, plus spécialisées ou plus Z, avec des visuels méconnus ou inexploités hors de leur pays. Cela n’en rend ce nouvel essai que plus intéressant encore, tant pour le néophyte qui va y découvrir une mine de curiosités que le vétéran qui pourra y tester ses propres connaissances. Et l’air de rien cela prépare le terrain au second hors série à venir, titré Ces Incroyables Films que l’on ne Verra Jamais, qui parlera de projets avortés, abandonnés et donc plus invisible encore que les bandes ici évoquées. Et pourtant parcourir les pages d’un B-Movie Posters fini par devenir comme se balader dans les studios d’une petite compagnie et y croiser ses habitués. Des acteurs, producteurs et réalisateurs qui reviennent de livres en livres, d’une page à l’autre: Fred Olen Ray, Albert Pyun, David DeCoteau et Cirio H. Santiago s’entourent de Robert Z’Dar, Joe Estevez, Sybil Danning ou Eric Roberts tandis que la Troma se chamaille avec la Full Moon et que Roger Corman flirte avec Julie Strain.

 

 

Les vieilles trognes de Sid Haig, Richard Harrison et Donald Pleasence s’affichent à côté des poitrines de Brinke Stevens, Linnea Quigley et Michelle Bauer tandis que David Carradine et Wing Hauser se soulent dans le même bar. Bref, c’est un univers miniature où tout le monde se retrouve d’une façon ou d’une autre, et même le plus débutant en la matière finira vite par se familiariser avec chacune de ces légendes du cinéma de genre et de second rang. Ainsi le lecteur reste en bonne compagnie même en arpentant la face sombre de la série B, et c’est tant mieux puisque le sommaire se montre très hétéroclite, sautant d’une époque à une autre afin de ne pas se montrer trop répétitif: au programme de ce troisième volet, la rubrique Art of s’intéresse à l’inconnu Michael Krueger, décédé trop tôt de ce foutu crabe. Scénariste de Amityville 5 et tenancier de Fantastic Films Magazine, il tenta de se lancer lui-même dans la production avec une poignée de petits films mal foutus et peu connus tel Mindkiller. L’affiche de Lone Wolf, avec cette main de loup-garou tentant d’utiliser un ordinateur, fait bien sourire.

 

 

Charles Band nous revient dans une rubrique consacré aux superbes artworks des dernières productions Empire, juste avant la chute de sa compagnie. Des images incroyables qui font vendre, mais bien souvent délaissées une fois les projets mis en boite. L’occasion parfaite pour baver devant l’illustration originale de Cellar Dweller, tout droit sortie des EC Comics, ou celles de Arena, Dungeonmaster, Prison, Robot Jox, TerrorVision, ou encore Vicious Lips dont le premier visuel est plutôt alléchant, avec ces mains monstrueuses se jetant sur une femme nue une prenant une pose lascive. Art of Killer Klowns ne s’intéresse pas aux aliens des frères Chiodo et présente en fait une galerie de psychopathes grimés issus du faux flasher Blood Harvest (un thriller érotique plus qu’autre chose !), du zédeux Hellbreeder avec notre Dominique Pinon national et du bien nommé Clowntergeist. Une section dédiée à la société American Cinema Marketing permet de retrouver quelques spécimens bien connus des collectionneurs de VHS (Moonstalker et Lords of Magick) et déterre ce Frightened to Death visible nulle part puisqu’il volait la musique du Halloween de John Carpenter tel un vieux Bis rital.

 

 

Trop court, Art of Slasher on Ice présente exactement ce qu’il indique: le rare cas du slasher préférant la neige au soleil, avec quelques titres comme Shredder et Iced, adeptes du planté de bâton. Bruno Mattei et Claudio Fragasso sont à l’honneur chez Flora Film, où l’écrivain revient rapidement sur leur partenariat qui engendra quelques perles bien cheapos comme Robowar les deux Strike Commando ou encore Zombi 3 et 4. L’occasion d’un petit coup de pub pour l’indispensable Bruno Mattei: Itinéraire Bis de David Didelot, ainsi que la publication de la pré-affiche de Double Target, où la peinture se mêle à une véritable image de sous-marin en un photomontage très proche de la façon dont les producteurs inséraient des stock shots granuleux dans leurs films. Thai Horror DTV évoque brièvement la folie du format VCD (lecteur de Vidéotopsie, souvenez-vous de mes quelques mots à propos de Cannibal Mercenary 2 dans le #15) et exhibe une collection d’œuvrettes pour le coup totalement inédites. Personnellement je suis tombé amoureux du visuel d’Amazon Ghost avec son monstre en caoutchouc, sa jungle girl en bikini et son serpent qui photobomb !

 

 

Art of Donald G. Jackson apparait comme l’un des morceaux les plus important de l’ouvrage puisqu’il traite d’une figure pour ainsi dire mythique du micro budget. Auteur des Frogtown et des Roller Blades qui sont évidemment évoqués ici, il se voit gratifié d’une courte biographie venant rappeler qu’il fut un précurseur sur le found footage et le style Grindhouse à l’image volontairement abimé avant de dériver dans l’improvisation totale, avec son style du Zen Filmaking développé à l’aide de son âme damnée Scott Shaw. Dommage que la relation très particulières entre les deux hommes ne soit pas évoquées (des “meilleurs amis” qui se maltraitaient physiquement et ne pouvaient pas se passer l’un de l’autre) mais au moins la sublime affiche de Demon Lover, son premier film, fera baver avec son style à la Frazetta. Après tout ça la rubrique suivante, West of the Dead, apparait plutôt décevante tant elle ne fait qu’effleurer son sujet. Censée présenter la fusion du western et de l’horreur, concept qui remonte jusqu’aux débuts de la série B, elle ne revient que sur trois petits films récents et peu réussis comme Undead or Alive, avec la bombasse Navi Rawat, et The Dead and the Damned de ce frimeur de René Perez.

 

 

Art of Tchexploitation permet un gros détour sur le WIP et autres softcore à tendance BDSM de ce coquin de Lloyd A. Simandl. Car outre sa participation à quelques titres connus des vidéoclubs (la fausse trilogie Empire of Ash, Xtro II et Shadowchaser), il est aussi coupable du Chained Heat 2 avec Brigitte Nielsen, dont le succès lui vaudra de repenser sa carrière pour engendrer à la chaine des Cries of Innocence, Lash of the Scorpion et autres Chained Fury: Lesbian Slave Desires. Des trucs en réalité répétitifs et plutôt ennuyeux malgré le sujet, mais dont on peut au moins profiter des belles affiches ici, presque plus épicées que les très sages aventures sexuelles qu’elles présentent. Avec Camp Motion Pictures c’est un concurrent méconnu de la Troma qui est exhumé des limbes, responsable de quelques shot on video délirant comme Death Row Diner et les deux Video Violence, mais aussi de plus gros poissons qu’elle a partiellement aidée financièrement comme Evil Spawn, Hollywood Chainsaw Hookers et Slime City, dont on peut apercevoir le poster cinéma original dans ces pages.

 

 

C’est ensuite à Ted V. Mikels de recevoir son hommage, personnage haut en couleurs et créateur des cultes Astro-Zombies et Corpse Grinders, dont certaines de leurs suites tardives sont traitées en coup de vent. Le plus amusant reste sans doute cette anecdote à propos de la façon dont Damien Granger a pu récupérer un sacré butin sur le sujet durant un marché du film, le style pittoresque du réalisateur n’étant pas du goût de tout le monde ! Concluons ce tour d’horizon avec un petit séjour chez la Asylum: Avengers Grimm où Lou Ferrigno croise Casper Van Dien, Little Dead Rotting Hood et deux Hansel & Gretel déjà chroniqués ici (et là) via Art of Grim Tale, rubrique s’intéressant aux relectures modernes des vieux contes de fée (“Through the looking glass and straight to Hell” annonce Alice in Murderland), ainsi qu’un profile sur le méconnu Brett Pipper. Un véritable Ray Harryhausen contemporain qui fabrique et anime ses propres créatures, nombreuses et extraordinaires malgré le faible budget, dans des films souvent fous et généreux.

 

 

Ce sont A Nymphoid Barbarian in Dinosaur Hell, Bite Me, Mutant War et sa superbe illustration sexy par Luis Dominguez finalement recalée (les cons !), Screaming Dead et le génial Shock-O-Rama. Il était temps de réhabiliter ce bonhomme d’un autre âge qui continue encore maintenant à ramener ses monstres à l’ancienne à l’heure du tout-CGI. Une belle façon de conclure ce Volume 3 et d’amener à la lecture de B-Movie Posters: Creature Feature Edition ! Bien sûr il faut aussi compter sur les nombreuses chroniques qui parsèment le livre, séparant chaque dossiers d’images incroyables pleines de monstres, de sang et de femmes à moitiés nues. Pêle-mêle citons le premier Gingerdead Man, Death Machine avec son affiche très Métal Hurlant signée Simon Bisley, l’excellent The Barn qui fait la couverture, Call Girl of Cthulhu, Star Worms II (fausse suite mais vraie arnaque), le Amazons de Roger Corman, Feeders des frères Polonia, le philippin The Killing of Satan, le putassier Joker’s Poltergeist et tout un tas de trucs avec Richard Lynch, Martin Kove, Umberto Lenzi, Brion James et George Kennedy.

 

 

Crystal Force pourrait faire une pochette CD pour un groupe de Heavy Metal tandis que certaines affiches valent réellement le coup d’œil: Escape From Cannibal Farm, Tales of the Third Dimension avec ses vautours “Laurel et Hardy”, Magic of the Universe, War Victims… Sans parler de l’apparition surprise des Psycho Sisters sur le visuel de Horror of the Humongous Hungan et de ce tueur à tête de cul dans Sodomaniac. Avec Raiders of the Sun, qui repompe le Thunderdome de Mad Max 3, l’auteur en profite pour parler de l’invisible mais désiré Water Wars. On nous dit le plus grand bien de Plank Face, Silent Scream et Discopath, mais Tale of the Voodoo Prostitute se fait défoncer comme jamais. Joe Castro et David Serling sont évidemment de la partie, et Frank Stallone fait enfin son apparition. Surprise: un seul film allemand dans la liste, alors que le hardgore et le petit budget font plutôt bon ménage là bas, entre les films d’Andreas Schnaas et ceux d’Olaf Ittenbach. Point de Art of Violent Shit donc, mais ce n’est pas grave, il n’y a qu’à attendre les prochains volumes pour réparer cette injustice.

 

 

Difficile de faire la fine bouche devant le travail abattu de toute façon, tant sur la forme (la maquette est en tout point semblable à celle du livre précédent, claire et lisible) que sur le fond. Du coup, comme le veut la tradition, il est temps de pinailler: le flyer du hentai live Killer Eye est peut-être un peu trop sombre et contrairement à ce qui est affirmé, Mark Jones, créateur et réalisateur du premier Leprechaun, n’a pas scénarisé les autres suites: son nom apparait seulement à titre honorifique, du genre « d’après les personnages créés par ». Et toc. Mais bon, Damien semble être un fan de Jacqueline Lovell et là je suis totalement d’accord ! Et puis comment lui en vouloir lorsque l’on se retrouve avec quelques goodies bonus en plus des bouquins, parfait moyen de se mettre le lecteur dans la poche ? Comme la dernière fois, il s’agit d’une reproduction de pré-affiches au format carte, avec ici les frasques très Grindhouse de Strongman Pictures: From Parts Unknown, Murderdrome, Sheborg Massacre (qui aura bien fait râler les gars de Astron-6 pour sa ressemblance avec leur Manborg) et Tarnation. Et en plus de tout ça, il y a cette renversante affichette format A3 de Lycanimator !

 

 

Évidemment que votre premier réflexe de lecteur sera d’engloutir ce Volume 3 puis de vous jeter sur le spécial Creature Feature en attendant la suite avec impatience. Et ça tombe bien car elle arrive en force, et outre le second hors série déjà annoncé, il semblerait que ce soit carrément une collection DVD qui soit maintenant prévu. Quand je repense à ma réaction première, au tout début du projet, que je percevais presque comme inutile car trop « petit » en terme d’ambition, je me sens très bête.

 

 

 

GALERIE

 

   

2 comments to B-Movie Posters, Volume 3 (2019)

  • Damien Granger Damien Granger  says:

    Merci ! Encore une super chronique qui fait bien plaisir à lire (et oui, on ne se l’explique pas avec l’imprimeur, mais malheureusement, Killer Eye sort très sombre 😉)

    • Adrien Vaillant Adrien Vaillant  says:

      Merci à toi de bien le prendre surtout 😃 (et pas de soucis hein, c’était de l’enculage de mouche pour le principe !)

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